La mort de Fred, le célèbre papa de Philémon, n'est sans doute pas étrangère au choix de ma thématique cette semaine. En effet, j'ai décidé de me confronter à la aussi subtile que délicate notion de deuil. Au programme, une comédie (Queen of Montreuil) et deux thrillers (Effets Secondaires, Dead Man Down).
Dans ces trois films, il est plus précisément question de l'importance capitale que peuvent revêtir les rencontres post-deuil, qu'elles soient réparatrices comme chez Solveig Anspach et Niels Arden Oplev ou destructrices, ici chez Steven Soderbergh qui livre d'ailleurs son ultime film si l'on en croit ses dires – un autre deuil à ajouter ma déjà longue liste donc.
L'aussi inconstant que surprenant Soderbegh et la fantaisiste Solveig Anspach ont-ils su créer la surprise et détrôner le favori de ce match, j'ai nommé, Niels Arden Oplev aka le réalisateur de l'émérite Millénium ? Verdict ci-dessous ! Mais auparavant, j'en profite pour vous signaler que vous devrez vous passer de mes lumineux (si si !) conseils la semaine prochaine. Et pour cause, je serai à Barcelone pour assister au match qui opposera le Barca au PSG. Et là, c'est le choc. Oui, je suis supportrice du PSG (et grande amatrice de sport, de manière générale). En espérant que vous me pardonnerez cet impair (dont je suis très fière, au demeurant).
- Queen of Montreuil (Solveig Anspach)La rencontre fortuite mais thérapeutique entre Agathe, nouvellement veuve, Anna et Úlfur, deux islandais aussi extravagants qu'envahissants, et les habitants de Montreuil. Un capharnaüm résolument optimiste – bien que teinté de mélancolie –qui évoque la difficulté à se reconstruire après un deuil et plus largement la notion de déracinement (identitaire, national etc). Si l'idée de départ – un melting pot réparateur – est séduisante, l'ensemble est malheureusement galvaudé par le récit, qui est complètement décousu,la mise en scène, qui est, elle, apathique et usuelle et le jeu des acteurs enfin, soit fade (Florence Loiret-Caille, Samir Guesmi, Eric Caruso) soit immodéré (Didda Jonsdottir). Ces défauts sont d'autant plus regrettables que la réalisatrice fourmille de bonnes intuitions comme l'intrusion dans ce joyeux bordel d'un phoque qui, chez les Islandais, est le réceptacle d'un mort et symbolise donc la réincarnation ou encore le brassage culturel consacré dans ce film qui dresse un bel éloge, même si très politiquement correct, de la fraternité. Enfin l'originalité excessive (forcée ?) du récit sonne malencontreusement faux et dessert cette vision pourtant sincère d'un vivre ensemble. En résumé, un conte cosmopolite et lou-phoque malheureusement pas abouti.
En deux mots : décousu et léthargique.Le petit plus : Queen of Montreuil réunit deux personnages (le duo islandais) déjà présents dans Back Soon, un autre film de Solveig Anspach et constitue en cela une forme de suiteN'hésitez pas si :
- vous appréciez les histoires saugrenues ;
- quel qu'en soit le traitement, deuil et melting-pot vous intéressent ;
- vous recherchez une comédie qui vous fera rire du début à la fin ;
- vous aimez les mises en scène énergiques ;
- les précédentes réalisations de Solveig Anspach vous ont laissé de marbre (Queen of Montreuil se situe dans le même registre donc je doute que, subitement, vous vous mettiez à y adhérer) ;
- Effets secondaires (Steven Soderbergh)Une spirale médicale vertigineuse qui relate les diverses tentatives d'un psychiatre ambitieux (Jon) pour soigner la dépression d'une de ses patientes (Emilie) et qui, simultanément, entraîne le spectateur dans le dédale de l'esprit humain. En dépit de quelques longueurs, Soderbergh livre ici un thriller d'une efficacité redoutable : la sobriété du montage et l'élégance de la mise en scène servent un scénario diablement maîtrisé aux virages inopinés. Naturellement, cette autopsie de l'âme humaine est l'occasion de révéler les faux semblants qui s'y rattachent. La tension psychologique, présente du début à la fin, repose ainsi sur l'incertitude constante dans laquelle nous plonge les personnages – dans ce troublant univers gangrené par l'argent, difficile en effet de savoir qui est le bourreau –et la bande originale angoissante composée par Thomas Newman. En résumé, une plongée dantesque dans l'univers de la médecine et des laboratoires pharmaceutiques quirepose sur les prestations exceptionnelles de Jude Law et Rooney Mara et révèle les dérives de l'âme humaine avec une intelligence rare.
En deux mots : fascinant et angoissant.Le petit plus : pour son pénultième (c'est toujours une grande fierté quand je réussis à caser ce mot) film, Steven Soderbergh souhaitait travailler en territoire connu et a donc réuni des acteurs avec lesquels il a déjà collaboré par le passé : Jude Law jouait par exemple dans Contagion, Catherine Zeta-Jones, dans Traffic et Ocean's Twelve, quant à Channing Tatum, il tenait le rôle titre de Magic Mike. Enfin, il remet également le couvert avec Scott Z. Burns, qui était le scénariste de Contagion.N'hésitez pas si :
- vous aimez les thrillers psychologiques ;
- l'univers de la psychiatrie (ses patients, ses liens avec l'industrie pharmaceutiques etc) vous intéresse ;
- vous ne connaissez pas Steven Soderbergh (c'est le moment ou jamais puisqu'il signe là, selon ses dires, son dernier film) ;
- vous n'aimez pas les scénarios hitchcockiens ;
- les mises en scène sobres vous ennuient profondément (permettez moi de soupirer !) ;
- vous aimez les films d'action qui mélangent les genres (romance, thriller, comédie) ;
- revanche et rédemption constituent vos thémes fétiches ;
- le tandem Noomi Rapace/Colin Farrell vous intrigue (je vous confirme qu'il fonctionne à merveille !) ;
- vous ne supportez pas les scénarios improbables ;
- vous attendez la même puissance émotionnelle et psychologique que Millénium, premier succès international de Niels Arden Oplev (la déception vous guette) ;