Rendons ici un petit hommage à cette couleur indissociable du luxe : le noir – ou plutôt à cette non-couleur, puisque le noir est en réalité l’absence de couleur.
Nombreux sont pourtant ceux qui y voient des nuances : il est plutôt marron ou plutôt bleu, plutôt froid ou plutôt chaud. On pensera à Matisse ou à Goya, bien sûr, mais aussi aux imprimeurs. Tous ceux en fait qui « font » la couleur, ceux qui la coulent sur le papier ou la toile dans une encre épaisse et en utilisant des pigments au maximum de leur densité. Car c’est par l’extrême concentration de couleurs qu’on reproduit l’absence de couleurs. Joli paradoxe.
Mais là, rien de tout ça. Le papier était épais, avec une belle main, une belle tenue. Et puis il y avait ce noir velouté qui attirait la caresse et j’ai expérimenté le plaisir non seulement visuel mais aussi tactile que procure l’alternance des vernis brillant et mat, cette accroche fugace quand le doigt passe de l’un à l’autre.
J’ai flatté le papier couché noir mat, soupesé le document dans ma main, laissé vibrer les couleurs, l’argent et le rose fuchsia. Il est toujours étonnant de constater combien les couleurs réagissent bien sur le noir, comment elles prennent une autre intensité, une profondeur et une lumière à la fois.
Cet document publicitaire humble et éphémère était devenu, sous l’effet d’un design inspiré et d’une fabrication réellement haut de gamme, un objet qu’on avait envie de garder. Mat, noir et beau.
Juste chic.
Hervé Mathieu – Fragrance Forward
(tableau de Pierre Soulages)