Magazine Poésie
Ah! Je les vois déjà
Me couvrant de baisers
Et s´arrachant mes mains
Et demandant tout bas :
"Est-ce que la mort s´en vient?
Est-ce que la mort s´en va?
Est-ce qu´il est encore chaud?
Est-ce qu´il est déjà froid?"
Ils ouvrent mes armoires
Ils tâtent mes faïences
Ils fouillent mes tiroirs
Se régalant d´avance
De mes lettres d´amour
Enrubannées par deux
Qu´ils liront près du feu
En riant aux éclats
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!
Ah! Je les vois déjà
Compassés et frileux
Suivant comme des artistes
Mon costume de bois
Ils se poussent du cœur
Pour être le plus triste
Ils se poussent du bras
Pour être le premier
Z´ont amené des vieilles
Qui ne me connaissaient plus
Z´ont amené des enfants
Qui ne me connaissaient pas
Pensent au prix des fleurs
Et trouvent indécent
De ne pas mourir au printemps
Quand on aime le lilas
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!
Ah! Je les vois déjà
Tous mes chers faux amis
Souriant sous le poids
Du devoir accompli
Ah! Je te vois déjà
Trop triste, trop à l´aise
Protégeant sous le drap
Tes larmes lyonnaises
Tu ne sais même pas
Sortant de mon cimetière
Que tu entres en ton enfer
Quand s´accroche à ton bras
Le bras de ton quelconque
Le bras de ton dernier
Qui te fera pleurer
Bien autrement que moi
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!
Ah! Je me vois déjà
M´installant à jamais
Bien au triste, bien au froid
Dans mon champ d´osselets
Ah! Je me vois déjà
Je me vois tout au bout
De ce voyage-là
D´où l´on revient de tout
Je vois déjà tout ça
Et l´on a le brave culot
D´oser me demander
De n´plus boire que de l´eau
De n´plus trousser les filles
De mettre d´l´argent d´côté
D´aimer l´filet d´maquereau
Et d´crier : "Vive le roi!"
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!