C'est fait, ça y est. Le vote est pour maintenant, ce mardi 23 avril 2013, dans quelques heures. La loi du mariage pour tous sera votée, enfin. Le mariage gay sera enfin autorisé et nous pourrons passer à une autre séquence.
Le mariage homosexuel est un progrès.On espère que les partisans de la loi auront la victoire apaisante et généreuse, malgré ces dernières semaines d'excitations séditieuses d'une minorité. Certains opposants ont tout fait, trop dit, tout proféré. On ne compte plus les insultes et manifestations homophobes de certains pour quelque chose qui ne change pourtant rien à leurs propres droits mais beaucoup à leur propre conception de la vie. Elles furent si nombreuses qu'il fallait se résoudre à refuser de débattre avec celles et ceux qui restaient silencieux mais choqués.
Ce débat, finalement, fut révélateur à plus d'un titre.
1. Les opposants au mariage gay ne pouvaient être réduits aux figures caricaturales de Frigide Barjot, Civitas, et autre Béatrice Bourges. Ces derniers ne méritaient plus grand chose que l'oubli. Le Printemps français est un mouvement embarqué par les jeunesses nationalistes et autres identitaires françaiss en mal de "casser du pédé". Ces gens-là ont fait du mal à la cause qu'ils prétendaient servir.
2. Ce débat a clivé, mais finalement très peu. D'abord parce que l'attention du pays est ailleurs, sur le chômage, la crise, la précarité. Ensuite parce que le mariage homosexuel en hérisse certains autant qu'il indiffère l'immense majorité du pays. La première preuve était logée au creux de la campagne. La promesse était écrite noir sur blanc dans le programme par ailleurs jugé trop flou du président Hollande. S'il clivait autant le pays, on l'aurait su, dans une campagne par ailleurs sacrément clivée. Depuis, globalement, les positions n'ont pas changé si l'on en croit les sondages. Sur les réseaux sociaux tels Twitter, l'équilibre a été rompu très vite, très tôt, très violemment. Impossible, en 140 caractères souvent écrits de manière anonyme, de respecter facilement le sens du débat. Mais c'est un microcosme. Certains - souvent les mêmes qui refusaient tout référendum sur des sujets aussi essentiels que l'Europe - réclamaient un référendum pour une mesure pourtant explicite dans les promesses du candidat Hollande. Devions-nous revoter par référendum, une à une les promesses d'un candidat élu il y a moins d'un an ?
3. Ce "débat" a dévoilé l'hypocrisie d'une large fraction de la droite et de l'extrême droite, et bien au-delà du simple champ politique, vis-à-vis de la laïcité. On sait combien le combat laïc a été récupéré, digéré, ingéré par la droite et Marine Le Pen quand il s'agissait de l'islam. Loi contre le voile intégral, débat identitaire, offensives buissonnière et autres saillies aux relents parfois islamophobes ont pollué la laïcité d'un voisinage encombrant et illégitime. Quand 45.000 (chiffres de la police) ou 270.000 (chiffres des manifestants) protestent contre le mariage pour tous un dimanche 21 avril 2013, le Figaro du lendemain titre sur la Force Tranquille. On croit rêver. On imagine la une du même journal si ces 45.000 étaient musulmans. Il y eut aussi, devant l'Assemblée nationale, des prières dans la rue pour protester contre le mariage pour tous. Où était Marine Le Pen si rapidement choquée ? Où était Jean-François Copé ? Où était Laurent Wauquiez ? Où était l'UMP officielle ?
4. Ce débat a décrédibilisé certaines personnalités politiques. Christine Boutin était prévisible. Elle souriait quand elle était aux côtés du frontiste Gilbert Collard. Quelques autres députés UMP ont sombré. Henri Guaino est de ceux-là. L'hebdomadaire Marianne, qui reconnaissait quelque défense positive de l'ancienne figure gaulliste, a livré un furieux réquisitoire comme l'homme devenu grotesque à la faveur de ce débat. Guaino, affaibli par un quinquennat de conseiller sur-payé, s'est découvert bigot anti-mariage homosexuel. Philippe Cochet fut cet autre député UMP à sombrer en accusant, un soir trop tard à l'Assemblée, les députés socialistes d'être "en train d'assassiner des enfants". Pauvre homme... Un député UMP, dans la rue, s'en est pris à un gendarme.
Même Nicolas Sarkozy, début mars, eut ses termes désastreux pour évoquer la "traçabilité" des enfants. L'expression fit florès parmi les partisans du Printemps français. Elle était indigne. Un "TumblR", site de micro-blogging bien connu, a été rapidement bâti pour rappeler ce mur de la honte. Le "silence" de l'UMP fut "coupable", expliquait Françoise Fressoz, du Monde.
5. Ce débat a permis d'identifier quelques autres personnalités de droite, plus dignes, plus aptes au dialogue, plus ouvertes à l'évolution des moeurs. Il y avait Bruno Le Maire (UMP) ou Yves Jego (UDI) pour s'indigner de la proximité frontiste et/ou outrancière. Il y avait Aurore Bergé, candidate UMP aux municipales quelque part dans les Yvelines et soutien de Valérie Pécresse dans le coin.
6. Le mariage homosexuel a mobilisé contre lui la hiérarchie catholique, et seulement elle parmi toutes les religions. D'autres religions, quoique opposées, sont restées plus discrètes, considérant sans doute que la loi civile n'était pas leur affaire.Cette implication des hiérarques catholiques - Monseigneur Barbarin en tête - a choqué. Ces gens-là sont sortis de la distance nécessaire qu'implique le respect de la séparation de l'Etat et de l'Eglise. Ces gens-là ont considéré que les "racines chrétiennes" de la France leur autorisaient cette prise de parole politique plus que de raison, plus que toute autre religion.
"Alors que l'ordre de dispersion avait été donné à plusieurs reprises, quatre religieux en soutane, emmenés par l'abbé Beauvais de l'Eglise intégriste de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, avaient entonné une chanson à quelques mètres des forces de l'ordre, rapidement reprise par une centaine de manifestants, selon une journaliste de l'AFP. A l'Assemblée, la Taubira a décidé d'assassiner les enfants du pays réel", chantaient-ils notamment, ou "Messieurs les CRS, rejoignez notre mouvement et matraquez les décadents", avant de pousser la foule à scander: "Taubira, tête de rat".
Agé de 52 ans, le prêtre sera jugé à une date qui n'a pas été précisée pour "violences sur fonctionnaire de police", selon une source judiciaire. Le mineur interpellé en même temps comparaîtra pour le même délit." Source: AFP/Le Point
7. On a reproché à Hollande de n'être pas allé assez vite. Ce fut un reproche porté également dans ces colonnes. Hollande aurait du annoncé rapidement la couleur, ce sera le mariage homosexuel et rien d'autre. Mais le problème est plus général. Depuis le 6 mai 2012, Hollande s'est posé en rassembleur, au-dessus des partis. Près d'un an après sa victoire, le premier constat que j'en tire est que le pays n'est pas rassemblé, ne peut être rassemblé, ne sera pas rassemblé. Appelez-cela une victoire posthume de sarkozysme. Qu'importe...
Il faut donc davantage incarner les décisions, assumer le clivage qu'elles portent, puisque certains, à droite comme à gauche, ne comprennent que cette forme primitive du débat politique.
Pour l'heure, on ne peut que souhaiter un retour au calme.
C'est fait, ça y est. Le vote est pour maintenant, ce mardi 23 avril 2013, dans quelques heures. Comme ailleurs, dans d'autres démocraties.
La loi du mariage pour tous est votée, enfin. Tweeter &alt;=rss