De passage à Paris le mois dernier, Sojeans a rencontré l’un des DJ le plus connu du Hip Hop français. Wax Tailor, plus qu’un producteur ou DJ, se dit être un « metteur en son » sans doute à cause de sa passion pour le cinéma… ou pas! (Scroll down for English version)
Premièrement, on aimerait en savoir un peu plus sur toi. Avant d’être DJ/producteur tu es passé par différents métiers comment as-tu fini dans l’électro ?
Aujourd’hui, quand on parle d’électro ça veut dire tout et n’importe quoi. Ma culture est plus ancrée dans le Hip Hop. Mes influences sont beaucoup plus Soul, Funk, Jazz, musique de films, Pop année 60, Rock Psyché. Je ne suis pas DJ dans le sens clubbing mais plus dans le sens digger. Depuis tout petit ma passion c’est la musique, c’est venu naturellement.
Dusty Rainbow from the dark, album conceptuel, sortie l’année dernière. L’idée t’est venue en 2006 de travailler exclusivement avec des samples sans d’autres sources d’enregistrements, peux-tu nous en dire un peu plus sur la technique ?
Si je devais le résumé simplement, ça consiste à fabriquer des instruments. J’ai envie de jouer une basse, je vais prendre un clavier ou une basse, je vais sampler des notes de basses et reconstituer le son. Il n’y a rien qui vient d’une machine, il n’y rien qui vient d’un instrument virtuel.
Sur quel vinyle t’as travaillé ?
J’ai une façon de travailler qui est assez instinctive et instantanée, c’est-à-dire que je puise beaucoup dans les choses que je suis en train d’écouter, je n’arrive pas trop à être méthodique, tu sais, à me dire j’ai des bandes de sons : des pieds, des caisses claires, des trompettes, des machins ! Je le fais un petit peu mais ça ne marche pas, parce que ce n’est pas excitant ! C’est con mais c’est la matière. Je préfère vraiment écouter du son et réagir.
Quand sais-tu qu’un track est fini ?
C’est difficile en fait, c’est vraiment posé son stylo. C’est un truc compliqué. J’essaie de me fixer… comment dire… en fait, il y a le moment où la maquette est terminée. Elle est là et je peux peaufiner pleins de choses. Ça c’est facile d’avoir la structure, après je me donne beaucoup de temps pour revenir la retravailler. J’essaie toujours de fixer une deadline parce que sinon tu mets trois ans à te dire je monte, je redémonte ! Les deadlines sont bien aussi, il ne faut pas des deadline idiotes où tu te dis: « j’ai bâclé mon sons » mais avoir des deadlines pour te faire un peu monter la pression, puis ça permet aussi de se dire j’arrête !
Tu as écrit le scénario de Dusty Rainbow from the dark avec Sara Genn, artiste peintre et chanteuse, quelle histoire ça raconte ?
Je l’ai rencontré en 2007, c’est quelqu’un avec qui j’avais accroché dès le départ. Je savais qu’on avait beaucoup d’affinité commune sur cet univers, et j’étais convaincu que c’était la personne avec qui je pouvais entamer ce travail-là. Tout était posé, il fallait mettre en forme et respecter les codes d’écriture du conte et je ne me sentais pas du tout d’attaque pour ça.
L’histoire, c’est quoi ?
L’histoire, il y a deux façons de te répondre. C’est une petite allégorie sur le pouvoir d’évocation de la musique, mais dans les faits c’est juste l’histoire d’un enfant, un peu introverti qui passe beaucoup de temps dans sa chambre, pour qui la musique est un vrai échappatoire. Sa mère a conscience que la musique représente beaucoup pour lui. Un jour il voit un arc-en-ciel et il demande à sa mère ce que c’est. Au moment où elle s’apprête à lui dire de façon très concrète, elle s’amuse à lui raconter une histoire pour l’aider à réfléchir sur ce que représente la musique pour lui. Ma finalité était de dire ce que représente la musique pour chaque auteur dans son imaginaire et quotidien. On a tous des petites histoires, des madeleines de Proust que tu as gardé et j’aimais bien l’idée que le narrateur soit l’enfant qui est devenu un vieil homme, qui a traversé la vie et pour qui la musique est resté un moteur au quotidien. Mais au lieu de se dire j’ai besoin de la musique pour m’échapper, il a gardé comme souvenir d’enfance « Je suis à la recherche de mon Dusty Rainbow » parce que c’est aussi un souvenir avec sa mère.
Ça a un rapport avec toi ?
