Nous marchons avec Salah Stétié dans Aden, au Yemen, et nous y faisons de nombreuses rencontres : le poète arabe al-Mutannabi (« Je suis fils des déserts et de la poésie »), Paul Nizan (« Alors, faire bon ménage avec l’ennui, mourir de cette mort ? »), mais aussi Nerval, Baudelaire, Verlaine, Kafka, Djelâl-Eddine el-Roûmi, Léon Bloy, Rilke, Valéry et des anonymes, des « éclopés de la vie ». Bien sûr, il y a Arthur Rimbaud, qui vient ici se confronter à la « réalité rugueuse », lui qui est parti, toujours parti, dans la « solitude inutile » : « C’est la vraie marche. En avant, route ! ». Salah Stétié fait résonner ensemble les textes des poètes et ceux de la Bible et du Coran, donnant un sens nouveau à cette phrase du Bateau Ivre : « Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ». Une citation dans ce livre de Salah Stétié m’a reconduit à ces mots des Illuminations :
« Je suis le saint, en prière sur la terrasse, — comme les bêtes pacifiques paissent jusqu'à la mer de Palestine.
Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.
Je suis le piéton de la grand'route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d'or du couchant.
Je serais bien l'enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet, suivant l'allée dont le front touche le ciel.
Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts. L'air est immobile. Que les oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant. »