Comme je vous le dit régulièrement, il existe certains titres qui demandent du temps. Je l’évoquais la dernière fois pour Gisèle Alain chez Ki-oon mais c’est encore plus vrai pour Barakamon, notre titre de la semaine, chez le même éditeur.
Ce shônen qui mélange gag-manga et tranches de vie narre la nouvelle vie d’un calligraphe qu’on a obligé à se mettre au vert sur un île paumée à l’extrême ouest du Japon. Une nouvelle vie à la campagne où il va faire de drôles de rencontres. C’est le premier titre de Satsuki Yoshino à arriver en France, même si elle a un plus d’expérience dans le shônen avec une demi-douzaine d’œuvres publiées au Japon, chez Square Enix.
Le 4e volume de Barakamon sort dès la semaine prochaine – le 25 avril – chez nous et le 8e opus arrive fin septembre au Japon, au rythme de 2 par an environ. La publication se déroule dans les pages virtuelles du Gangan Online dont on ne connaissait encore qu’une seule œuvre jusque là : Undertaker Riddle, lui aussi chez Ki-oon.
Les campagnards et le calligraphe
Seishû Handa est une jeune étoile montante de la calligraphie japonaise. À 23 ans il pense être arrivé au sommet de son art et collectionne les prix d’excellence. Mais il est encore loin du compte et c’est un directeur d’exposition qui le remet à sa place en jugeant son trait formaté et sans saveur. Notre jeune artiste explose et envoie valser le vieil homme d’un coup de poing !
Le jeune maître reçoit immédiatement une punition pour sa faute : il doit aller expier son crime sur une petite île au fin fond de la campagne nippone, sur l’archipel de Gotô. Mais finalement, pourquoi pas ? Seishû, citadin arrogant, est un peu affligé par l’isolement et la précarité campagnarde, mais il y voit une occasion de pouvoir travailler au calme.
Mais… Non. C’est tout le contraire.
Dans le village de Nanatsutake, les gens sont souriants, accueillants, plein d’énergies et surtout… très envahissants ! Les voisins débarquent toujours à l’improviste, sa maison est un terrain de jeu pour les enfants du coin et un spot au calme pour les adolescents du village. L’exil s’annonce plus compliqué – et surtout plus mouvementé – que prévu !
Mais est-ce que c’est une mauvaise chose au final ?
Tranches de vie colorées
Comme je le disais plus haut, il m’a fallu un certain temps pour me décider sur Barakamon. Sur ces deux premiers volumes, la série évoque un forcément Yotsuba& pour l’aspect tranches de vie et l’héroïne Naru, personnage le plus marquant du village de Nanatsutake. On retrouve en elle l’innocence, la naïveté et la curiosité de la fameuse Yostuba mais cette comparaison est à double tranchant car la première impression joue en défaveur de Barakamon qui n’égale pas son concurrent. Néanmoins, avec les chapitres, on comprend que ce nouveau manga joue finalement dans un registre différent, et les similitudes perdent alors de leur importance, puisqu’on ne lit pas la même chose, finalement.Naru est une pile électrique éprise d’aventure beaucoup plus turbulente que Yotsuba et surtout beaucoup moins encadrée par son entourage, sur ce bout de terre qu’elle arpente depuis son plus jeune âge. Alors qu’elle connait son île sur le bout des doigts, elle commence à rêver du monde au delà de l’océan. L’arrivée de Seishû la captive et elle le harcele sans retenue, tel un petit animal agrippé à sa jambe qui ne le lâche jamais et revient à la charge sans cesse. Jetez Naru par la porte et elle sera de retour dans le salon avant vous, pour reprendre ses jeux, ses questions sur sa vie à la ville, ou ses invitations à visiter dans les meilleurs coins de l’île.
On finit donc par s’y attacher, tout comme on finit par apprécier tous les personnages de cette histoire… En fait tout s’améliore progressivement dans Barakamon. Les attentes de Seishû deviennent plus complexe et – dieu merci – il se met à apprécier la campagne sans tourner au jeune homme bohème qui se ne va plus manger que du bio ou se mettre à griller des Knacki Herta le long d’un ruisseau sur un morceau de flute légendaire… Oui je sais mes références sont épiques.
Bref, les clichés sont donc évités (parfois de justesse j’en conviens) car Satsuki Yoshino dépeint sa région natale avec sincérité mais sans enjoliver le tableau outre-mesure, comme on peut le faire avec nos souvenirs d’enfance. D’autant que la mangaka retourne régulièrement sur les lieux de sa jeunesse pour y vivre de nouvelles expériences et les intégrer fidèlement dans son manga. Barakamon sait donc se montrer plus subtil qu’il n’y parait et n’oublie non plus de mentionner les réalités d’un existence dans un trou paumé… Les geek en auront des sueurs froides !
Il faut donc prendre son temps pour apprécier petit à petit cette histoire, en naviguant entre les introspections de notre calligraphe, dont l’évolution sert de fil rouge au récit, et des scènes du quotidien de la campagne japonaise : une fête pour inaugurer un nouveau bateau dans le port, une après-midi de pèche, la vie dans l’école communale, la fête des morts, etc.
Ses évènements permettent au héros de voir d’autres horizons et d’autres façons de penser. La calligraphie est davantage un prétexte qu’un vrai sujet de fond, mais cet art qui peut paraître très solitaire permet de faire écho au changement de Seishû. « Montre moi ce que tu écris je dirais qui tu es« , ce n’est guère plus compliqué que ça… Et comme je le disais cette morale reste une toile de fond assez discrète pour éviter de souler le lecteur avec une morale trop prévisible. Sans compte qu’on préfère autant observer les personnages secondaires qui prennent progressivement de l’épaisseur : l’une désire être mangaka, un ancien fainéant devient progressivement maître sushi, etc.
Enfin j’en termine avec l’aspect graphique du titre. Là aussi le premier volume n’est pas… folichon. Au 3e tome il n’a encore rien d’extraordinaire mais la mangaka finit par maitriser ses protagonistes et elle donne le relief nécessaire aux émotions des protagonistes, pour des scènes humoristiques qui sonnent de plus en plus juste. Ce qui faisait sourire au tome 1 commence à faire franchement rire au tome 3. Plus assurée sur son coup de crayon, elle se lâche et se permet aussi un découpage différents – sous la forme de yonkoma, ses gags en quatre cases - le temps de petits chapitres drôles et rafraichissants, avec nos protagonistes en SD. Le tome 4 et les couvertures des tomes suivants laissent à penser que la progression continue et que les visuels s’étoffent.
Barakamon à la chance de faire partie des domaines gags manga et tranches de vie, qui ne sont pas encore saturés à l’heure actuelle, et peu se permettre une mise en place assez progressive de son scénario et de ses personnages. De plus, il arrive à maturité alors que le soleil commence à pointer le bout de son nez sur nos terrasses, au moment où nous avons tous envie de mettre la morosité ambiante au placard. Les 4 premiers tomes de Barakamon vous offre une parenthèse de détente sans prise de tête, laissez-vous tenter !
Fiche descriptive
Titre : Barakamon
Auteur : Satsuki Yoshino
Date de parution du dernier tome : 25 avril 2013
Éditeurs fr/jp : Ki-oon / Square Enix
Nombre de pages : 208
Prix de vente : 7.65€
Nombre de volumes : 4/7 (en cours)
© Satsuki Yoshino / SQUARE ENIX CO., LTD.
Pour vous faire un avis, la preview est disponible ici. Pour finir, vous pouvez suivre le compte Twitter japonais dédié à la série, ici.