Jason Aaron et R.M. Guéra – Scalped, Rez blues (Tome 7)

Par Yvantilleuil

Alors que le tome précédent poussait le suspense à son comble en poussant les personnages dans leurs derniers retranchements, ce septième volet, qui reprend les épisodes #35 à #42, fait quelque peu retomber la tension.

La première histoire (Ecouter tourner la Terre) introduit deux nouveaux personnages et invite à suivre la misère de ce couple de vieux indiens qui survit tant bien que mal dans la réserve. Cette histoire beaucoup plus calme et introspective, qui se concentre sur l’amour qui lie Mance et Hazel, surprend après la claque offerte par le tome précédent, mais confirme bien vite que le bonheur est très difficile à trouver à Prairie Rose.

La seconde histoire (Une bonne action de la part d’un honorable catholique espagnol) comporte deux épisodes et renoue avec l’un des personnages-clés de la saga. Ce récit (parfois un peu maladroit) qui lève le voile sur le terrible secret qui ronge Shunka permet finalement d’en apprendre un peu plus sur l’homme de main de Red Crow.

La troisième histoire (Tradition familiale) plonge le lecteur en pleine guerre du Vietnam en compagnie d’un jeune indien nommé Wade Bad Horse ! Le parcours de ce miraculé de la guerre fait d’ailleurs étrangement penser à celui de son fils…

La deuxième partie de l’album (Non désiré, épisodes #39 à #42) renoue avec l’histoire principale. Le lecteur retrouve ainsi Dashiell, Carol et leur enfant, au bord du gouffre, drogués jusqu’à la moelle et sans véritables perspectives d’un avenir meilleur… et oui… le bonheur est très difficile à trouver à Prairie Rose.

Au fil des chapitres, ce tome remue les souvenirs de ses héros à coups d’allers-retours qui n’ont rien à envier à la noirceur du quotidien. Ces flash-backs qui permettent d’en apprendre plus sur les secrets enfouis et sur les vieux démons des différents protagonistes (le passé du père de Dashiell et de la mère de Carol, ainsi que le secret de Shunka), contribuent à donner énormément de profondeur aux personnages et à renforcer l’empathie du lecteur. Chaque nouvelle page, qu’elle revienne en arrière ou dévoile la suite de l’histoire, ne fait donc qu’assombrir cet univers débordant de désespoir et entraîne le lecteur dans une noirceur abyssale.

A travers ses personnages Jason Aaron met donc à nouveau le doigt sur la misère et la désillusion qui règne à Prairie Rose. Ses personnages incarnent le malaise de tout un peuple et portent les stigmates de cet environnement régi par le crime et la misère, où la justice n’est que trop rarement au rendez-vous. Tandis que l’auteur restitue avec beaucoup de réalisme et de dureté les conditions de vie déplorables qui règnent au sein de cette réserve indienne rongée par la pauvreté, l’alcoolisme, la criminalité et le chômage, le lecteur poursuit cette immersion particulièrement sombre en territoire Lakotas. Couche par couche, l’auteur met à nu le découragement et la résignation de tout un peuple, chaque page nous éloignant un peu plus du Happy End. En abordant le thème de l’avortement, l’auteur questionne d’ailleurs l’intérêt de donner la vie dans un tel environnement. Des décisions qui vont de pair avec énormément d’émotions, qui sont restituées avec brio, notamment lors de ce dernier épisode où les pensées des protagonistes sont révélées en même temps que leurs paroles.

Visuellement, les premiers épisodes sont dessinés par Davide Furno et Danijel Zezelj. Si le dessin du second se passe généralement volontiers de couleurs, les deux s’en sortent plutôt bien et parviennent également à restituer toute la tension et le désespoir qui règne au sein de cette enclave indienne du Dakota du sud. Mais le plaisir de retrouver de retrouver le trait nerveux et dynamique de R.M. Guéra est évidemment grand, surtout que c’est précisément le moment choisi par Jason Aaron pour faire redécoller son histoire.

Un tome de transition, qui livre un peu de répit aux personnages, mais que très peu d’espoir !

INDISPENSABLE !!!

Retrouvez d’ailleurs ce comics dans Mon Top de l’année !