Steeve Bauras
Installation 3K project : une vidéo, une rampe de skate et une performance de skaters
Pour voir la vidéo de la performance
http://www.youtube.com/watch?v=dUYJhwn6C9g
Après des études à l’Institut régional d’art visuel de Martinique et à l’Ecole des Beaux – arts de Paris, tu obtiens ton diplôme national d’expression plastique en 2007. Comment passe -t – on du statut de jeune diplômé à celui de jeune artiste ? Quelles ont été tes stratégies pour intégrer le milieu professionnel ?
A mon avis le passage de jeune diplômé à celui de jeune artiste est toujours « in progress », les projets, propositions ne font que commencer à s’enchaîner, enfin j’espère.
Je ne sais pas si l’on peut parler de stratégie, mais comme mon statut de jeune artiste, mon intégration dans le milieu professionnel est en cours. Si l’on doit parler de stratégie, la mienne fut de créer « ma famille », ceux avec qui je travaille, pense, rigole, vis de bons comme de mauvais moments régulièrement, mais qui sont d’une rare fidélité. La notion du groupe au final est au centre de ma « stratégie », mais ensuite le plus important reste ma production, car c’est la meilleure carte à jouer.
Il ne faut pas perdre de vue les déplacements effectués, qui m’ont permis aussi les rencontres et par la suite d’avoir des propositions d’expositions.
Tu as un atelier à Bobigny, quelles sont aujourd’hui tes conditions de travail ?
Je pense être assez chanceux d’avoir un atelier, actuellement on dira que j’ai à l’apprivoiser. Cet atelier je le partage justement avec quelques artistes du groupe, mentionné juste avant : Elise Vandewalle, Andres Ramirez, Jean-Baptiste Mognetti, Nathalie Novain, Jean-Baptiste Lenglet. Cet atelier est un outil assez fantastique à exploiter, car il est doté d’une salle son, d’un atelier de sérigraphie et autres… Cet été il sera certainement mon refuge.
Parallèlement au travail de création que tu développes, tu réalises d’un côté des clips pour un groupe de rock branché et de l’autre, tu interviens comme scénographe d’expositions. Peux-tu évoquer ces expériences ?
Le groupe de rock psychédélique en question est le groupe : Wall Of Death, cette collaboration est, je crois pour eux comme pour moi, devenue une évidence esthétique, ce sont avant tout des potes, on revient à cette notion du groupe, qui est un peu un fil rouge dans mon cheminement.
Mon expérience de scénographe avec la Fondation Clément, est une expérience qui m’intrigue en tant qu’artiste, mais d’une qualité humaine saisissante. Nous commençons à trouver notre rythme et commençons surtout à former une équipe d’une grande fiabilité. Il est vrai que ces moments qui demandent d’être à l’écoute des artistes, œuvres et commissaires, sont des aspects qui peuvent rebuter en tant que créateur, mais justement cela revient à travailler tel un atelier, donc être toujours à l’écoute de l’autre, répondre au mieux ensemble, quand cela reste possible.
Steeve Bauras
photographie
A la suite d’une résidence artistique à l’Institut français du Sénégal, tu viens de participer à une exposition collective à la Galerie du Manège. Tu y as présenté l’installation 3K Project qui comprend une vidéo, une rampe de skateboard et une performance. Cette vidéo réalisée en partie à Dakar cite une scène du film Shock Corridor(1963) de Samuel Fuller. Cet extrait montre un jeune noir ( dans le film, un fou dans un asile psychiatrique) qui fait l’apologie du Ku Klux Klan. Qu’est ce qui lie la scène du film de Fuller, les images de rue de Dakar, la performance ?
Je répondrais de façon instinctive que le discours développé, propagé, par la vidéo est le liant de tout ce travail. Une mise en place d’une situation, d’un discours, absurde mais qui reste latent au niveau idéologique.
Ce projet exige de mettre au service de ton concept des compétences multidisciplinaires : tu as composé la musique du film, réalisé la vidéo, établi le scénario de la performance, conçu le costume et le « masque » des skaters. Peut – on parler de masque ?
On peut parler de masque, le but étant de soustraire leur visage, pour qu’au final ne résulte qu’une silhouette. Ce travail sur la silhouette des personnages fut effectué grâce à BULL DOFF qui est une marque Dakaroise de streetwear. Cela a été une fabuleuse rencontre avec Laure Tarot et Baay Sooley qui sont les deux fondateurs et designers de la marque.
