Développement humain 2013

Publié le 20 avril 2013 par Espritvagabond
Il y a quelques semaines sortait le rapport annuel du PNUD, le Programme des Nations Unies pour le développement, rapport qui fait état du positionnement des diverses nations de l'ONU en termes de développement humain selon un indice composite (L'IDH).
Au moment de la publication du rapport, les médias mentionnent à chaque année un sommaire de quelques lignes, essentiellement basé sur l'indice général peu révélateur et mettant le focus sur la position du Canada selon cet indice.
Même si je suis loin d'avoir terminé ma lecture du rapport détaillé (une brique de 228 pages), j'ai tout de même effectué un premier survol et en ai tiré quelques observations pour qui s'intéresse au développement et à la coopération internationale.
Le top 10 de l'IDH et les inégalités
Quand on y regarde de plus près, l'Indice de Développement Humain qui est le plus intéressant du rapport est celui qui tient compte du contexte des inégalités.
En gros, l'indice général incorpore beaucoup de facteurs (et plusieurs facteurs économiques, dont le PIB par habitant, par exemple). L'indice ajusté en fonction des inégalités cherche à reclasser les pays selon la répartition des richesses que l'on a intégrées via les facteurs économiques. Par exemple, si on avait un pays de 100 habitants dont le PIB par habitant avait doublé en quelques années, mais dont le résultat serait dû à la fortune gigantesque d'un seul de ces 100 habitants, on ne pourrait pas parler à proprement dit d'évolution en termes de développement humain pour cette micro-société. Pourtant, selon l'indice général, ce pays aurait progressé. Seul l'indice ajusté en fonction des inégalités nous permettrait de voir qu'en fait, un seul individu a progressé en termes de richesses, et que le reste du pays est resté stable (dans cet exemple simplifié; on pourrait facilement imaginer un pays dont le PIB progresse mais dont la majorité des citoyens d'appauvrit).
La position du Canada, claironnée dans les médias comme étant 11e (une première hors du top 10 depuis longtemps, déjà décevant en soi)... est en fait 13e, si on tient compte des inégalités. On se souviendra avec humour de la fierté de notre premier ministre quand, au début des années 90, le Canada était #1, le «plusse meilleur pays du monde»... On nous dira par la suite que les Conservateurs au pouvoir ne font aucune différence et que le pays se porte très bien, même en termes économiques...
Pour les lecteurs qui sont des fans du modèle américain, un modèle d'efficacité et dont le monde est censé s'inspirer (hum) - et qui a servi de comparaison pendant la crise sociale du printemps 2012 - notez que la 3e position des É-U à l'indice général tombe directement à la 16e position quand on intègre les inégalités à l'indice. Notons à titre comparatif que le reste du Top 5 - les positions 1, 2, 4 et 5 - ne changent pas entre les deux indices. Il s'agit de la Norvège, l'Australie, les Pays bas et l'Allemagne (c'est la Suède qui se hisse au 3e rang).
Un oeil sur mes pays
Quand on regarde dans la liste des pays avec un indice moins élevé, on note évidemment les pays en développement - et je consulte toujours cette liste à la recherche de "mes" pays de prédilection en matière politique et sociale. Ainsi, c'est sans surprise que l'on retrouve Cuba dans le club des pays à développement humain "élevé" (le Canada est classé "très élevé", il y a aussi "moyen" et "faible"), l'Argentine dans les "très élevé" et l'Équateur dans la catégorie "élevé", avec un classement au 89e rang de l'indice général, mais qui grimpe au 69e rang quand on tient compte des inégalités. L'Équateur n'est donc pas un pays riche ni à développement humain très élevé, mais au moins, cette richesse relative y est beaucoup mieux répartie que dans d'autres pays à l'IDH général similaire. Pour Cuba, notons que son classement est donc remarquable vu ses facteurs économiques relativement faibles.
Observation également révélatrice: la position du Vénézuela, l'héritage de Hugo Chavez dont on parle beaucoup ces jours-ci, qui est classé 71e (66e en IDH ajusté aux inégalités). Ce pays latino aux politiques de gauche est donc mieux classé que ses voisins gouvernés à droite pendant les dernières décennies, comme le Guatemala (133e/92e), la Colombie (91e/74e), El Salvador (107e/83e) ou encore le Honduras (120e/84e et où le coup de 2009 permettait à la droite de prendre le pouvoir).
