L’attentat de Boston est d’une horreur absolue. On ne saurait penser autrement. Les responsables sont au plus haut dans l’échelle de l’immondicité et de la lâcheté. Souhaitons qu’il soient rapidement arrêtés et durement jugés.
Cela dit, au delà de cette évidente banalité, il faut constater comment la couverture médiatique de ce crime est sans aucune mesure avec la réalité du terrorisme dans le Monde. Début mars, deux attentats ont fait le même jour 18 morts dont 8 enfants en Afghanistan, une nouvelle vague d’attentats a fait au moins 50 tués au total et près de 300 blessés lundi matin en Irak et pourtant, qui en a entendu réellement parler?
Un site interactif créé en 2008 par l’Université de Maryland permet de voir l’ensemble des données relatives aux« incidents terroristes »survenus dans le monde depuis 1970 permet ainsi de consulter des graphiques, affinés selon le pays visé ou l’attaque employée . La base couvre, à ce jour, la période allant jusqu’à 2011, soit une quarantaine d’années d’actes terroristes référencés.
Les Etats-Unis sont le 16ème pays le plus impacté sur son sol par le terrorisme (2347 « incidents »), loin derrière la Colombie (7180), l’Irak (6475) et l’Inde .
Cet ethnocentrisme traduit par une couverture médiatique exacerbée d’un coté et quasi silencieuse de l’autre est d’autant plus choquant que ce sont nos démocraties qui pour des raisons de géopolitiques ont en très grande partie créé, armé et continuent à le faire directement ou indirectement et entretiennent des mouvements terroristes à travers le Monde, en particulier Al Qaïda, façonné de toutes pièces par les Etats Unis. (cf les excellents documentaires « One » et « Le pouvoir des cauchemars » en ce sens).
Jean-Loup Izambert, dans “Crimes sans Châtiment”, démontre parfaitement par ailleurs comment de 1990 à 2012, de l’Algérie à la Syrie, la confrérie des Frères musulmans a reçu le soutien de Paris dans ses coups d’Etat contre les pays du Bassin méditerranéen.
De plus, pour ce qui est des Etats-Unis, pour peu que les auteurs de l’attentat soient des extrémistes ou soit un psychopathe illuminé, cela ne fera encore une fois que démontrer l’énorme contradiction entre la vente libre d’armes, du simple pistolet au bazooka en passant par les fusils mitrailleurs, et la sécurité des personnes.
Sans parler, bien au delà des politiques de déstabilisation de certains Etats par le terrorisme, des conflits et du chaos provoqués ci et là afin de s’accaparer des ressources naturelles indispensables à notre mode de vie. (voir les exemples de l’Allemagne, de la France au Mali, du projet Désertec).
Toujours selon Jean-Paul Izambert, »…les dirigeants occidentaux ne se contentent pas de franchir la ligne jaune entre la guerre et la paix. Le fait est acquis qu’ils déclenchent des conflits en bafouant la souveraineté des peuples, en piétinant la Charte des Nations Unies, ses résolutions comme les conventions internationales. Les guerres ouvertes contre la Libye puis contre la République arabe syrienne font suite à celles déjà enclenchées dans des conditions similaires contre l’Afghanistan, l’Irak, la République fédérative de Yougoslavie et plusieurs pays d’Afrique dont la Côte d’Ivoire ou le Mali. Elles témoignent de la volonté des dirigeants des mêmes pays occidentaux – USA, Angleterre et France en principal – de passer outre le droit international pour piller les richesses des peuples, contrôler les grands axes de communication qu’ils jalonnent et y installer des régimes militaro-financiers. Ils bénéficient dans ces nouvelles guerres coloniales du soutien peu flatteur des dictatures pétro-religieuses du golfe Persique et de l’intervention du Fonds monétaire international. L’embargo contre la République islamique d’Iran afin d’empêcher son développement et d’y provoquer des troubles en est un autre exemple. Ces crimes sont prémédités, planifiés, discutés entre princes et sont le fait des mêmes Etats, tous membres de l’OTAN. Autre élément important : ils sont restés sans châtiment, sans réplique, tant sur le terrain politique, diplomatique, économique que militaire, du moins pour le moment »
Les 2500 morts assassinés dans les Tours Jumelles en 2001 ont donné lieu à une prétendue guerre de justice qui a causé et continue de causer des dégâts humains considérables en Irak sans aucune mesure avec l’attentat qui l’a officiellement déclenché. Selon l’UNESCO, entre 1991 et 2003, un million d’Irakiens, dont la moitié étaient des enfants, ont perdu la vie suite aux sanctions économiques imposées au pays. Cela n’était que le prélude. Entre l’invasion étasunienne en mars 2003 et mars 2013, 1,5 million d’Irakiens de plus ont été tués.Le nombre de personnes disparues est actuellement estimé entre 250.000 et plus d’un million. Pour les seules familles expatriées, presque 100.000 enfants sont portés disparus. L’invasion et l’occupation qui a suivi ont été à l’origine d’une des plus grandes migrations de peuples provoquée par un conflit dans l’histoire du Moyen-Orient.Un rapport de l’ONU datant de 2008 rapportait 2,8 millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Irak. La Croix Rouge irakienne rapportait, en juillet 2007, qu’au moins 2,5 millions d’Irakiens avait fui à l’étranger. Au total, il s’agissait donc de 5,3 millions de réfugiés sur une population de 31 millions, soit une personne sur six.Parmi ces réfugiés en Irak, 80% sont des femmes et des enfants de moins de 12 ans.
