2013, années de toutes les attentes. Un tiers de l’année n’est pas encore passé que l’on peut déjà la nommée ainsi. Entre le retour tant attendu des Daft Punk, de MGMT, d’Arcade Fire et de The National, le retour du quatuor versaillais mondialement connu passerait presque inaperçu. Bankrupt! a leaké partout sur le net, il y a déjà un moment mais nous on a préféré attendre de pouvoir l’acheter, privilège réservé à peu de groupe, pour l’écouter et vous en parler.
L’angoisse se mêle à l’espoir, on hésite avant de presser play, on se demande ce qu’ils nous ont composé après Wolfgang Amadeus Phoenix, l’album qui avait révélé le groupe au monde entier.
Bankrupt! un album plus complexe qu’il n’y paraît
40 minutes et dix chansons plus tard, on est content, sans vraiment savoir pourquoi, l’album n’est pas simple à saisir à la première écoute et on se le réécoute donc de suite, histoire de pouvoir en parler un peu. Même si on aimerait bien vous livrer un simple « C’est cool, ouais ».
Pourtant même après plusieurs écoutes, parler de cet album n’est pas facile tant il semble partir dans toutes les directions, se disperser puis se retrouver encore et encore. On navigue entre des chansons qui semblent sortir de la pop des années 80 mais avec une production moderne et des tracks futuristes, sortes d’ovnis mgmt-iens arrangés à la sauce Phoenix.
Une pop old-school et futuriste
L’album s’ouvre avec le tubesque »Entertainment » , pas désagréable mais sans plus, peut-être trop lisse, trop facile, il lui manque cette petite touche perso qui le transformerait en futur tube de l’été. On attend de voir comment celui-ci sera arrangé pour les lives à venir, le quatuor à toutes les cartes en mains pour faire ressortir le vrai potentiel de la chanson.
« The Real Thing » porte bien son titre, on aborde la partie intéressante du disque, « that’s the thing » comme on dit. C’est léché, la voix toujours aussi sensuel de Thomas Mars se pose parfaitement sur le synthé, entame un séduisant dialogue avec lui.
Contrairement à ce que répète Mars dans « SOS IN Bel Air » : « You can’t cross the line, but you can’t stop trying », le groupe n’a lui aucun problème à franchir l’étroite frontière qui sépare la pop des eighties et la pop made in Phoenix. Dans « Trying To Be Cool » le groupe joue à la limite du baroque et du cheap avec une insolence folle. On se souvient qu’ils avaient acquis la console ayant servi à enregistrer «Thriller », le mélange de matériel haut de gamme sortant des sons implacables et d’instruments ordinaires ajoutent encore au charme inhérent de la chanson.
L’excellent « Bankrupt » et ses 7 minutes déstructurées constamment réarrangées, alternances astucieuses de retenues et d’impulsions qui rappelle le magnifique « Siberian Break » de MGMT. LA meilleure track de Bankrupt !
« Drakkar Noir », tube en puissance où le chanteur nous montre la force d’envoutement que conserve encore sa voix, la petite prononciation du titre à la française fait toute la différence. A écouter « until [you] die ».
« Chloroform » marque un tournant dans l’album, vers des chansons moins « foisonnantes », peut-être plus sobres.
On plane sur « Chloroform » et « Don’t », portées par la voix qui s’intègre toujours aussi parfaitement dans l’orchestration. On se remémore les anciens opus du groupe en écoutant « Bourgeois ».
« Oblique City », exquise détonation finale, renoue avec le début de l’album. La boucle est bouclée. On aurait juste aimé une track en plus, une complètement folle à la « Funky Squaredance ».
Phoenix, un quatuor surdoué pour un album à la maîtrise parfaite
Le vrai coup de génie ici, c’est l’impression que chacun des quatre musiciens s’approprient les sons des autres, comme si ils avaient tous composés leur partie en dernier, dans le but qu’elle se fonde dans l’ensemble, ajoutant une dimension, magnifiant la chanson mais toujours sans en altérer la pureté.
La force de Phoenix, c’est aussi de vous faire croire que leur tracks sont simples alors qu’elles sont ultra travaillées, musicalement et techniquement, deux mots indissociables ici. Le groupe abandonne sur cet album le son propre de ses débuts pour des chansons qui regorge de subtilités, de nuances, d’explosions aussi. Le quatuor évite adroitement le piège tendu par le ridicule, enjambe le gouffre du kitch, résiste aux étreintes rassurantes du retour en arrière. Il nous livre un album hypnotique et éclatant, tout en finesse, efficacité et prise de risque.