Je ne sais pas si je suis véritablement compétent dans tout ces médiums, mais l’important étant d’arriver à une certaine autonomie dans mon processus de travail, avec la capacité de n’être effrayé par aucun déplacement.
La vidéo s’ouvre sur des images de rue de Dakar, filmées « à ras de skate ». Comment ont-elles été tournées ? Quelle en est la symbolique ?
Ces images ont été réalisées grâce à deux skaters (Limamou Laye, Malick Cisse), qui ont été de fidèles complices et acteurs dans l’élaboration de ce travail. L’outillage fut très simple, une caméra embarquée fixée sur l’une des deux planches de skate, tandis qu’auparavant quelques instructions avaient été données concernant les secteurs de la ville à investir.
La « symbolique », cette perception rasante, rampante, est une situation posée, où que je m’adosse à cette ville de Dakar, le skateboard devenant au cours de cette vidéo un diffuseur, un spectre, sillonnant la ville et « contaminant » cette ville et la population grouillante. La ville étant devenu très proche d’un terrain de chasse.
Steeve Bauras
Photographie
Ce projet s’inscrit en outre socialement et économiquement dans le lieu de réalisation. De quelles manières ? Qui sont les jeunes skaters ? Les artisans impliqués dans la réalisation du « masque »?
La dynamique du 3K Project, était de s’ancrer socialement, économiquement en intégrant des acteurs locaux dans l’élaboration du projet. Mis à part les planches de skate qui ont été réalisées à Berlin par la marque BARBAR Skateboards (« merci en passant ! »), tout le reste du projet fut réalisé sur place. Comment ? Il y eut une semaine voir dix jours, au début de cette résidence qui fut consacrée à la prospection, rencontre avec les artisans existants.
Un temps pour comprendre les limites de cette (ou ces) réalité(s) économique(s), sociale(s) présente(s), était à délimiter.
Les skaters (Limamou Laye, Malick Cisse, Pierre Vladimir Diémé), sont de jeunes Dakarois très actifs dans le milieu du skate, avec l’association Dak’skate.
http://www.facebook.com/Dakskate?fref=ts
Au final, ce projet après le temps de l’exposition continuera à vivre autrement, les planches de skates, la rampe de skate, seront restituées aux jeunes skaters de Dakar (processus en cours).
Comment est perçu ton propos, particulièrement au
Steeve Bauras
photographie
Sénégal ?
Cette réflexion qu’amorce ce projet sur le racisme intracommunautaire, fut visiblement reçue et comprise, la réalité de Dakar étant peut- être une bonne caisse de résonnance à ce travail.
Comment situes tu cette récente installation dans l’ensemble de ton travail ?
Ce travail est très particulier pour moi car il a été une expérience humaine assez forte ; ensuite au regard de mon travail, de façon métaphorique, ce travail serait en ce moment la tête de gondole dans la petite épicerie que serait mon atelier. Blague à part, ce travail pose certaines réflexions, de nouvelles situations formelles et esthétiques qui alimenteront les travaux à venir.
Tu prépares deux autres projets d’exposition à Berlin, d’ici la fin du premier semestre 2013, que peux tu en dire ?
Oui tout à fait, ce sont des expositions collectives l’une intitulée : NO MILK TODAY, regroupant 13 artistes de Berlin, Bruxelles et Paris. Cette exposition sera comme le résultat d’un laboratoire éphémère mis en place une semaine avant le vernissage à la : Kunsthalle HB55 (Berlin). Le projet que j’y présenterai sera un Zugzwang, rien n’est encore posé sauf les images qui seront utilisées, ensuite le temps du labo’ fera son œuvre, le titre du projet : B-B, Zugzwang n°7, 2013.
http://www.no-milk-today.blogspot.de/
Concernant l’exposition de juin, je ne peux dire grand chose me concernant car ne sachant pas ce que je présenterai, une chose après l’autre. Concernant le lieu, elle se tiendra à la galerie : SAVVY CONTEMPORARY, à Berlin. Cette exposition s’intitule : Intimités, cette expo qui fut montrée à Treignac (France) en 2011, exposition proposée par Y. Chatap.
http://www.savvy-contemporary.com/
Interview Dominique Brebion