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Mariage gay : à quand l’apaisement ?

Publié le 22 avril 2013 par Sylvainrakotoarison

Nous ne sommes pas loin de l’implosion. Les forces centrifuges gouvernent aujourd’hui le débat public. Attention au point de non retour…

yartiMPTB06Le Président François Hollande ne pensait pas qu’il y aurait autant de mobilisation contre son projet de mariage et d’adoption par les couples homosexuels.

Il l’avait certes inscrit sur son programme électoral mais personne ne peut prétendre que l’élection de François Hollande valait référendum en faveur de cette mesure sociétale. Et même si c’était le cas, il faudrait reconnaître qu’il n’avait même pas atteint les 30% au premier tour de l’élection du 22 avril 2012. Loin donc de la majorité des Français. Comme toujours dans les seconds tours d’élection présidentielle, les électeurs se sont déterminés par défaut (sinon, l’élection aurait lieu dès le premier tour).

Durcissement scandaleux du mouvement

C’est parce que justement ce projet remet en cause de nombreuses notions sur la cellule familiale que ce texte a engendré une telle mobilisation. Je suis d’ailleurs très étonné de l’aveuglément de François Hollande. Lui si capable de faire des synthèses, lui si angoissé à l’idée du conflit, lui si favorable à une sorte de consensus mou, le voici au milieu d’une tourmente qu’il n’imaginait pas si violente.

Pourtant, il semble inflexible sur ce point. Pour quelle raison ? Pour démontrer qu’il est de temps en temps ferme ? Pour réaffirmer son autorité sans cesse en perte de crédit ? Ou parce que, loin d’être un engagement électoral (d’autres engagements ne seront pas tenus), c’était d’abord une promesse à certains groupes identitaires ?

C’est sûr qu’il faudra s’interroger en profondeur sur la raison de ces passions et de ces mobilisations contre ce projet sociétal dans un pays en crise économique dont le principal sujet de préoccupation reste le chômage. Cela veut dire peut-être que la famille est encore une valeur importante aux yeux des citoyens, ce qui peut être rassurant.

Ce qui l’est moins, rassurant, c’est cette prise en otage de la raison par tous ces communautarismes, des deux camps, qu’ils soient anti- ou pro-"mariage pour tous". Les passions flambent sur des considérations de moins en moins acceptables. La violence dans tous les cas ne l’est pas. Surtout dans un pays démocratique. C’est par exemple scandaleux que ce lundi matin, le Président de l’Assemblée Nationale Claude Bartolone ait reçu une lettre de menaces contenant de la poudre de munitions.

Le vote d’une loi est démocratique. L’adoption définitive par le Parlement de la loi Taubira le mardi 23 avril 2013 n’a rien de scandaleuse. L’empêcher est scandaleux. Faire des pressions sur les députés l’est aussi. On peut certes suspecter François Hollande d’avoir réagi par l’accélération pour s’ôter une épine du pied. Sur le plan tactique, c’est évidemment son intérêt. D’un point de vue historique, c’est faire adopter avec suspicion et c’est peut-être empêcher de pérenniser son projet.

L’avenir de la loi

Je vois mal cependant comment revenir sur cette loi, une fois que des couples homosexuels se seront mariés, des enfants adoptés par eux : quatre ans après, s’ils n’ont pas divorcé, l’État pourrait-il vraiment revenir sur sa parole et les "démarier" ? Ou les laisser mariés et refuser aux autres le mariage parce qu’ils seraient arrivés trop tard ? Cela ne semble pas convaincant et le gouvernement le sait, car il imagine que la loi, par le fait accompli, s’imposera ensuite à tous les partis de gouvernement dans quelques années, exactement comme le PACS. L’avenir dira l’évolution d’une telle réforme.
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Au lieu de faire des sit-in aux Invalides la nuit, les manifestants seraient mieux inspirés de bien regarder quel sera le vote de leur député et de le sanctionner le cas échéant aux prochaines échéances électorales. Il faut laisser le Parlement légiférer, c’est son rôle et même si je suis en opposition avec une majorité parlementaire, je dois accepter cette règle du jeu du vivre ensemble. Sinon, pourquoi pas un coup d’État non plus ? Veut-on retourner dans les sombres péripéties de l’histoire ou de la géographie ?

Il fallait une loi sur les familles recomposées

La jeune ministre Najat Vallaud-Belkacem, qui ne sait plus qu’aboyer face à son opposition, a parlé ce week-end de sécuriser des familles homoparentales qui sont déjà existantes. Je peux le concevoir mais pourquoi donc seulement pour les couples homosexuels ?

L’intérêt général, cela aurait été de faire plutôt une loi sur les familles recomposées, sur ce troisième type d’adoption que je proposais qui lierait un enfant et le conjoint d’un de ses parents avec qui il vivrait. Quelle que soit la sexualité des adultes : c’est grave que l’État s’occupe de ce qu’il se passe sous la couette. Faudrait-il un jour mettre sur sa carte d’identité, à côté de son sexe, sa sexualité ? Pire : imaginons qu’un tyran homophobe prenne le pouvoir un jour en France, qu’adviendrait-il de ces couples homosexuels ?

Le délitement des valeurs sociales…

Si on laissait faire la majorité des écolo-socialistes, on risquerait d’aller très loin dans le délitement de la société, dans l’arrachement de chaque valeur qui fondait le vivre ensemble il y a encore peu de temps : si on les écoutait, on irait jusqu’à la PMA, à la GPA (un peu plus tard, mais si on régularise les GPA faites à l’étranger, pourquoi ne pas l’autoriser en France sauf hypocrisie ?).

