Cette semaine, pas de thématique à proprement parler si ce n'est peut-être celle de l'évolution. En effet j'ai décidé d'aller voir deux films qui, d'une certaine manière, traitent de la métamorphose des êtres dans le temps (celle des hommes préhistoriques avec Les Croods et celle du mâle immature avec Les Gamins).
Enfin je n'ai pas pu passer à côté du retour du grand Wong Kar-Wai (que j'affectionne tout particulièrement, que dis-je, que je vénère !) qui, avec The Grandmaster, retrace le cheminement du kung-fu dans une Chine déliquescente. Une sélection tout public donc avec un film d'animation pour les petits et les grands, une comédie pour les ado/adultes sensibles à l'humour de Max Boublil et un chef d'œuvre (oui, inutile de peser mes mots !) pour les cinéphiles esthètes.
- Les Croods (Chris Sanders et Kirk DeMicco)Les sympathiques tribulations d'une famille préhistorique contrainte de quitter son home sweet home (une caverne) et ainsi, au gré des rencontres et multiples épreuves, d'évoluer. En somme, cette relecture des Pierrafeux qui explore les valeurs familiales et tente entre autres d'expliciter le conflit Œdipien entre père et fille est on ne peut plus classique, toutefois, elle condense avec une certaine hardiesse le cheminement vers la Protohistoire (modification de l'habitat, nouvelle socialisation etc), auquel s'ajoute pléthores de petites trouvailles fantaisistes (invention de l'appareil photo, du parapluie, des chaussures...). Si les personnages qui composent ce clan de Cro-Magnons souffrent d'un manque d'originalité et que, accessoirement, l'héroïne (re)consacre le règne des rousses dans les nouvelles productions cinématographiques, Croods se distingue en revanche grâce à son visuel éminemment inspiré : les diverses représentations de la flore sont par exemple absolument divines, quant au bestiaire, il s'avère étonnamment inventif. En résumé, une odyssée préhistorique moins pénétrante que les dernières pépites de DreamWorks, inégalement drôle mais truffée de bonnes idées. À noter également, un film d'animation graphiquement réussi où la 3D est utilisée à bon escient– c'est assez rare pour être souligné
En deux mots : dynamique et ingénieux.Le petit plus : après avoir doublé Stitch dans Lilo & Stitch, Chris Sanders (le réalisateur) remet le couvert avec Les Croods dans lequel il prête sa voix à un discret mais décapant paresseuxN'hésitez pas si :
- vous aimez les films d'animation qui traitent du noyau familial ;
- le macrocosme crée par James Cameron dans Avatar vous a enchanté (la flore et la faune des Croods sont tout aussi belles et inventives) ;
- vous êtes team DreamWorks (leur dernier rejeton s'inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs, vous ne devriez donc pas être déçu) ;
- vous recherchez un film d'animation hilarant ;
- les intrigues classiques et prévisibles vous agacent ;
- votre cinéma ne propose pas le film en VO (à vous de voir hein mais vous devrez supporter les voix de Kev Adams ou encore Bérengère Krief au lieu de celles de Ryan Reynolds, Nicolas Cage, Emma Stone ou encore Cloris Leachman, la Maw Maw de Raising Hope !) ;
- The Grandmaster (Wong Kar-Wai)Présentée à tort comme une énième biographie d'Ip Man – célèbre pour avoir été le mentor de Bruce Lee –, The Grandmaster est en réalité un drame historique et romantique. Wong Kar-Wai retrace en effet la dégénérescence du kung-fu en Chine et, plus largement, la fin d'un âge d'or, suite à l'invasion japonaise. The Grandmaster brosse donc un portrait mélancolique mais sublime de l'empire du milieu qui révèle, à travers la vie de grands maîtres de kung-fu (Ip Man et le wing-chun, Gong Er, d'ailleurs brillamment interprétée par Zhang Ziyi, et le bagua) l'oubli des traditions et la décadence progressive d'une civilisation. Si l'on peut blâmer la construction anarchique du film, qui génère des ellipses inconfortables pour qui n'a pas un doctorat en histoire et qui, en conséquence, peut rendre la compréhension difficile, Wong Kar-Wai parvient toutefois à compenser cet handicap avec une somptueuse mise en scène dont émane toute l'essence et l'émotion nécessaire. Sublimée par une bande originale variée (musique d'Orient et d'Occident), la photographie est en effet impeccable et les séquences de combats, à couper le souffle tant l'esthète qu'est Wong Kar-Wai magnifie chaque mouvement et surtout, chaque sentiment. En résumé, une ode monumentale – presque philosophique je dirais – aux diverses écoles de kung-fu mais également un ballet cinématographique sur le poids de l'Histoire et de l'héritage où la virtuosité esthétique l'emporte sur la narration avec brio.
En deux mots : complexe et sublime. Le petit plus : peut-être l'ignorez-vous mais Wong Kar-Wai est un grand perfectionniste. The Grandmaster a ainsi mis 10 ans avant de voir le jour. De même, la première scène du film (celle sous la pluie) a été tournée pendant plus d'un mois, à raison de 15 heures par jour (!).N'hésitez pas si :- vous êtes fan de Wong Kar-Wai (c'est ce qu'on appelle "avoir du goût", dit-elle en toute objectivité, hum) ;
- l'évolution des arts martiaux dans une Chine moribonde vous intéresse ;
- vous appréciez tout particulièrement les films esthétiques (l'orgasme visuel est inéluctable avec Wong Kar-Wai) ;
- vous attendez un film d'action sur les arts martiaux (c'est du Wong Kar-Wai enfin, pas du John G. Avildsen !) ;
- les scénarios elliptiques et confus vous insupportent ;
- vous affectionnez tout particulièrement l'humour de Max Boublil ;
- dans Bref vous étiez fan de Kheiron (il hérite d'un des meilleurs rôles dans le film) ;
- vous aimez Iggy Pop (je n'en dis pas plus !) ;
- vous n'aimez ni les romcoms ni les buddy movies (ne figurant pas à mon sens parmi les meilleures du genre, celle-ci ne risque pas de vous faire changer d'avis) ;
- les thèmes abordés (la crise de la cinquantaine et la crainte de l'engagement) ne vous intéressent pas ;
- vous êtes féministe (auquel cas il y a fort à parier que la misogynie ambiante du film vous débectera) ;