Pour un Acte III en débat: des socialistes ne sont pas silencieux et prennent part au débat

Publié le 20 avril 2013 par Micheltabanou

Au printemps 2012, les associations d’élus ont toutes interpellé le nouveau Président et son gouvernement sur la question de l’avenir de leurs collectivités, compte tenu des réformes que le précédent gouvernement avait effectuées, ou préparées pour 2014-2015 (suppression de la TP, conseillers territoriaux, etc...).

En réponse le nouveau Président, François Hollande, s’engageait à « mettre en place cette 3ème étape de la décentralisation », avec, en ce qui concerne les départements, « des ressources pérennes et suffisantes » pour « leur permettre notamment de faire face à leurs dépenses sociales de solidarité (...) ».

Marylise Lebranchu, Ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, avait officiellement annoncé cette 3ème étape en indiquant que son but était « de retrouver un État fort et des collectivités fortes, avec une décentralisation aboutie au service des citoyens ».

Rappelons que cette 3ème étape de la décentralisation va s’inscrire dans un contexte national et international particulier, qui n’a plus rien à voir avec le contexte du 2ème Acte de la décentralisation, en 2004, et encore moins, avec celui de 1982. En effet, depuis plus d’un quart de siècle, l’économie spéculative et financière a peu à peu pris bien des pouvoirs. Rappelons simplement qu’elle a entraîné la plus grave crise que nous ayons connue depuis des décennies. Entre autres effets, ces dernières années, elle a accentué les déficits et la dette des États qui l’ont renflouée. Et principalement qu’elle puise un argument de ce dernier facteur pour déclarer la guerre aux dépenses publiques, provoquant des cures dîtes de « rigueur ou d’austérité », et initiant avec la contribution d’anciens dirigeants de « Goldman Sachs », aujourd’hui convertis dans la gestion « technocratique », pour rester « soft », de certains États, ou de la B.C.E.

Si les formules employées par Madame la Ministre ainsi que le but recherché étaient donc tout à fait positifs, les mesures prises au cours de l’année 2012, concernant les collectivités territoriales l’étaient, elles, beaucoup moins. En effet a été opéré le choix de la baisse de dotations de l’État pour les deux années à venir, baisse fixée unilatéralement par le gouvernement, contradictoire avec les annonces du printemps 2012. C’est également le remplacement de la RGPP (la Révision Générale des Politiques Publiques) par ce que le nouveau gouvernement appelle la MAP (Modernisation de l’Action Publique) qui risque d’être en réalité une RGPP « de gauche », à bien y regarder.

Nul ne regrette la disparition de la RGPP  dont on voit encore ses conséquences dans nos écoles, nos hôpitaux, nos gendarmeries, mais aussi, même si les citoyens le voient moins, dans les services de l’État, les Préfectures, etc. Mais on a bien l’impression qu’elle va être un des outils de la réduction de la dépense publique de l’État, et donc de ses missions et de ses effectifs. Cela en alignant notre pays sur les exigences budgétaires du Traité Européen, ainsi que sa conception de ce que l’Europe appelle la « concurrence libre et non faussée » : en clair, en ouvrant les missions actuelles des services publics au secteur privé.

Or, la lecture des textes qui circulent sur, « l’Acte III de la décentralisation » ne nous rassure pas.

Si l’objectif annoncé nous semblait très positif, les mesures que ces textes contiennent ne nous semblent pas du tout aller dans ce sens. En ce qui concerne les départements, il en est ainsi, par exemple, de ce mode de scrutin dit « binominal » et du découpage des cantons qui l’accompagne. Autre exemple, le transfert évoqué de toutes les missions liées au handicap, des établissements sociaux, alors que la formule du Président François Hollande cet été, « des ressources pérennes, suffisantes et évolutives les accompagnants » a disparu des textes. Cela ne ferait qu’aggraver la situation des inégalités entre les territoires, et notamment les départements ruraux à la population vieillissante.

Il faut rappeler que c’est à la solidarité nationale, par le biais de la protection sociale financée par des cotisations appliquées à l’économie, de prendre en charge l’ensemble des questions liées à l’autonomie des personnes, leur fragilité personnelle ou leur précarité sociale, et non la fiscalité locale des familles du département concerné.

Rien à ce jour ne semble clarifier cette situation. Il faut attendre les travaux de la commission consultative des charges qui vient d’être mise en place.

De même, les textes qui circulent privilégient et détaillent prioritairement les grandes aires métropolitaines et le niveau régional, allant même, ainsi que vient de le rappeler dernièrement, Alain Rousset, Président de l’Assemblée des Régions de France, jusqu’à vouloir « adapter les lois à chaque région », ce dont, d’ailleurs, il se félicite personnellement, en « souhaitant que notre pays regarde l’exemple de l’Espagne et de l’Allemagne », États dits fédéralistes. Ce n’est pas, pour beaucoup d’élus, rassurant. Et cela pour deux raisons. La première, si personne ne nie l’intérêt et la réalité des métropoles qui se sont dessinées au fur et à mesure des évolutions de notre société, de la ruralité, de la mobilité, de la croissance démographique des agglomérations qui en ont découlé, cela n’appelle pas forcément à les ériger en structure, en collectivité de plein exercice de compétences, suppléant donc les communes et les Conseils Généraux. Nous risquons en effet de créer autour d’elles des espaces qui, eux, seront exclus et relégués loin de ce que mettront alors en place ces nouvelles collectivités. La question de la répartition sur le territoire national de la richesse aujourd’hui issue de l’économie réelle à l’échelle locale, et encore plus celle issue de l’économie financière et spéculative, se poserait alors encore plus.