Cela irait aussi aux salles de shoot, à la légalisation du cannabis (deux ministres importants l’ont annoncée sans avoir été virés : Vincent Peillon et Cécile Duflot), restriction abusive des pratiques religieuses, retour aux maisons closes pour contrôler la prostitution, expérimentation sur les embryons humains (heureusement, la tentative vient de "capoter"), légalisation du suicide assisté (l’aide au suicide des personnes en dépression serait alors au rendez-vous ; ce serait une catastrophe humanitaire), légalisation de l’euthanasie active (et accélération de l’héritage pour certains proches), etc.

Bref, la question est : où irait-on si on ne se posait pas quelques limites, quelques repères, quelques brides dans une société en perpétuel mouvement ?

La société de cette majorité hollandiste me fait peur. Elle n’est pas la mienne. C’est peut-être la dernière résurgence de cette génération soixante-huitarde tant critiquée par Henri Guaino. Cette génération se retrouve dans une furtive fenêtre de pouvoir, la dernière possible pour cette génération (qui avait 15-20 ans en 1968) très bien représentée au gouvernement. C’est peut-être sa seule ouverture pour imposer in extremis son idéologie libertaire qui est une sorte de libéralisme exacerbé poussé à son point le plus ultime, celui de la marchandisation du corps humain et de la marchandisation de la mort.

Et quel gouvernement futur aurait-il intérêt à supprimer ce type de mesures dans le futur ?

Taubira, la star médiatique

Pour être positif sur un point, une personnalité, ce débat très mouvementé aura au moins mis en lumière la Ministre de la Justice Christiane Taubira qui a montré, même si je ne suis pas d’accord avec elle, des capacités politiques qui en font l’un des rares poids lourds de ce gouvernement, qui tient politiquement et intellectuellement la route, et qui est même capable de susciter auprès de certains fidèles des scènes de fortes adhésions lors de ses déplacements (elle a même ses "fans" maintenant).

Même si elle est une ministre qui travaille très seule (un cauchemar pour son cabinet, comme avec Rachida Dati), peu contrôlable, la clarté et l’épaisseur de sa pensée politique la mettent en bonne place dans la course à Matignon (selon certains éditorialistes).

Taubira n’est ni Badinter ni Veil

Mais historiquement, Christiane Taubira ne sera jamais Robert Badinter avec la peine de mort ni Simone Veil avec la loi sur l’IVG, contrairement à ce que certains zélateurs voudraient faire croire.
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D’ailleurs, Simone Veil avait même tenu à manifester à la "manif pour tous" du 13 janvier 2013, accompagnée de son mari Antoine Veil qui vient de mourir il y a quelques jours, le 12 avril 2013, pour refuser d’utiliser son symbole pour une loi manifestement à côté de la plaque.

Il est sain qu’il y ait des forces qui s’opposent, à condition qu’elles respectent les personnes, les élus, et la démocratie.

Progrès ou intérêt général ?

Le clivage n’est pas un combat entre les forces de la réaction et les forces du progrès (et d’ailleurs, que signifie vraiment le progrès ?), mais entre l’intérêt général et les intérêts particuliers.

L’argument irrecevable qui dit que ce sont des droits nouveaux qui n’en ôteront pas aux autres, c’est complètement oublier que justement, cette loi va ôter aux futurs enfants le droit de connaître leurs origines biologiques.

La cohésion nationale en question

Cette loi va d’ailleurs coûter électoralement très cher aux socialistes. On ne leur reprochera sûrement pas la rigueur budgétaire (qui reste nécessaire et raisonnable et ce sera reconnu plus tard comme une option pertinente même si, à mon sens, elle n’est pas assez strictement appliquée, le déficit de 4,8% pour 2012 le montre ; entre les grandes envolées verbales et la réalité des faits, il y a toujours un fossé).

Mais trois mesures sont déjà mis au passif du quinquennat de François Hollande : la loi sur le mariage des couples homosexuels, la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires qui touchent essentiellement les ménages les moins aisés, et l’augmentation des droits de succession et de donation qui remet en cause le patrimoine que les ménages ont parfois laborieusement acquis pour leurs enfants. Ces décisions ont recueilli une forte opposition respectivement de 54%, 65% et 74% des sondés (sondage IFOP du 17 avril 2013 à télécharger ici).

Les Français avaient cru voter pour François Hollande pour apaiser une nation sérieusement clivée par Nicolas Sarkozy. En définitive, la cohésion nationale va ressortir de cette aventure législative en bien plus mauvais état qu’à la fin du quinquennat précédent. À quand donc un geste d’apaisement ?

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (22 avril 2013)
http://www.rakotoarison.eu

Pour aller plus loin :
Et si l’on pensait plutôt aux familles recomposées ?
Christiane Taubira.
Sondage IFOP du 17 avril 2013 (54% contre le mariage gay).
Deux papas ?
L’embryon humain comme matériau d’expérimentation ?
François Hollande.
Affaire Cahuzac.

Texte du projet de loi (site de l’Assemblée Nationale).
En route vers le trouple pluriparental (21 mai 2012).
Projet de loi inutile : la réponse est dans le Code civil (18 novembre 2012).
Réflexion avisée de Hervé Torchet.
La délégation partage de l’autorité parentale existe déjà pour les couples homosexuels (7 janvier 2012).
Le premier mariage lesbien (à Nancy en juin 2011).
L’homosexualité malmenée en Afrique.
Mariage gris.
Mariage nécrophile.
Mariage annulé pour musulman.
Le coming out d’une grande star du journalisme.(Les trois tableaux sont de Pablo Picasso).


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