Si tu m’avais posé la question il y a un an, je t’aurai dit « Oui il y a des éléments mais ce n’est pas super autobiographique ». Après objectivement quand je me retourne – je ne vais pas faire de la psychanalyse – mais quand je me relis, ouais tu peux dire que ça se passe dans les années 60, tu peux faire tout ce que tu veux autour mais à un moment donné il y a surement beaucoup plus de moi que je ne le pensais.
C’est un retour en enfance, assez nostalgique, qui est renforcé par les instruments de musique sur scène, quel rôle ont les instruments de musique dans ton concept ?
C’est une relation organique par rapport à la scène. Sur ce disque, j’ai vraiment tout fait avec des samples, mais les samples sont des instruments, ça reste de la matière. Sur scène, c’est un vrai plaisir, une relecture. C’est différent, il y a un truc qui est de l’ordre de la communion, il se passe quelque chose, tu es avec des musiciens, tu leur donnes de la matière. Les arrangements sont différents, les choses bougent d’un soir à l’autre.
Tu trouves que c’est plus fort ?
Oui. (…) Je ne me considère pas comme un musicien électronique parce qu’encore une fois tout dépend de ce qu’on met derrière. C’est tellement différent, j’ai une sensibilité qui va me fais préférer certaines choses mais après je peux comprendre un mec qui est tout seul derrière ses machines et qui envoie une énergie de dingue. Je ne vais pas dire qu’il se fout du monde ! Après, perso, c’est très très rare que je sois touché par un mec derrière un laptop – attention je ne dis pas ça dans le sens péjoratif – c’est juste que ça reste obscur et que ça ne me touche pas directement. Culturellement je viens plus du Hip Hop donc j’ai plus besoin d’un côté proche. La première fois que j’ai fait une date en 2004, j’ai demandé un micro et le mec m’a demandé « Mais pourquoi faire ? » »Ba pour parler aux gens ! » « Mais je croyais que tu venais jouer ? » »Mais ils sont venus me voir ! » Et moi je sortais de dix ans de Rap. Sur scène, ça m’est arrivé de faire des sets tout seul mais il me manque une dimension.
C’est fini pour toi, les beat à l’ancienne pour des rappeurs ?
Je suis entouré de rappeurs donc ils n’arrêtent pas de me demander « Quand est-ce que tu t’y remets ? ». J’ai fait le tour, j’adore faire quelques morceaux comme ça. Mais aujourd’hui, faire un album complet en beatmarker je ne suis pas sûr que ça m’éclaterais. Après je te dis ça mais si je peux changer d’avis demain ! L’important est que je me fasse plaisir.
Question globale, qu’est-ce qui t’influence le plus dans ta musique ?
C’est beaucoup les films, mais aussi le quotidien. Le quotidien parce que ce n’est pas littérale. C’est spontané, il y a eu cet évènement donc j’y réagis. Tu vois par exemple, l’album précédent s’appelait In the mood for life, je me rappelle que des fois, j’avais des confusions. J’avais eu un gros papier qui disait que j’étais très guilleret parce que le titre était très positif. Il me voyait un peu comme Charles Trenet ! Et je me disais mais ce n’est pas du tout ça ! A ma décharge je n’avais peut-être pas été clair ! Mais pour moi In mood for life, ça voulait dire d’humeur combative à ce quotidien. Le quotidien m’a aidé à envoyer de l’énergie dans mon disque, parce qu’il y a des trucs qui m’énervaient et que j’ai réussi à en faire quelque chose, mais aujourd’hui je prends de la distance.
Parlons vinyles, quel fut ton premier ?
Rock It, Herbie Hancock, 1983. C’est un gros classique. C’était la première vague du Hip Hop, avant même qu’on sache ce que c’était, c’était plus une mode en réalité, ça a duré six mois en France. Ce qui est vachement marrant c’est qu’à l’époque, il y a eu pleins de merdes commerciales de tout ce que tu veux, et ça c’est un vrai classique. Il a offert une vitrine internationale au scratch alors que personne ne savait ce que c’était. A huit ans, j’ai commencé à scratcher, comme surement pleins de gamins, mais salement sur une platine de salon. Herbie Hancock est un grand monsieur du Jazz qui a invité Grandmaster DST à scratcher sur scène et dont on parlait constamment.
Ton préféré?
C’est une édition collector de Eric B & Rakim, que j’ai acheté il y a vingt ans et que j’ai payé dix franc à l’époque chez Gilbert Jeune.
Quelle différence vois-tu entre la scène électro française des années 90 et celle actuelle ?
