Magazine Culture

"Le jeune homme qu'on surnommait Bengali" de Louis-René des Forêts

Par Zone Littéraire De Vanessa Curton

« Une solitude aride et pure c’était tout ce qu’on m’avait laissé jusqu’à présent, mais c’était bien assez pour survivre. »

Cette nouvelle de Louis-René des Forêts est parue pour la première fois en décembre 1943. Mais c’est la version corrigée et rééditée en 1991, dans les Cahiers du Temps qu’il fait, que nous proposent les éditions du Chemin de fer, vue par la plasticienne Frédérique Loutz.
Elle nous plonge dans le milieu carcéral d’un prisonnier qui n’est pas sans évoquer celui de nos murs intérieurs. Dans le confort de sa solitude, il attend son jugement, et rentre, le soir, dans sa paillasse avec ses souvenirs. Rituel nostalgique du meilleur moment de la journée - vers les meilleurs moments de sa vie. Rituel précieux comme la dernière liberté que l’on possède encore.

Mais voilà, ce soir déboule le jeune Bengali dans sa cellule, jeté par les surveillants. Le nouveau est maigre, les épaules frêles et tremblantes de sanglots. Il ignore tout de ce qui va lui arriver, et le narrateur, furieux qu’on vienne ainsi souiller sa solitude, se plait à lui mentir. Mensonges par sadisme ou pour asseoir un jeu de pouvoir sur celui, apeuré comme un oiseau en cage, qu'il décide de faire son souffre-douleur. Les vices de la colère ouvrent des brèches et c’est l’altérité qui saisit le prisonnier face à la présence, même discrète, de Bengali dont il se prend à imaginer l’existence.

L’imagination…la littérature qui prend source au royaume de la solitude court-circuitée…là où se meut, s’exprime, s’explore la profusion et les couleurs de l’âme…dans le corps.

Forest nous parle ici du pouvoir de la parole, des tremblements intérieurs, des libérations que l’on trouve dans la contrainte, et des affections que l’on peut avoir pour l’autre. Il nous parle d’une certaine façon de nous façonner afin d’éprouver encore ce sentiment vital (même infime) de liberté…il nous parle, en somme, de ce qui nous remplit, et de ce qu’on laisse vide, aussi, parfois, pour survivre. Un texte mince et riche, moderne et sans âge. 

Le jeune homme qu'on surnommait Bengali
de Louis-René des Forêts
Vu par Frédérique Loutz
Les Editions du Chemin de fer, 2013 


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines