Assouplir les règles de résiliation des assurances : opportunités ou boîte de Pandore?

Publié le 17 avril 2013 par Damienamselem

Benoit Hamon a annoncé fin mars dans l'Argus de l'assurance son intention de réformer le cadre juridique qui régit actuellement les résiliations des contrats d'assurance. Pour l'instant, le projet de réforme annoncé ne concernerait que les assurances automobiles et habitation, (je reviendrai en fin d'article brièvement sur la question des assurances santé).

Réformer les procédures de résiliation

Présenté a priori comme une action en faveur d'une baisse des tarifs, cette réforme pourrait permettre si elle est adoptée, de rendre caduques les dispositions actuelles applicables à ces contrats (certaines dispositions de la la loi Chatel en particulier) et permettraient aux assurés de résilier à tout moment leur contrat.

La solution a un marché jugé comme manquant de fluidité

D'après le ministre, une telle mesure introduirait plus de fluidité dans un marché jugé à la limite du captif, tant le taux de rotation des assurés est faible. A l'appui de ces déductions - selon lesquelles  un assouplissement des règles en faveur d'un turn-over accru - permettrait de faire jouer davantage la concurrence, Benoit Hamon met en avant l'exemple hollandais  ou une mesure similaire a eu un impact à la baisse sur les tarifs,
selon lui "La France serait bien le seul pays où davantage de fluidité sur le marché aurait pour conséquence une hausse des tarifs!"

Le contre-exemple anglais

Mais on pourrait citer comme contre-exemple le cas anglais ou les résiliations sont possibles à tout moment et où les montants des primes d'assurances sont beaucoup plus élevés qu'en France. En Angleterre, les comparateurs sont arrivés aussi beaucoup plus tôt dans le paysage de l'assurance, et contre toute attente, n'ont pas franchement contribué à une baisse des tarifs.

Les arguments des mutuelles et compagnies d'assurances

Pour les mutuelles d'assurance, le raisonnement du ministre serait un raisonnement à courte vue : pour les dirigeants interrogés par l'Argus, le turn-over non seulement n'induira pas de baisse des tarifs, mais a contrario, l'augmentation des frais de gestion sera au final reportée sur les assurés qui seraient donc les perdants.

L'autre question , c'est bien sûr de savoir combien coûtera aux assurés leur résiliation : En Angleterre par exemple ils doivent s'acquitter de frais qui peuvent être élevés s'ils résilient en dehors de la fenêtre standard de résiliation,  en sera-t-il de même en France?

Le risque de surcouts induits par la concurrence agressive

On peut craindre aussi (interprétation personnelle) une plus forte pression des offres ultradiscount à "prix cassés" dont les garanties seront revues à la baisse. La tentation sera forte en effet avec une mobilité plus grande du parc d'assurés, de récupérer ainsi les clients des autres. Nul doute dans tous les cas que la concurrence sur le plan du marketing sera encore plus sauvage, avec une augmentation de certains coûts publicitaires (qui représentent déjà une part non négligeable des dépenses des assureurs).

Le risque lié à la nature des risques

Par ailleurs, l'assurance n'est pas un produit comme un autre : L'autre risque que peut induire une plus grande pression sur le parc des assurés et sur la concurrence, c'est le risque de segmentation accrue : les assureurs "agressifs" commercialement tenteraient alors d'attirer le "bon risque" via des offres alléchantes, tout en laissant donc les assureurs moins agressifs avec une plus grande part de mauvais risque dans leur porte-feuille, ce qui induirait mécaniquement une augmentation des tarifs... C'est déjà ce qui se passe, disons que la tendance serait encore accentuée. Après tout est question de mobilité des profils d'assurés, les bons risques sont ils a priori plus fidèles que les mauvais risques?

Conclusion : pourquoi ne pas opter pour une voie médiane?

On se demande pourquoi Benoit Hamon n'a pas tout simplement, assoupli le régime de résiliation annuel, en imposant par exemple aux assureurs (et aux courtiers!) qu'ils mettent en place des procédures pour que la résiliation soit plus simple pour les assurés : en fournissant par exemple la possibilité de résilier en ligne pour la période d'échéance du contrat (on attend aussi avec impatience de telles mesures pour l'assurance santé).
Au bout du compte, Benoit Hamon se dit confiant, insistant notamment sur le fait que les  acteurs de l’économie sociale et solidaire (il inclut de toute évidence les mutuelles d'assurance dans cette catégorie) sauront tirer leur épingle du jeu, mais n'est-il pas quelque peu angélique?

Le cas à part des assurances santé

Le cas des résiliations pour les assurances santé mériterait lui aussi d'être assoupli (du moins pour une résiliation annuelle à l'échéance). En effet il s'agit là d'un cadre un peu particulier : de nombreux contrats vendus aux particuliers hors du cadre de l'entreprise sont en fait des contrats de groupes pour lesquels ne s'applique pas la loi Chatel, (il faut en plus de résilier auprès de l'assureur, démissionner d'une association )
ce qui transforme l'étape de résiliation en véritable parcours du combattant pour certains assurés ( lire les commentaires du billet suivant sur ce sujet : http://informationcomplementairesante.20minutes-blogs.fr/archive/2009/12/17/resiliation-de-mutuelles-savoir-utiliser-la-loi-chatel.html). Pourquoi Benoit Hamon ne s'est-il pas exprimé sur le sujet?