ICPE - Sols pollués : l'obligation de remise en état ne se prescrit pas par trente ans (Conseil d'Etat)

Publié le 21 avril 2013 par Arnaudgossement

Le Conseil d'Etat vient de mettre un terme à une controverse juridique, aux termes d'un arrêt rendu ce 12 avril 2013. L'obligation de remise en état d'un terrain pollué et dont l'exploitant est le débiteur ne se prescrit pas par trente ans. Une solution qui n'épuise pas un débat ancien : l'exploitant de bonne foi a-t-il droit a ne plus être recherché en responsabilité des années aprés la cessation d'activité d'une ICPE ?


L'arrêt rendu ce 12 avril 2013 ppar le Conseil d'Etat peut être consulté ici.

La Haute juridiction rappelle un principe ancien en droit administratif : une obligation de police ne se prescrit pas. Rappel utile car une controverse était née au lendemain de l'arrêt "Alusuisse-Lonza-France- rendu le 8 juillet 2005 par le Conseil d'Etat - sur le point de savoir si ce dernier avait entendu introduire une exception à ce principe en créant une prescription trentennaire. 

Tel n'était pas le cas : l'obligation de remise en état- elle-même- est imprescriptible.

Le considérant de principe de l'arrêt rendu ce 12 avril 2013 est le suivant :

"4. Considérant qu'en statuant ainsi, alors que la prescription trentenaire susceptible d'affecter l'obligation de prendre en charge la remise en état du site pesant sur l'exploitant d'une installation classée, son ayant droit ou celui qui s'est substitué à lui, est sans incidence, d'une part, sur l'exercice, à toute époque, par l'autorité administrative des pouvoirs de police spéciale conférés par la loi en présence de dangers ou inconvénients se manifestant sur le site où a été exploitée une telle installation, et, d'autre part, sur l'engagement éventuel de la responsabilité de l'État à ce titre, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Nantes a entaché son ordonnance d'erreur de droit ; que, par suite, la SCI Chalet des Aulnes est fondée à en demander l'annulation"

Soulignons de nouveaau la différence entre trois éléments au moins : il faut distinguer l'obligation de police, des mesures prises par l'administration pour la faire respecter de la charge financière liée à l'exécution de cette obligation.

En résumé, la prescription trentenaire ne s'oppose pas :

  • à ce que l'autorité de police des installations classées puisse agir "à toute époque" à l'encontre du débiteur de l'obligation de remise en état d'un site;
  • à l'engagement éventuel de la responsabilité de l'Etat.

Le Conseil d'Etat apporte ainsi une trés utile clarification de l'état du droit. Pour s'en convaincre, il importe de revenir aux termes de l'arrêt rendu le 8 juillet 2005. A la suite de cet arrêt, l'idée - fausse - s'était répandue que l'obligation de remise en état se prescrivant par trente ans, par inspiration d'un principe du code civil.

Ledit arrêt précisait :

"Considérant, toutefois, que les principes dont s'inspire l'article 2262 du code civil font obstacle à ce que le préfet impose à l'exploitant, à son ayant-droit ou à la personne qui s'est substituée à lui la charge financière des mesures à prendre au titre de la remise en état d'un site lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis la date à laquelle la cessation d'activité a été portée à la connaissance de l'administration, sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés"

Aux termes de cet arrêt rendu le 8 juillet 2005, il était nécessaire de distinguer :

  • l'obligation de remise en état elle-même
  • de la charge financière attachée à l'obligation de remise en état

 A noter que ce même arrrêt précisait, juste au-dessus :

"Considérant que les pouvoirs de police spéciale conférés par la loi à l'autorité administrative peuvent, par leur objet et leur nature mêmes, être exercés par celle-ci à toute époque et vis à vis de tout détenteur d'un bien qui a été le siège de l'exploitation d'une installation classée, dès lors que s'y manifestent des dangers ou inconvénients de la nature de ceux auxquels la législation des installations classées a pour objet de parer"

Par voie de conséquence, non seulement l'administration n'est pas interdite mais elle est en réalité contrainte d'agir à l'encontre du débiteur de l'obligation de remise en état d'une ICPE sans qu'aucune prescription trentenaire ne puisse être opposée.

Le débat

Il n'est nul besoin de se réjouir ou de se désoler de la solution ainsi retenue qui est sans aucun doute conforme au droit.

Reste que cette décision de justice n'épuise pas un débat plus "politique" et économique : l'exploitant qui a, de bonne foi, exécuté toutes les opérations de remise en état mise à sa charge par une administration dûment informée, a-t-il le droit, conformément au principe de sécurité juridique, de n'être plus recherché en responsabilité des années aprés ?

La réponse est loin d'être évidente. Plusieurs écoles de pensée se bousculent ici.

En premier lieu, il pourrait être soutenu qu'une obligation de police administrative doit demeurer imprescriptible pour ne pas encourager son débiteur à jouer la montre ou les années et, ainsi, tenter d'échapper à son devoir.

En second lieu, il peut à l'inverse être soutenu que l'absence de prescription, non seulement créé un risque d'analyse anachronique de faits anciens (fonction de la prescription en droit), parfois fort complexes comme en matière de sols pollués, mais, au surplus, peut encourager des stratégies d'évitement, la première consistant à faire disparaître la société exploitante.

La décision du Conseil d'Etat ne clôt donc pas le débat sur la valeur juridique du PV de récolement et sur le delta, sur ce point, existant entre le code minier et code de l'environnement.

Arnaud Gossement

Avocat - Selarl Gossement Avocats