Ba c’est super simple, on est passé des choses très renfermées – telle scène est différente de telle scène et de telle scène – à une espèce de plateforme éclatée où tout ce mélange ! C’est hyper agréable. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de nuances, les gens font des choses différentes mais on ne se regarde plus en chiens de faïence en se disant : « Toi, t’es dans une autre famille musicale ! ». Dans le Hip hop au début des années 90, l’électro représentait une Techno démente, les rockeurs étaient des vieux barbus. Aujourd’hui, ça n’a plus aucun sens. Tout se mélange, dans le Rock il y en a qui utilise de l’électro, dans l’électro des mecs prennent des MC, c’est hyper bien.
Tu as voyagé partout dans le monde grâce à tes tournées, quel est ton meilleur souvenir dans un pays étranger?
Dure. J’avais adoré – dans le côté un peu dépaysant – une tournée au Chili. Sinon dans le côté exotique, la tournée en Inde parce que c’est un choc culturel.
Ton pire ?
Ça ne se dit pas ! Les pires souvenirs relèvent d’un problème technique. Par exemple, en Angleterre, un concert à Birmingham a été annulé à cause d’un soucis d’électricité. On avait repris huit fois et huit fois on a abandonné.
Revenons à ta musique, tout l’univers de ton premier album Tales of the Forgotten Melodies (2005) est construit sur des paroles de films, quel est réalisateur t’inspire le plus ?
Je vais te répondre Stanley Kubrick, pas forcément pour les dialogues mais parce que c’est un maître de l’exigence. C’est un rapport global. Je pourrais dire que c’est l’artiste qui m’influence le plus. L’exigence dans tous les sens du terme, c’est-à-dire que c’est quelqu’un qui n’a jamais rien lâché, qui était obsessionnel, qui avait un niveau d’exigence qui était incomparable.
Ta BO favorite ?
Bullit de Lalo Schifrin, parce que c’est magnifique. C’est l’atmosphère de San Franscico, la coolitude de Steve McQueen. J’adore ce film, il y a tout.
Cédric Klapisch a choisi Seize the day pour la BO de Paris, avec quels réalisateurs aimerais-tu travaillé ?
Dans le meilleur des mondes avec Tarantino.
Hi first of all, we want to learn more about you, before being Dj/producer, you did different jobs, how did you start in Electo ?
Today, when we talk about Electro that means everything and whatever. My culture is more fixed in Hip Hop. My influences are more Soul, funk, Jazz, films musics, 60’s Pop, Psyche Rock. I am not a DJ in clubbing direction but more in digger direction. Since childhood my passion is music, it comes naturally.
Dusty Rainbow from the dark, conceptual album, launched last year. The idea of this album came in 2006, working exclusively with samples without others recording sources, can you tell us more about your technic?
If I had to summarize simply, it consists to make instruments, that is to say I find much in the things I am listening; I can’t be methodic, you know, making band sounds: snare drum, trumpet, whatever! I did it a little but it is not working because it is not exiting! It is silly but it is the matter. I really prefer listening sounds and react.
When do you know that a track is over?
It is difficult; it really about fits your business. It a tricky stuff. I try to fix me… how say it… actually, there is the moment where the model is over. It is here and I can refine lots of things. It is easy having the structure, then I give me a lot of time to come back and rework it. I always try to fix me a deadline because otherwise you put three years I reach, I dismount! Deadlines are good too but don’t use stupid deadlines where you say I botched my sound but I try to stick me a little deadlines because it makes you a pressure, then it can also say I quit!
You wrote the scenario of Dusty Rainbow from the dark with Sara Genn, pintor and singer, which story are telling?
I met Sara in 2007, it is someone with whom I hooked on from the beginning. I knew that we had much affinity about this universe and I was convinced that it was the person with whom I could start this work. Everything was made, I just neede someone who respect the writing code of the tale and I do not feel attack at all for that.
What is the story?
There are two manners to answer. It is an allegory about the power of music evocation, but in fact it is just the story of a child, a little bit introverted who spend a lot of time in his room, for whom music is a real way-out. His mother has conscience that music represents a lot for him. One day, he sees a rainbow and asks to his mother what is it; when his mom is going to explain him she has fun to tell him a story to help him thinking what is music for him. The aim is to clear up what music represents for each author in the imaginary and daily. We all had some stories, some madeleines de Proust, childhood souvenirs that you kept and I like this idea of thinking that the narrator who tells the tale is the child who became an old man who crossed the life and that for whom music stayed an engine daily. Instead of saying, I need music to escape; he kept as a childhood souvenir “I am searching my Dusty Rainbow” because it is also a souvenir of his mother.
It has to do with you?
