Sophie Maurer rencontrait ses lecteurs samedi 20 avril à l'excellente Imagigraphe, belle librairie de la rue Oberkampf à Paris, à l'occasion de la sortie de son roman Les indécidables (collection Fiction et Cie, Seuil, 2013), dont il a été question ici à plusieurs reprises. Comme je n'étais pas plus que ça dans mon assiette, tant au moral qu'au physique, je n'ai pas posé de question, ni ne me suis fait connaître. Et je n'ai pas pris de photo, car ça fait plouc, je trouve, du coup je recycle celle de la dernière fois pour illustrer ce billet. En effet, on ne trouve pratiquement pas de photo la représentant sur le net, ce qui est fort dommage car elle est sans doute l'un des plus photogéniques de nos écrivains, à l'exception peut-être de Michel Houellebecq, comme le montre un récent article des inrocks, mais c'est une autre histoire.
Entre trois extraits du livre, à commencer par les toutes premières pages, dont on apprend qu'elles ont été écrites bien avant et indépendamment du reste du roman (d'où un rythme et une tension plus proche d'Asthmes, son premier ouvrage, comme l'a fait remarquer un participant), l'auteure a répondu avec un sérieux (en réfléchissant si nécessaire pour faire une réponse étayée) qui n'exclue en rien l'humour et une grande honnêteté : non, elle n'a pas toutes les réponses, elle ne connaît pas forcément certains de ses personnages plus que ce que le lecteur en découvre. J'ai envie de l'interroger à propos du rythme de ces personnages en mouvement, qui décroît et se fait plus paisible au fur et à mesure qu'ils avancent. Avoir lu que tous les protagonistes de son roman évoluaient dans les milieux artistiques l'énerve. Quant à Eric, le camionneur-grand-lecteur, c'est quand même bien son droit de lire, ce qui n'en fait pas un artiste. Ceci étant, elle se dit moins énervée qu'à l'époque d'Asthmes.
A ce stade, un détail. A la question : combiner l'enseignement et l'écriture, est-ce simple, la réponse a été négative. Mais Sophie M. a pu bénéficier pour l'écriture de son livre d'une "résidence d'artiste" en banlieue parisienne, ce qui lui a permis de se consacrer, un temps, à l'écriture. Et à une question, elle répond que pendant ce travail d'écriture, elle écoutait de la musique, ce qui l'aidait à inscrire son travail dans un rythme donné. En fait elle a écouté uniquement Arcade Fire, excellent groupe et même, elle a poussé le fétichisme à n'écouter qu'un seul morceau, en boucle, des milliers de fois, mais elle a oublié le titre. Alors comme j'aime beaucoup Arcade fire, je vous propose une pause musicale avec Cold wind, un titre que j'aime plus que les autres, sans doute parce qu'il est associé à ma série préférée, mon cher Six feet under, que j'ai toujours suivi dans des conditions délicieuses. Voici un extrait de Six feet, Arcade fire dans la bande-son.
Poursuivons. Inévitablement, la question du sexe des anges vient en débat. En effet, je rappelle le point de départ des Indécidables. Ariel et Sacha sont amis d'enfance. Ariel disparaît, a peut-être fugué. Sacha part à sa recherche qui la conduit à traverser les Etats-Unis. Et puis, comme dans tous les romans d'initiation, le voyage lui-même prend plus d'importance que le but du voyage. A moins de l'exprimer en : le voyage est son propre but. Or Sophie M. entretient une ambiguité sur le genre de la personne Sacha, narratrice ou narrateur. Les indices (à l'image des petits cailloux semés par Ariel) faisant pencher pour un sexe ou l'autre, s'annulent. Dans ma propre lecture, j'ai vu Sacha en jeune femme, parce que c'était mon bon plaisir, puis j'ai changé en raison de certaines situations, puis je ne savais plus, puis je m'en foutais. Dans ses réponses quant au sexe de son personnage, Sophie M. ne dévoile rien et on se prend à penser qu'elle même a joué au jeu du Devinez-moi, avec un plaisir pervers (j'ajoute un sourire à ce mot). Il reste que la syntaxe et la grammaire ont été totalement maîtrisées pour ne donner aucune piste sérieuse. Au lecteur de choisir, de se décider, ce qui participe bien sûr au plaisir du texte.
Ses lectures ? Américaines préférentiellement, on la comprend. Elle n'a pas cité d'auteur, mais a précisé quelque chose intéressant. Que ses lectures étaient sans lien direct avec son écriture. Qu'elle aurait aimé qu'on lui raconte l'histoire qu'elle avait écrite.
Je ne suis pas journaliste et je ne ferai pas une relation complète de ce moment très agréable passé avec une jeune femme dont l'écriture compte dans le paysage français d'aujourd'hui.
Quelques mots personnels pour finir. Bien jolie, bien souriante, bien en phase avec ses lecteurs, j'aurais aimé l'approcher, lui dire des choses agréables sur sa prestation, le coeur y était, l'intention aussi, mais un feeling bluesy m'a maintenu loin de toute proposition mondaine.
Une prochaine fois ?
A lire, évidemment ;
Bon dimanche et bonne manif pour celles et ceux qui passeraient par la Bastille : pour l'égalité et contre l'homophobie.