Ce soir, je me suis arrete dans un petit munshuku, qui ressemble a une chambre d hote en plus modeste, peu apres le 10e temple du parcours apres une belle premiere journee de marche sur ce chemin des 88 temples.
La journée démarre assez tôt, malgre un sommeil très peu réparateur. Je n'ai pas encore digéré le décalage horaire et hormis la nuit précédente ou trop fatigue j'ai presque bien dormi, je n'arrive guère a m endormir avant tard. J ai du trouver le sommeil vers 2:30 et comme ma chambre donne directement sur les voies, les premiers trains m ont réveillé avant sept heures. Si l ambiance sonore semble tres calme au Japon, surtout au vu de la densite de population, les trains, eux, y sont bien bruyant! Cependant j'aurai pu rester a somnoler davantage. Quand je sors dans la rue a sept heure, rien n est ouvert. Le prochain train pour se rendre au temple numéro 1, mon point de départ, est a 8:30. A l'ouverture du starbucks local (pour une fois je ne fais pas japonais, mais après tout ce genre d établissement fait aussi parti du paysage), je prends donc un petit déjeuner qui ne me réveille pas encore tout a fait.
Le temple de Ryozenji, qui inaugure le circuit et mon voyage se trouve a une petite demi-heure de train. Quelques pèlerins figurent parmi les passagers. La plupart sont japonais et portent déjà l habit traditionnel de rigueur. Veste blanche, chapelet de tissu de couleur et un gros bâton en bois orne d idéogrammes. Je n'ai encore l air que d un touriste classique, surtout que j ai garde mon pantalon de randonnée noir ce matin. Seul mon sac a dos peut trahir mes intentions.
Dans ce wagon se trouve aussi une française avec laquelle j engage naturellement la conversation juste avant l arrêt. Sylvie, infirmière en chef près de Lyon mais originaire de Belledone et qui connait très bien Aix et Chambéry, vient au Japon pour la sixième fois. Le pays la fascine et elle y revient souvent depuis son premier voyage. Cette fois ci, elle vient pour la première fois seule, sans mari ni enfants. Un peu d appréhension pour elle, mais on ne peut pas dire que le pays présente un grand danger humain. Tout le monde ici semble au contraire prévenant et attentionné a l egard de l étranger. Je n ai pas non plus noté aucune manifestation d impatience ou de mécontentement chez quiquonque depuis mon arrivée. La vie semble couler doucement, ce qui n empêche bien sur pas les japonais d être très actifs.
Sylvie, qui reste cette fois une dizaine de jours au Japon, a prévu de visiter-a pied bien entendu- les cinq premiers temples, qui restent aussi les plus fréquentes par les japonais. Comme je n'ai de toutes façons pas prévu un immense périple aujourd'hui afin de me mettre en train tranquillement et que les distances entre chaque temple sont relativement courtes, nous décidons de parcourir ensemble ces cinq premiers sanctuaires.
Après une première courte marche, et après avoir un peu cherche notre chemin, nous arrivons au portail de ce premier temple. Il est, comme le seront tous les autres temples que je croiserai aujourd'hui, bien garde. Deux statues a l allure martiale, les kongos rikichis, tiennent en effet les esprits malins a l écart. Quand on rentre dans l enceinte du temple, tout en effet respire le calme et la sérénité. Le temple principal, bordé d autres petits temples et de statues, se dresse au milieu d un jardin étudie ou la nature domestiquée dégagé une belle impression d harmonie. Le bassin ou nage d énormes carpes cois complète ce tableau idyllique. Et c est vrai que l'on s y sent bien.
Nous faisons halte dans la boutique du premier temple, ou la majorité des pèlerins s équipent pour leur voyage. Par respect, également car je souhaite être a ma manière un pèlerin ici, enfin car on me l a conseillé pour une meilleure communication avec les autres pèlerins et la population de Shikoku, je fais l acquisition, auprès d un moine, d une veste de coton blanc et d un collier de tissus, que je vais donc revêtir pour le reste de mon voyage. J achete également un beau carnet destine a recevoir les fameux timbres et calligraphies distribues (enfin moyennant financés) dans chaque temple. Les 88 sites y sont joliment dessinés. Comme les moines ne perdent tout de même pas ici un certain sens du commerce, cela écorne assez largement mon budget du jour, mais il est vrai que j ai fait jusqu a présent plutôt des économies par rapport a ce que j avais prévu. Et puis en plus, l ensemble est beau. A la sortie du temple, un groupe composée d enfants et dames d un certain âge nous offre très gentiment des petits sacs de friandises, a offrir au bouddha ou pour notre consommation personnelle, je ne sais pas...
Me voici donc pare pour le pèlerinage. En cette matinée ensoleillée, le début de mon aventure se déroule bien tranquillement. Nous marchons d un bon pas, avec Sylvie, dans un decor bien agréable. Les collines boisées sont tout près mais nous cheminons a travers les villages et la péri urbanité de Tokushima. De belles maisons, parfois grandes, dans un style japonais traditionnel, sont entourées de jardins typiques. Tout y est parfaitement agence. L ambiance générale est la encore très calme. Le printemps est plus avance qu en France et les fleurs sont de sortie.
