Dans Carton jaune, Nick Hornbyromance son obsession pour l’équipe d’Arsenal, le club de football londonien. Anatomie drolatique d’une monomanie qui phagocyte le reste de sa vie. Supporter inconditionnel bravant la météo, l’ennui parfois, les déceptions souvent, le climat de violence avec le développement du hooliganisme, l’auteur raconte sa passion pour le ballon rond de 1968 à nos jours.
A l’âge de 11 ans, le petit Anglais s’éprend éperdument de ce sport lorsque son père qui vient juste de se séparer de sa mère, l’emmène voir un match d’Arsenal. Par le biais de cette ferveur naissante, le père et le fils renouent le lien ténu, le dialogue dissolu par l’absence. A partir de cet instant, le football rythmera toute sa vie saison après saison. Selon Nick Hornby, pour devenir un vrai supporter, il faut avoir été victime d’un traumatisme, en l’occurrence le divorce de ses parents. Pour le jeune garçon en plein transfert psy, le football est un dérivatif qui lui permet de combler le manque émotionnel tout en satisfaisant sa soif d’absolu. Les tribunes du stade d’Highbury deviennent sa nouvelle maison. Le club d’Arsenal lui confère une identité bien plus forte finalement que celle transmise par sa famille.
Dans la passion du football, il est question de foi et de croyance aveugle. Le temps d’un match, Nick Hornby s’oublie et communie avec son équipe, les supporters, la foule. Une communion qui peut néanmoins rapidement dégénérer en défouloir car la haine de l’autre comme de soi n’est jamais bien loin et la brutalité affleure. Cette tentation de la violence, l’auteur n’y a jamais succombé mais il en a été parfois victime. C’est avec beaucoup de clairvoyance qu’il analyse les années sombres du football anglais.
En évoquant les souvenirs d’un mordu du ballon rond, Nick Hornby trace en creux le portrait d’un homme, d’une famille, d’une génération. Il saisit au vif son Angleterre et les fêlures secrètes de son âme. Cette folie du football qui ne s’affadit pas avec le temps est l’expression du refus de grandir. Infecté depuis son plus jeune âge, il analyse ce virus avec infiniment de drôlerie. L’auteur nous entraîne dans les mystères de la masculinité, explore les obsessions et les faiblesses du sexe fort, nous livrant une autobiographie sensible, exubérante, teintée d’un pessimisme jubilatoire. Il évoque avec ironie et lucidité son addiction. Il observe cette aberration dans son parcours de fin lettré à travers le filtre de l’humour corrosif qui lui est propre, n’hésitant pas à évoquer des situations hautement burlesques peu flatteuses.
Nick Hornby nous offre une plongée en plein cœur d’un univers opaque pour les béotiens et fait découvrir les raisons pour lesquelles le football est unique, différent de toute autre forme de divertissement populaire. Il parvient à entraîner dans son sillage les plus grands détracteurs de ce sport dont je fais partie et à changer la vision que l’on en a. Un livre poignant et réjouissant.
Carton Jaune - Nick Hornby - Traduction Gabrielle Rolin - Collection de poche 10/18