Car, et c’est la seconde raison, si la concentration des personnes et des richesses créées sur les territoires de ces métropoles s’inscrivait, de plus, dans le cadre souhaité aujourd’hui par l’Union Européenne, c’est-à-dire dans le cadre de « la concurrence libre et totale entre les territoires et les hommes », et donc de plus, gérées au niveau régional avec des lois « adaptées », on en connaît déjà le résultat : un déséquilibre social et territorial de notre Pays qui verrait certains de ses territoires, et leurs habitants, cumuler les deux avantages, et les autres, les deux inconvénients.

Si cette logique était donc celle de la IIIème décentralisation, ce ne serait plus une décentralisation « sociale et solidaire », un « État fort et des collectivités fortes, avec une décentralisation aboutie au service des citoyens », comme l’avait donc dit l’été dernier Madame la Ministre, mais un État recentré sur ce qu’il appelle « ses fonctions régaliennes », ce qui n’était évidemment pas le cas lors de deux premières étapes de la décentralisation.

Un État dépouillé en partie « par le haut » de ses compétences, par les contraintes de l’Union Européenne fixées dans le Traité Budgétaire récemment signé, et qui aurait donc transféré aux Régions et aux Métropoles ses missions, ainsi que son rôle de cohésion et d’égalité territoriale.

Un État n’ayant plus aucun moyen de les appliquer ni légalement, ni financièrement.

Un État, certes, et de plus en plus, toujours contrôleur au niveau régional par ses Préfets de Régions, mais également démantelé au niveau local, inexistant « en bas », c’est-à-dire au plus près des habitants/citoyens/électeurs/contribuables locaux, laissant « en première ligne » des élus locaux, compte tenu de la restructuration des communes et des intercommunalités qui, elle aussi, interroge.

En effet, oui, le maillage communal qui fait l’originalité française est en danger dans ces textes, alors que, « chez nous », la commune est un espace de vie particulier. C’est un espace d’évolutions et de transformations permanentes, mais aussi de traditions et de valeurs qui s’affichent aux frontons de bien des Mairies ; un espace de vie où il « garde encore la main » sur ce qu’il souhaite, ce qui en fait l’originalité, dans, disons, la « mondialisation aujourd’hui ».

Il faut constater l’affluence et l’écoute de la population aux « vœux du Maire » dans toutes les communes, grandes ou petites. On voit que leurs habitants veulent être au courant, et intervenir pour ce qui fait l’organisation de leur vie au quotidien, pour eux, mais aussi l’avenir de leurs enfants. Ce « lieu de vie », c’est un espace d’exigence démocratique et d’efficacité sociale, un ensemble de valeurs et de réponses à ne pas négliger, les besoins humains étant souvent mis en avant et s’opposant aux disparitions de bien des services publics, avec souvent des élus disons « unanimes », que cela soit dans les communes urbaines ou rurales.

Or, il est à craindre que ce que nous lisons actuellement nous éloigne un peu plus de cette richesse humaine. Sans évidemment remettre en cause les nouveaux territoires de vie qui ont motivé l’intercommunalité, il nous semblait donc indispensable que nos communes disposent de moyens politiques et financiers pour une « libre administration », leur permettant d’apprécier avec leurs habitants/citoyens quels partenariats, quelles avancées sont mieux à même de répondre aux besoins de ces populations forcément fort diversifiées, selon leur emplacement et leur histoire, et dans notre Pays.

Mais l’intercommunalité, parfois à marche forcée, les fusions ou « métropolisations », les modes de scrutins et les représentations, les restrictions de leurs moyens financiers, alors qu’on leur demande d’accroître les dépenses par de nouvelles obligations, qu’elles soient scolaires, sociales, normatives ou environnementales..., vont les fragiliser encore plus.

Jusqu’où ira-t-on ? Leur dissolution ? Ou, avec des élus locaux en première ligne, devenus de simples rouages administratifs pour l’état civil et le « quotidien », c’est-à-dire pour celles qui auront cumulé les déséquilibres sociaux et territoriaux qui s’aggravent ? Des élus « fusibles quand c’est la société qui disjoncte », selon la formule déjà entendue voici quelques années déjà, à la tribune du congrès des Maires de France.

Aujourd’hui nous sommes très loin « des paroles aux actes », comme cela l’a été rappelé également à la tribune du Congrès des Maires de France, en novembre dernier, ou de nouveau par un communiqué de leur Association, le 15 janvier dernier qui « alerte le gouvernement sur les risques de fracture sociale et territoriale du pays », dans la mesure où « l’on de se contente d’une vision théorique (pour ne pas dire autre chose) des territoires, qui tous devraient être respectés et pris en compte ». Fin de citation.

Oui, vraiment, tout cela n’est pas dans ce qu’avait indiqué Marylise Lebranchu. Nous attendions une réforme qui aurait été en rupture avec ce qui était « mis dans les tuyaux » par le précédent gouvernement. Une réforme ambitieuse, répondant aux défis humains et démocratiques d’aujourd’hui, avec un renouveau du regard nécessaire sur l’intervention publique et ce qui en découle. Un renouveau des services publics, tant nationaux que locaux, avec leur champ d’intervention élargi, devenus de véritables boucliers anticrise, des vecteurs de solidarité entre les hommes et les territoires, porteurs d’un développement économique et écologique, mais aussi socialement et humainement durable.

Facile ? Non, mais comme l’avait dit François Hollande en campagne pour les Présidentielles voici plus d’un an : « ce que nous proposons, c’est le redressement dans la justice sociale. Dans cette bataille qu’il faut engager, notre véritable adversaire, c’est la finance. Car sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société, et même de nos vies. Il faut aujourd’hui l’affronter avec nos moyens et d’abord chez nous, sans faiblesse et sans irréalisme, en pensant que cela sera un combat long, une dure épreuve, et que nous devrons montrer nos armes ».