If you have asked me the question last year, I would answered: “Yes there is something but it is not quite autobiographic”. Objectively, when I go back – I am not going to do some psychoanalyses – but when I am reading me, yeah you can say that there is something with me.
It is a back of childhood, quite nostalgic, which is reinforced by music instruments on scene, what roles have the instruments in your concept?
It is an organic relationship compared to the scene. On the disc, I really has done everything with samples but the samples are instruments, it stays matter. On scene, it is a real pleasure, a re-reading. It is different, there is a thing which is from the agreement, there is something, you are with musicians, you give them matter. The arrangements are different, stuffs move from one evening to another one.
Do you think that is stronger?
Yes. (…) I am not considered myself as an electronic musician because it depends on what you put behind or we can include everything and then I am agreed. It is so different, I has a sensibility that will make me thinking that I will prefer certain stuffs but after I can understand a guy who is alone behind his machines and sends a crazy energy. I won’t say that he doesn’t care about people! Then, it is very very rare that I am touched by a guy behind a laptop – I don’t say this in a bad way - it is just that is obscure for me and this not touch me directly because culturally I come from more Hip Hop so I need a proximity. The first time I made a date in 2004, I asked for a micro and the guy asked me “What for?” to talk to people! “But I believed that you’re going to mix?” but people came to see me! You know, I went out from ten years of Rap. On scene it arrives that I made sets but I missed a dimension.
It is over for you, old-style beats for rappers?
I am surrounded by rappers so they don’t stop to ask me “When do you leave it there?”. I have been around, I love to do tracks like that. But today, making a complete album in beatmaker, I don’t that I will enjoy. I say that now but you know I can change my mind tomorrow! The important is that I enjoy.
Global question, what influence the most in your music?
It is much movies, but also the daily. Daily because it is not literal. It is spontaneous, there is this event so I react. You see, for instance, the previous album called In the mood for life, I remind sometimes I had some confusions. I had a big paper that said I was very jolly because the title was very positive. He saw me like Charles Trenet! And I told me but it is not true! Maybe I wasn’t clear! But In the mood for life means a fighting mood for this daily. It helps me to send energy on my disc because there are stuff that annoyed me and I managed to do something, but today I take distance.
Talking about vinyl’s, what was your first one?
Rock It by Herbie Hancock, 1983. It is a big one. It was the first wave of Hip Hop, before knowing what it is, it was more a trend in reality, it lasted six month in France. It was fun because at the beginning, there were a lot of commercial shit of whatever you want; but Rock It is a real classic. Herbie Hancock offered an international showcase at scratch whereas nobody knew what it was. At eight years, I started to scratch, as probably a lot of children, but messy on turn tables. He was a big man of Jazz who invited Grandmaster DST to scratch on scene and everybody talked constantly.
Your favorite one?
A collector edition of Eric B & Rakim that I have been bought twenty years ago and payed ten franc at Gilbert Jeune.
What difference do you see between Electro French scene of the 90’s and the currently one?
It is super simple; we passed from something very closed to something very opened where everything is mixed! It is hyper enjoyable. I am not saying that there are no nuances, people make different stuffs but they don’t look anymore daggers saying “You, you are in an other family music!” In Hip Hop at the beginning of the 90’s, Electro was representing a mad trance of Techno, rockers were old barbed. Today, that means nothing. All is mixing, in Rock someone uses Electro, in Electro others take MC, it is super cool.
You have travelled everywhere in the world, what is your best memory in a foreigner country?
Hard. I loved – in an exotic side – the Chile tour. Otherwise I loved India also because it is a real cultural choc.
Your worst?
I can’t say that! The worst souvenirs come under a technic problem. For instance, in UK, a concert in Birmingham had been cancelled because of an Electro problem. We took back eight times and cancelled eight times.
Come back to your music, when I said “Wax Tailor” at Tiphaine she answer directly: “Que sera?!”. All the universe of your first album Tales of the Forgotten Melodis (2005) is building on movies lyrics, which filmmaker inspires you the most?
(laughs) I would say Stanley Kubrick, not because of the dialogues but because he was a master of demand. It is a global relation. I could say that he is the most influential artistic of my work. Demand in all of its terms, that is to say he was someone that never gave up, who was obsessional, who had a level of demand which was incomparable.
Your favorite film music?
Bullit by Lalo Schifrin, because it is amazing. It is the atmosphere of san Franscico, the cooltitude of Steve McQueen. I love this movy, there is everything in.
Cédric Klapisch choose Seize the day for music film of Paris, which whom filmmakers would you like to work?
In the best word with Tarantino.
A.G.