Nous atteignons vite le 2ème puis le 3ème temple, a la fois différents et semblables par l'impression dégagée. En chemin, nous devisons de nos vies, passées et présentés, du Japon et de pas mal de choses. Je suis heureux de ce début de route partage. Un entrée en douceur dans ce voyage solitaire. Pour Sylvie, la cinquantaine active, divorcée depuis peu et mère de trois enfants "déjà grands", ce voyage est aussi une bonne respiration dans un quotidien bien rempli. Elle me pose pas mal de questions, même sur le port de cette barbe fournie... Je lui réponds plus ou moins évasivement. Un rempart pour mettre les autres a bonne distance? Peut être...
Le chemin n est pas toujours très bien indiqué et ces zones périurbaines sont souvent les plus propices aux égarements. Le marquage, un peu irrégulier mais présent, consisté principalement en de très discrets autocollants, les mêmes que j avais vu en "publicité" pour Shikoku sur le St Jacques. Nous passons ainsi d abords devant le temple 5. Il nous faut remonter ensuite un peu pour trouver le 4, ce qui consiste cependant plus ou moins a un aller retour même par le meilleur chemin. Mais il aurait été dommage de le laisser de côté.
Après notre cinquième visite, je laisse Sylvie reprendre le bus vers Tokushima. Le retour n est pas loin pour elle. Pour moi, ce n est bien sur que le début du voyage.
Comme les cinq premiers temples se prêtent vraiment bien a la découverte touristique et qu ils sont réparties sur une grosse quinzaine de kilomètre, j ai encore pas mal de chemin a faire cet après midi si je veux atteindre plus ou moins mon objectif du jour, que je sais être assez variable. Je ne connais en effet ni le terrain ni les distances très exactes. En outre, sous un ciel un peu voile mais lumineux, il fait chaud, au moins 25 degrés, et ma forme n est pas encore optimale: un sommeil peu régulier, quelques soucis intestinaux, mes jambes ne sont pas encore a plein régime. Mais je ne veux surtout pas trop forcer d entrée.
Cependant, je me sens bien. Pas encore tout a fait en train, mais bien. Comme sur le Saint-Jacques, un an auparavant, je me sens parti pour un grand voyage a pied. L environnement reste aimable, les zones plus sauvages m attendent plus loin, mais je sais que le voyage sera beau et long, pas exempt sans doute de surprise et de quelques peines, mais dans un univers qui il me semble saura abriter mes efforts et mes pas. Dans les temples suivants, je rencontre d autres pèlerins. Nous nous saluons gentiment, il ne semble y avoir aucune gêne a ce qu un européen effectue ce trajet. Un homme tout de blanc vêtu, m indique même en anglais le trajet pour me rendre au temple suivant. Il est vrai que le temple 8, tout comme le 10, nécessite un petit aller- retour et une bonne grimpette de marche d escalier .
Mes pensées sont positives. Je retrouve avec plaisir l ambiance de ces grands chemins, ce sentiment que mes pieds peuvent m emmener si loin et me permettent de vivre de si belles expériences. Je pense aux amis qui m ont permis d entreprendre ce périple. Mehdi, Marc, Cyril, Myriam, Alexandre, Charlie, Bruno, qui ont particulièrement soutenu mon projet et a tous les autres aussi.
Une pensée aussi pour mes bons parents. Ce pays, cette ambiance sonore feutrée et ce calme plairait beaucoup a mon père. Il semble régnait ici une harmonie proche de celle d une composition de Mondrian.
Je traverse, en rejoignant les trois derniers temples, une zone plus agricole et un peu moins intéressante. Mais les temples eux sont toujours un ravissement. Le dixième se mérite toutefois: situe au sommet d une colline, il faut grimper une grande volée de marche pour l'atteindre. Au moins 800, mais je n ai pas compté. Le panorama est beau devant le temple pagode qui domine la Vallee.
En redescendant, comme il est 17:00 et que mes jambes sont tout de même un peu fatigués, je décide de faire étape dans le village. Après tout j ai finalement parcouru un peu plus de 40 kms aujourd'hui, sous la chaleur. Le sol etait pratiquement toujours asphalte, ce qui embeterait beaucoup mes amis trailer. dans cette variete et cette decouverte, ca ne m a pas grop gene mais mes jambes le ressentent tout de meme. C'est suffisant pour commencer.
Je trouve un petit minshuku tout ce qu il y a de traditionnel. La chambre est grande, notamment meublée d une télévision antique qui exige une pièce de 100yen pour fonctionner! Le Japon n est pas toujours un pays d hypermodernite!
Après le dîner, je discute, enfin nous essayons, avec la patronne, qui semble la seule occupante des lieux. Cette japonaise d une soixantaine d année ne parle bien entendu pas un mot d anglais mais grâce a mes petites fiches de conversation nous arrivons a échanger un peu. Le dîner est bon, compose de plats uniquement sales comme le sont les repas traditionnels japonais. Je réserverai le sucre pour la journée. J'ai omis de déjeuner aujourd'hui mais comme de nombreux distributeurs de boissons parsèment les rues je me suis bien hydrate et cela m a semble suffisant. Demain je vais poursuivre mon chemin de bon cœur !