On assiste depuis 10 ans à un phénomène de concentration du secteur de la beauté que la crise financière mondiale accélère, fragilisant les petites sociétés et poussant les grosses à renforcer leur assise. En amont, de nombreux fournisseurs se regroupent ou sont rachetés, tels Verallia racheté par l’irlandais Ardagh ou Albéa qui annonce l’acquisition de Rexam. En aval on peut s’attendre à de nouvelles acquisitions, par exemple de la part de L’Oréal et son milliard et demi de liquidités.
Pour une Marque de luxe, le fait d’être absorbé par un grand groupe ne favorise pas toujours l’originalité… C’est peut-être pour cette raison que l’on voit se multiplier les opérations de co-branding, dont voici quelques exemples récents :
Histoires de parfums continue à s’intéresser aux lieux de mémoire. Après avoir créé un parfum dédié au Moulin-Rouge, la marque lance «Olympia», du nom du fameux music-hall.Une autre Olympia, mais Le-Tan cette fois-ci, s’associe avec Lancôme pour créer une minaudière brodée à la main éditée à 100 exemplaires à l’occasion de l’anniversaire de Rouge in Love et Vernis in Love.
Enfin, L’artisan Parfumeur a créé avec la maison Causse une paire de gants en agneau plongé parfumés à Mûre et Musc, renouant ainsi avec l’histoire des maîtres parfumeurs et gantiers et avec Jean-François Laporte, son défunt fondateur.
Disons-le tout net, à l’exception peut-être de ce dernier exemple il n’y a rien de très enthousiasmant dans ces opérations. On est loin de l’édition spéciale qui avait rassemblé en 2009 Christian Louboutin et Piper-Heidsieck autour du coffret « Rituel », une référence en matière de co-branding. Outre la légitimité du thème (il était d’usage à une certaine époque de boire le champagne dans un soulier de femme), l’objet qui résulta de cette association était magnifique. Les valeurs créatives des deux marques s’additionnaient en une parfaite synergie, se valorisant autant l’une que l’autre.
Ces différents exemples illustrent le fait que l’art de la promotion dans le secteur du luxe est un exercice délicat. Il ne doit pas être envisagé comme dans la grande distribution où l’objectif est la diffusion maximale. L’objet promotionnel de luxe doit avoir comme but d’élargir marginalement la clientèle : viser trop large et trop loin du cœur de cible revient à s’adresser à une clientèle one-shot qui ne deviendra de toutes façons pas cliente de la Marque. En outre, les marges réalisées sur des objets promotionnels sont inférieures à celles des produits du catalogue. Une opération trop « accessible » ne présente pas seulement un risque de dilution de l’image, elle a également un intérêt économique limité.
Trois règles à retenir pour une opération de co-branding de luxe :
1. Les objectifs pertinents sont la notoriété réciproque et la satisfaction du client par la possession d’un objet rare.
2. Les Marques concernées par l’opération doivent appartenir au même segment de marché.
3. Si l’objet créé en co-branding est positionné dans un ordre de prix plus bas que celui des deux Marques, il n’aboutit qu’à l’appauvrissement de l’image de celles-ci.
Il faut noter que la distribution intègre encore mal cette notion. Sa marge est la même sur les objets co-brandés que sur les produits au catalogue, elle pousse donc à réaliser des objets promotionnels au prix de vente le plus bas et à la plus large diffusion possible. Il faut vraiment espérer qu’une distribution sélective à la vision moins court-terme finira par émerger, qui comprendra que son succès repose sur la désirabilité des Marques.
Plus la distribution gagne en puissance, plus elle doit intégrer le fait qu’il est aussi de sa responsabilité de veiller à la bonne santé des marques qu’elle commercialise. La pérennité du luxe et du sélectif dépendent en partie de sa capacité à mener à bien cette évolution.
Hervé Mathieu – Fragrance Forward