La question des genres
Au passage, pour ceux qui s'intéressent aux inégalités entre les genres, le Canada n'est pas non plus un modèle, avec sa 18e place, mais on peut encore se consoler quand on voit le classement des États-Unis à ce niveau, au 42e rang, entre les Émirats Arabes Unis, l'Albanie et la Malaisie. On notera que cet indice d'inégalités de genre est lui aussi intéressant, quand il permet de voir que le Qatar, classé 36e pays du monde selon l'IDH général, est classé 117e en termes d'inégalités de genre. Une fois de plus, à ce niveau, on retrouve parmi les meilleurs pays, des pays tels les Pays Bas, le Danemark, la Norvège et la Suède. C'est à se demander pourquoi les médias nous cassent les oreilles avec les modèles anglo-américains en nous rabattant sans cesse les problèmes de la vieille Europe, puisqu'une plus grande proportion de leur population y vit mieux! Où veut-on vivre: dans un pays avec 3 multimilliardaires et 30 millions de pauvres, ou un pays avec 30 millions et 3 personnes qui vivent bien sans avoir de millionnaire dans le lot?
Le rôle des dépenses publiques dans le développement humain
Le rapport du PNUD ne sert pas seulement à publier un classement des pays selon l'IDH. Il sert surtout à publier le résultat de diverses recherches et de diverses statistiques sur le développement un peu partout dans le monde. Ainsi, on peut par exemple y constater que selon les études statistiques, il y a une forte corrélation positive entre l'IDH des pays en 2012 et leur historique de dépenses publiques en santé et en éducation. Autrement dit, la chute de certains pays (comme le Canada) est directement liée à leur politiques d'austérité en terme de dépenses publiques en santé et éducation (et vice-versa). Il y a une aussi forte corrélation positive entre le taux de survie des enfants de moins de cinq ans et l'historique des dépenses publiques par habitant consacrées à la santé. La droite aura beau glorifier les modèles économiques néolibéraux et basés sur les régimes et systèmes privés, les analyses statistiques basées sur les données mondiales nous montrent l'importance des dépenses publiques en santé et éducation sur une population, et ce, à moyen et long terme.
New York et le modèle social du sud de lutte contre la pauvreté
Parmi les informations que l'on retrouve dans le rapport du PNUD, j'ai bien aimé le «témoignage» du maire de New York sur le programme Opportunity NYC Family Rewards, un programme qui s'inspire de programmes de plusieurs pays du Sud, dont le Brésil et le Mexique et qui a ouvert la porte à d'autres initiatives en transport urbain et en éducation, entre autres. Une belle leçon que bien des dirigeants du Québec et du Canada devraient imiter avant de critiquer - et ignorer - ce qui se fait ailleurs dans le monde.
Le contexte du développement humain en 2012 et les manifestations dans le monde
Je termine mes observations sur une citation particulièrement intéressante au niveau de son intégration des mouvements sociaux qui ont lieu sur la planète depuis quelques années. Évidemment, après notre printemps québécois, difficile de ne pas penser que toutes ces observations s'appliquent également à notre société.
Le mécontentement est de plus en plus important au Nord comme au Sud, car les peuples veulent pouvoir exprimer davantage leurs inquiétudes et influencer les décisions politiques, en particulier en matière de protection sociale de base. Les jeunes se trouvent parmi les contestataires les plus actifs. (...) L’histoire fourmille d’exemples de rébellions populaires contre des gouvernements irresponsables. De tels soulèvements peuvent faire dérailler le développement humain car les troubles sociaux entravent l’investissement et la croissance et les gouvernements autoritaires dévient les ressources pour maintenir la loi et l’ordre.
Il est difficile de prévoir le moment où les sociétés atteindront les seuils de basculement. Les manifestations massives, en particulier des personnes instruites, surviennent souvent lorsque les populations se sentent exclues des décisions politiques et que les perspectives économiques moroses réduisent le coût économique d’y participer. Ces «formes de participation politique intense» sont aujourd’hui plus faciles à coordonner grâce aux nouveaux outils de communication de masse («Vue d'ensemble», p.7).
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