Les Américains revanchards qui ont appelé à la vengeance alors que la poussière due à l’écroulement des tours ne s’était toujours pas dissipée ont vite oublié les abominations commises par l’impérialisme américain depuis la fin de la seconde guerre mondiale, au nom de la démocratie et de la liberté.
Le « Tous américains » de Jean-Marie Colombani paru à la une du journal « Le Monde » au lendemain de l’attentat du 11 septembre 2001 se relève ainsi au regard des chiffres, d’une flagrante stupidité et apparaît comme le comble de cet ethnocentrisme. On attend encore son « Tous Irakiens ».
Le domaine du terrorisme n’est cependant pas seul à mettre en évidence cet ethnocentrisme de notre société.
La pandémie actuelle de grippe aviaire en Chine par exemple, nous inquiète non pas pour le nombre de morts qu’elle provoque ou qu’elle risque de causer mais parce qu’elle risque de s’étendre à nos contrées. Soyez assurés que si la pandémie se cantonnait au territoire de la Chine par le même miracle qui a fait s’arrêter le nuage de Tchernobyl aux frontières de la France, les médias occidentaux comme nous-même, nous moquerions comme d’une guigne des décès qu’elle provoquerait et cela créerait aussi peu d’émotion chez nous que les morts actuels de la faim (2,5 millions d’enfants de moins de 5 ans par an), de la simple dysenterie (2,2 millions de morts chaque année) ou le paludisme (650 000 morts en 2010) par exemple.
Dans un tout autre registre, la polémique née à la suite de la mort de trois surfers tués par des requins à la Réunion en 2012 a mis également en lumière de manière flagrante cet égocentrisme médiatique et sociétal. 3 bons petits gars de chez nous sont tués, le tourisme de l’île est menacé? Émeutes dans l’île, appel au massacre des requins, battage médiatique,… Le nous, nous, nous dans toute sa splendeur.
Chaque coupe du Monde de football est l’occasion d’une débauche sexuelle avinée et débridée au cours de la quelle des dizaines de milliers de supporters partis en goguette s’affaler sur les corps de femmes jetées en pâture par des mafias esclavagistes, des viols se comptant par centaines selon des ONG, mais nos médias ne font les titres et ne dissertent longuement que sur les viols de touristes occidentales en Inde ou ailleurs.
Et que dire de la crise qui nous touche et nous paupérise? Tout allait si bien lorsque ce que vivent bon nombre d’Européens qui se croyaient hors d’atteinte, se déroulait ne serait-ce que dans d’autres quartiers ou là-bas loin, à des heures et des heures d’avion.
La crise actuelle n’est pas la due à la mondialisation, concept vague et fumeux qui tend à laisser croire que dans cette Terre il n’y a pas de place pour tout le Monde mais à notre mode de développement qui atteint se limites, à une répartition des richesses plus qu’inégale et accaparées par une minorité. Les pays anciennement dits du Tiers Monde payent chèrement notre ethnocentrisme et force est de constater que malgré les années et les années de pillage de leurs richesses, nous ne parviendrons pas à les évincer de la Terre et que bien au contraire, nos chemins vont se rejoindre. La crise actuelle est bel et bien une crise de l’Occident.
Nous pleurerons toujours nos morts plus que ceux des autres. Mais l’excès des médias est bien déplacée. Comme le dit fort bien le journaliste Hicham Hamza »Vu de Paris, Londres ou Washington, la mort brutale d’un Européen ou d’un Américain dans le monde sera toujours plus fructueuse à couvrir -aux yeux des responsables de l’information que celle de dizaines voire de milliers de non-Occidentaux ». Mais est-ce une raison pour pleurer sur notre sort plus que sur les victimes elles-mêmes?
Eldon
Liens:
- « Terrorisme et grands médias : 1 mort à Boston vaut plus que 100 à Bagdad« , article de Hicham Hamza publié dans Oumma.com