Protection des troupeaux - Face au loup, le lama monte la garde

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

par Elise Frioud
Plusieurs éleveurs ont intégré des lamas dans leur troupeau durant l’été 2012. Ces camélidés ont un effet dissuasif sur les attaques de prédateurs et présentent moins de contraintes que les chiens de protection.
Est-ce le goût de l’exotisme qui a piqué, l’été passé, les quelques éleveurs qui ont intégré un lama dans leur troupeau de moutons en estivage? Loin de là. L’initiative prise par ces moutonniers visait à protéger leur troupeau des attaques de grands prédateurs sans avoir recours aux chiens de protection. Initiative novatrice, qui s’est soldée par des résultats plutôt positifs et sera poursuivie lors de la nouvelle saison d’estivage.

Quand lama fâché, senor, lui toujours faire ainsi. (Hergé)

Comportement territorial adapté

En Suisse, peu d’expériences ont été menées avec des lamas en tant qu’animal de protection des troupeaux. Dans différents pays, notamment aux Etats-Unis, ils sont utilisés pour protéger les troupeaux des coyotes et des chiens errants. Attentifs et curieux, les lamas sont parfaitement adaptés pour jouer ce rôle. Leur comportement territorial est similaire à celui des ânes et des chiens de protection, déjà utilisés dans les alpages suisses. En plus, ils présentent certains atouts. «Par rapport aux chiens, ils nécessitent moins de travail car ils pâturent avec le troupeau. Ils respectent d’ailleurs bien les clôtures. Et surtout, le potentiel de conflit avec les promeneurs est bien moindre qu’avec un chien de protection», explique Matthieu Müller, spécialiste des petits ruminants chez Agridea Lausanne. Eleveur, Matthieu Müller a d’ailleurs accueilli un lama dans son troupeau au cours de l’été 2012.
Priska Ineichen, étudiante à l’ETH Zurich, a observé le rôle des lamas sur trois alpages lors de l’été 2012 dans le cadre de son travail de bachelor. Ce suivi s’inscrit dans le cadre d’un projet plus large, géré par Agridea, financé par le canton de Lucerne, Pro Natura et l’association CHWOLF dans le cadre du mandat pour la protection des troupeaux de l'OFEV. L’étudiante s’est rendue à deux reprises sur les alpages de Gfellen (LU), un alpage de 2,5 hectares avec une petite trentaine de moutons, Alp Schlund (LU), un alpage de 100 hectares accueillant 200 moutons et Champillon (VD), un alpage qui accueille les 150 moutons de Matthieu Müller sur environ 40 hectares. Deux lamas étaient utilisés à Gfellen et Alp Schlund, un seul sur l’alpage de Champillon. Il s’agissait à chaque fois de mâles castrés.
Sur chaque alpage, Priska Ineichen a réalisé deux journées d’observation dans le troupeau (comportement du lama, position par rapport au troupeau, comportement des moutons, interactions entre le lama et les moutons, etc.) et interviewé le propriétaire du troupeau. Elle a aussi interviewé un quatrième éleveur qui protège son troupeau avec des lamas depuis une douzaine d’années ainsi que les éleveurs des lamas.

Rôle passif dissuasif

Les conclusions de l’étudiante sont encourageantes et permettent, dans certains cas, d’envisager des alternatives à l’emploi des chiens de protection. Elle a pu observer que le lama se prête tout à fait à la protection des troupeaux contre les prédateurs. Point positif, le lama nécessite peu de travail supplémentaire et pose peu de contraintes à l’éleveur. Point négatif, la protection qu’il offre est très dépendante du caractère de l’individu. Dans l’ensemble, les lamas jouent essentiellement un rôle de dissuasion envers les prédateurs, d’autant mieux que les pâturages sont de petite taille et clôturés et que le troupeau reste compact. Au cours des journées d’observation, les lamas ont rarement montré un comportement de défense même si un des lamas a poussé un cri d’alerte dans une situation particulière. Aucune attaque n’a eu lieu durant la période de suivi par l’étudiante. Des doutes subsistent donc encore sur son comportement lors d’attaques effectives de prédateurs.
L’intrusion d’un canidé dans le troupeau a été simulée sur deux des alpages testés avec des chiens domestiques. Le lama, après s’être approché et avoir observé attentivement le chien, est retourné au sein du troupeau. Les lamas ne semblent pas percevoir le chien comme un danger s’il est accompagné de son maître. Envers les promeneurs, les lamas n’ont pas montré de signe d’agressivité.

Plus efficace en solitaire

Pour qu’ils jouent un rôle de repère et de défense au sein du troupeau, l’intégration des lamas dans le troupeau devrait avoir lieu avant la montée à l’alpage afin que les animaux apprennent à se côtoyer en bergerie. D’après les expériences réalisées, l’intégration d’un animal seul poserait moins de problèmes que l’intégration de plusieurs animaux.
De même, pour qu’ils puissent assumer leur fonction d’animal de protection, ils doivent être détenus seuls, sans congénère. A deux, les lamas ont tendance à constituer une «entité» et à se détacher du troupeau.
Garder un lama seul présuppose cependant, comme pour les ânes, que les éleveurs disposent d’une autorisation spéciale du canton. Cette particularité fait que pour l’instant, il n’est pas possible de recommander l’utilisation d’un lama seul à titre de protection des troupeaux. Les suivis de troupeaux se poursuivront en 2013. Plusieurs lamas seront intégrés dans des troupeaux de chèvres. L’accent sera mis sur l’observation éthologique et le suivi sanitaire des lamas, dans le but de vérifier si la détention d’un seul lama au sein d’un troupeau de moutons ou de chèvres peut être jugée acceptable.

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