Ce soir, je me suis arrête a Katsuura, une modeste bourgade, dans un établissement plutôt moins sympathique que mes précédents logement. C est la première fois qu on ne me sert pas le thé a mon arrivée. Mais bon, cette halte est un peu a l image de ma journée, moins agréable. Il faut dire que ma marche aujourd'hui s est résumée a une randonnée urbaine parfois peu agréable. Mais c est le propre de certains grands chemins de réserver des passages pénibles ou l esprit du pèlerin est mis a rude épreuve. Et puis un voyage réserve toujours son lot de surprises bonnes et moins drôles. Enfin cependant il n y a rien eu de dramatique et j ai tout de même bien avance.
Je suis reparti du temple 13, juste un peu avant 8 heures, après avoir pris un nouveau petit déjeuner typiquement japonais, et totalement sale, dans le ryokan ou j'ai passe une bonne nuit. C était deux fois plus chère que la veille, pour un service somme toute comparable mais le petit plus de luxe devait expliquer cette différence de standing.
Mon allure est relativement bonne et j atteins vite les temples 14 et 15. Ils sont de tailles assez modestes et leur environnement urbain ne dégage pas tout a fait la même impression de sérénité que les temples si bien intégrés a la nature que j ai vu hier.
Le parcours circule ensuite dans les abords de Tokushima. Ce n est pas encore si désagréable, des champs bordent la route, j y croise des hérons blancs et quelques autres oiseaux. Cependant certaines longue s lignes droites de bitume sont déjà assez pénibles. Le temple 16 est un peu plus loin, le 17 ensuite, toujours modestes et moins raffinés dans l art du jardin.
Mais c est après ce temple que les choses se corsent. La, j entre vraiment dans Tokushima et doit suivre de grandes artères. Il existe un autre chemin qui contourne davantage la ville et doit etre plus agreable, mais dans l enchevêtrement des rues il ne m est pas apparu clairement et j ai bêtement suivi le balisage. Je poursuis donc a travers une route bien large ou la circulation est plutôt dense. J en profite tout de même pour acheter un peu de ravitaillement dans un supermarché.
Après être repasse par le centre de La ville, pas loin de la gare et de mon logement de trois nuits auparavant, je poursuis ma marche a travers ce dédale urbain. Cette fois je suis plus scrupuleusement mon plan, car le balisage est plus que léger. Mais malheureusement, en suivant la bonne route je marche a travers de large trottoir bordant des quatre voies. Juste avant la sortie de la ville deux personnes, des japonais un peu déclassés, se proposent de m indiquer le chemin. Le second, quand je lui dit mon intention d aller au temple 18 a pied, me dit que c est beaucoup trop loin et qu il faut prendre le train. Mais non, je continue a pied et j ai même l intention d aller plus loin aujourd'hui.
La sortie de la ville est encore plus pénible. Le parcours longe la nationale, je marche dans le bruit et la pollution, dans un décor de zones commerciales. Ces endroits ou la ville ne se décide pas a exister vraiment et ou la campagne est parti, ou personne ou presque ne semble habiter, entièrement dévolus aux commerces ou aux "activités" sont un peu la plaie de nos civilisation et le Japon n'y déroge pas. Je n'y trouve aucune poésie et y marcher est juste un effort pénible. Même si ici on a planté des haies fleuries entre la route et le trottoir pour rendre un peu moins laid cet endroit.
Je m accorde une pause dans un cafe de bord de route. Je me sers dans un distributeur un machiato pas si mauvais pour me requinquer un peu. Le serveur, serviable bien entendu, essaie de m aider a me connecter a un wifi mais l opération au Japon semble d une complication terrible.
Enfin, cette petite pause, ou je dévore aussi un peu de chocolat (le goût sucre me manque tout de même un peu), me redonne de l allant. Je repars droit devant et j essaie d avaler le plus vite possible cette portion ingrate. Difficile d avoir des pensees qui s envolent dans un tel decor. j essaie de me concentrer sur mon pas et de faire confiance a mes bottes de sept lieux pour en sortir vite. Cela me rappelle un peu les abords de certaines villes espagnoles sur le St Jacques, en plus passant et sans que le centre de Tokushima rattrape vraiment les choses.
Un peu avant le temple 18, les choses s arrangent. Je quitte les bords de la nationale et retrouve un environnement plus calme. Le temple, ou l on accède par un petit chemin pentu et arboré, est très beau. Il y règne la même harmonie que dans les premiers temples. Il m offre aussi un beau contraste avec la zone bruyante que je viens de traverser. En repartant, je croise un cycliste que j ai déjà rencontre plusieurs fois ce matin. Il me dit "Strong"...comme sur le St Jacques je vais a peu près a la même vitesse que les cyclistes "tranquilles", même si sur le terrain de ce matin j aurai bien aime avoir un vélo...
Je marche ensuite quelques instants dans une jolie forêt de bambous avant de retrouver une petite route. Encore du bitume mais l environnement est plus calme et plus agréable. Le temple 19 se trouve un peu plus loin, après un joli pont. J y rencontre encore une bonne poignée de pèlerins (qui font le circuit en véhicule ) qui me demandent bien sur d ou je viens. Ma nationalité française a l'air de les ravir. Il faut dire que d après ce que je vois a la télévision ( qui est sans cesse allumée dans les salles a manger et que j allume pour me tenir compagnie dans mes chambres)la France et la culture française ont l air d avoir la côté au Japon. En tous cas, tous ont l air très content qu un étranger vienne parcourir ce chemin. Je suis bien sur loin d être le premier a parcourir ces 88 temples mais nous ne sommes pas foule tout de même. Depuis mon départ je n ai croise aucun occidental a part Sylvie.
Le ciel s est couvert et c est sous la pluie que je repars pour les quinze derniers kilomètres de ma journée. Je pense en effet m arrêter au village situe juste avant le temple 20, car ensuite il me sera plus difficile de trouver un abris, ce qui par ce temps serait embêtant. En plus je suis tout de même un peu fatigue et n ai pas chôme ces trois derniers jours. Le terrain dur me cause quelques début d ampoules aux talons et il me faudra y veiller, même si ce genre de désagréments est presque inévitable sur ces longs parcours comportant beaucoup de marche rapide. Mes muscles sentent aussi les kilomètres et mes épaules s adaptent a la charge.
Cette dernière portion n est malheureusement pas très agréable, au bord d une route assez passante. Arrive a mon but, je cherche un peu avant de trouver l auberge locale, ou j'écris donc ces lignes. On n y sert pas a dîner et lorsque je suis ressorti pour acheter quelques vivres a la boutique du coin afin de dîner d un plat déshydraté, une pluie plus lourde m a accueillie.
Heureusement demain la météo semble être prévue meilleure et le parcours devrait a nouveau m entraîner vers de plus beaux endroits. D abords sur des chemins de montagne puis, si je prends le meilleur parcours, en bord de mer. Une mer qui devrait veiller sur mes pas souvent sur le reste de mon chemin a Shikoku. Je vous laisse en me réchauffant dans mon futon, car il ne fait pas bien chaud ce soir.