Siobhan Vivian, La Liste

Par Missmymoo @missmymoo
Siobhan Vivian, La Liste, éd. Nathan, à paraître le 25 avril 2013
(Titre original : The List)
Chaque année, une semaine avant la tenue du bal de début d'année, les élèves du lycée de Mount Washington découvrent une liste placardée dans tous les recoins de l'établissement. Ce papier frappé du tampon officiel du lycée, volé il y a de nombreuses années, désigne pour chacun des niveaux, la fille la plus "belle" et la plus "moche" parmi tous leurs camarades. Cette vicieuse tradition, dont personne ne connaît l'origine ni l'identité de son rédacteur, ne fait qu'exacerber le sentiment d'insécurité de certaines, et les rancœurs des autres. Dans cette situation où les populaires sont confrontées aux mises au banc de la communauté, la malédiction de la liste ne s'abat pas forcément sur celles que l'on croit.
En bref : Quelques semaines ont passé depuis la rentré scolaire. Les élèves de Mount Washington attendent le bal de la rentrée avec impatience. Plus de réserve en ce qui concerne une autre tradition moins reluisante de l'établissement : Depuis que la pince à gaufrer portant le sigle officiel du lycée a été volée il y a de nombreuses années, une liste arborant le célèbre poinçon établit le classement des demoiselles les plus et les moins belles de chaque niveau.  Ce rituel ignoble ne semblant pas suffire, la liste comporte cette année des commentaires sur les nominées.  A une semaine du bal, chacune des élèves citées doit faire face comme elle le peut, au regard de ses camarades, selon la catégorie dans laquelle elle se trouve. D'ordinaire, la vie d'une adolescente n'est pas de tout repos, son estime de soi étant trop souvent remise en question par des stéréotypes plus ou moins discutables. Cette liste ne fait qu'exacerber cette insécurité latente, mettant toutes les filles sous le feu des projecteurs. Qu'elles fassent parties des "jolies" ou des "moches", tout le lycée connaît à présent leur nom et scrute sans relâche leurs réactions, leurs faux pas, leur attitude. Une pression supplémentaire dont elles se seraient  bien passées. 
"- Les gens s'attendent à te voir accuser le coup. Ils vont épier ta réaction. Tout le monde se souvient encore de Jennifer Briggis et de son pétage de plombs quand elle s'est retrouvée sur la liste en troisième. Crois-moi, ce genre de dérapage, ça peut massacrer toutes tes années de lycée." (p. 35)

Mon avis : Ce roman est une dénonciation de la pression constante qui pèse sur les épaules des adolescentes lorsque celles-ci doivent faire face à la masse, tenter de s'intégrer au groupe, l'apprentissage du passage à l'âge adulte et de la vie en société. 
"Ce qui la rendait dingue, c'est qu'elle aurait pu essayer. Elle aurait pu décider de faire son shopping dans leurs boutiques de nulles, acheter leurs bottes horribles et leurs pochettes débiles, sautiller sur leur musique pourrie.
Mais s'ils la trouvent moche simplement parce qu'elle est différente, ça lui va." (p. 61) 
Adopter ses codes, c'est se fondre dans le moule, être adoubé par congénères. C'est un rituel de passage auquel personne ne peut échapper. L'auteur prend le parti de nous faire vivre la semaine s'écoulant entre le jour où la liste est affichée et celui où ce déroule le bal de rentrée, à travers le regard de chacune des nominées, qu'elles soient "belles" ou "moches". Chaque adolescente est une sorte de stéréotype, permettant ainsi de brasser tous les cas de figures que peuvent représenter cette tranche de la population. Certaines réactions sont ainsi très exagérées, et c'est peut-être ce petit manque de subtilité qui ferait défaut au roman. Malgré tout, chaque jeune fille pourrait peut-être se reconnaître dans l'un des personnages décrits dans ce livre.  Cela met donc en lumière tout le mal que les adolescents peuvent causer, parfois irrémédiablement, à leurs camarades en perpétuant de telles pratiques, s'apparentant à de la tyrannie, qu'elle soit physique ou psychologique.
"C'est le genre de blessure qui semble ne jamais pouvoir s'effacer, une cicatrice plus qu'une égratignure. Quelque chose qu'elle portera toujours en elle." (p. 96)
Bien au delà des personnes que l'on penserait les plus à plaindre dans l'histoire, les élèves désignées comme "moches", les regards sont également tournés vers les plus jolies, qu'elles aient ou non désiré cette attention. La pression des apparences peut parfois s'avérer destructrice lorsque vous incarnez du jour au lendemain un idéal de beauté aux yeux de toute une population si critique. Comment ne pas fléchir face au poids de ces nouvelles responsabilités imaginaires, à savoir maintenir ce statut social naissant, initié par votre apparence physique ? Certains troubles, médicalement appelés "dysmorphophobie", ou incapacité à voir sa réelle apparence dans une glace, poussent certaines jeunes filles en pleine santé dans l'engrenage de la privation de nourriture, tourbillon sans fin et dont les conséquences peuvent être désastreuses.  Et que dire de la petite nouvelle, qui se voit du jour au lendemain entourée d'une ribambelle de lycéennes parfaitement inconnues, qui se disent ses nouvelles amies. Comment expliquer cette coïncidence de calendrier, alors que la liste vient tout juste de la proclamer "fille la plus jolie" de sa classe ? Toutes les amitiés sont-elles réellement sincères ? Je n'aurais qu'un regret : Que l'auteur n'ait pas inclus les ravages d'Internet et des réseaux sociaux, récemment démocratisés et dont les conséquences sont souvent irréparables, sur la vie des lycéens. Alors que les brimades se bornaient initialement au périmètre physique de l'établissement scolaire il y a encore quelques années, les adolescents sont aujourd'hui harcelés par ces calomnies et autres moqueries sans répit, la toile offrant aux harceleurs bien trop de libertés que rien ne semble pouvoir contrôler.
Ma note pour ce livre (entre 1 et 5 étoiles) : 

Cet ouvrage m'a été envoyé par le service presse des éditions Nathan en avant-première, quelques semaines avant sa sortie. Je les en remercie encore.