Fonds d’ « ajustement » à la mondialisation : pansement ne vaut pas thérapie !

Publié le 19 avril 2013 par Jblully

En Europe, le chômage ne cesse d’augmenter et chaque mois bat – malheureusement – les records du précédent. Selon les derniers chiffres officiels fournis par Eurostat, plus de 26 millions d’hommes et de femmes (dont 5,7 millions de jeunes de moins de 25 ans) étaient en effet sans emploi en février 2013 dans l’UE27, dont un peu plus de 19 millions dans la zone euro.
Cette litanie de mauvaises nouvelles, à l’instar de celles qui concernent les chiffres du commerce extérieur français, est saluée d’un hochement de tête peiné et compatissant, nombre d’acteurs s’abritant commodément derrière le paravent de la fatalité pour justifier leur impuissance. Outre le fait que ces contre-performances causent de multiples détresses individuelles, certains Etats membres de l’Union européenne sont aujourd’hui dans une situation très préoccupante car l’irritation sociale s’y développe fâcheusement.

La mondialisation, dont l’impact puissant a été mal appréhendé, a révélé nos faiblesses structurelles, largement sous-estimées.

L’un des phénomènes les plus inquiétants de cette dégradation est le décrochage de nos industries qui, outre ses conséquences locales (fermetures ou cessions de sites) induit des pertes considérables de savoir-faire et de valeur ajoutée.

Pour adoucir une potion si amère, la Commission européenne a mis en place fin 2006 (et révisé en 2009), avec l’accord des Etats membres, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM)[1], doté de 500 M€. Celui-ci a été largement mis à contribution depuis 2007, par la France notamment, qui a concentré ses sollicitations sur l’automobile (cf demandes très controversées au bénéfice de Renault en 2011)[2]. Fin mars, l’on constate, non sans tristesse, que ce sont d’anciens fleurons de l’industrie européenne (Nokia, Saab, Flextronics,…) qui se trouvent réduits à solliciter de telles « mises sous perfusion ».

L’industrie allemande fait exception et son succès s’explique notamment par une liaison performante entre recherche, R&D, marketing et innovation.

Si le FEM a pu aider, depuis sa création, près de 100.000 travailleurs à gérer des transitions pénibles, c’est tant mieux…mais des soins palliatifs ne valent, ni une bonne prévention, ni une thérapie adaptée et mise en œuvre de façon déterminée.
L’Asie, qui investit des milliards d’euros dans la recherche industrielle et la maîtrise des matières premières, a bien identifié les enjeux et sait faire fructifier ses investissements sur tous les continents.

Elle montre d’autant plus la voie que la Commission européenne confirme[3] que l’une des principales faiblesses de l’Europe réside dans l’insuffisance de sa R&D, « l’écart ayant même tendance à se creuser entre les pays ». L’échec de la stratégie de Lisbonne, dont les objectifs en la matière ont été repris dans le programme qui lui a succédé (UE2020), en est une manifestation.

La CCI Paris Ile-de-France[4] a, en son temps, rappelé la nécessité pour le pays d’être bien placé dans ce domaine, notamment en simplifiant et en rationalisant son dispositif de soutien aux chercheurs et aux projets. Le message reste plus que jamais d’actualité car seule la recherche et la R&D permettent d’identifier les pistes d’avenir, celles qui se concrétisent en produits et en applications qui constituent de réels « bonds en avant technologiques » ! Les initiatives prises à ce propos par ESCP Europe, notamment à travers l’Institut pour l’Innovation et la Compétitivité i7[5], méritent d’être suivies avec attention.

Aujourd’hui, les ressources publiques sont trop limitées pour être investies à perte. Vite, il faut aller à l’essentiel !

———————————–

[1] Celui-ci vise « à apporter, dans un esprit de solidarité, une aide aux travailleurs qui ont perdu leur emploi en raison de modifications majeures de la structure du commerce mondial. » – Voir : Portrait statistique du FEM 2007-2011 : http://ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=7856&langId=en

[2] Voir : http://www.euractiv.fr/industrie/utilisation-hausse-fonds-europeen-ajustement-mondialisation-16314.html

[3] Tableau de bord de l’Innovation 2013 : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-270_fr.htm (26.03.13)

[4] En avril 2011, la CCIP donnait déjà des orientations en ce sens dans son rapport rédigé en réponse au Livre vert CE « Futur cadre stratégique commun pour le financement de la recherche et de l’innovation dans l’UE » : http://www.etudes.cci-paris-idf.fr/rapport/291-le-financement-de-la-recherche-et-de-l-innovation-dans-l-ue

[5] Voir : http://www.escpeurope.eu/fr/faculte-recherche/chaires-et-instituts-escp-europe/i7-institut-pour-linnovation-et-la-competitivite-escp-europe/