Le Canada, une nation métisse qui s’ignore ?
« Nos garçons se marieront à vos filles et nous ne ferons qu’un seul peuple » (Champlain)
Selon le penseur John Ralston Saul,* le Canada serait une nation métisse qui s’ignore. Une nation fortement influencée par les notions autochtones, mais qui ne le reconnaît pas encore.
Normand Charest – chronique Valeurs de société – dossier Autochtones
Un nouveau peuple
Nous sommes devenus autres, et nous ne pouvons plus seulement parler de nos origines européennes, desquelles nous nous sommes éloignées. Notre pays est définitivement métissé. Et nos quatre siècles de cohabitation avec les Autochtones ont laissé plus de traces que nous le croyons habituellement. Et cette influence grandit.
Un métissage autant culturel que physique
L’auteur cite cette phrase surprenante de Champlain, lorsqu’il disait à ses alliés amérindiens : « Nos garçons se marieront à vos filles et nous ne ferons qu’un seul peuple. »
« Je ne peux imaginer aucun autre gouverneur, fût-il français, anglais ou autre, qui affirme une telle chose entre le seizième et le dix-neuvième siècle. Dans cette phrase, il révèle la véritable nature des relations franco-amérindiennes d’alors, basée sur l’égalité des deux parties » (John R. Saul).
Alfred Jacob Miller (1810-1874), «L’épouse du trappeur», 1845
Durant tout le Régime français, entre le tiers et la moitié de tous les hommes en Nouvelle-France vivaient de la traite des fourrures. Et beaucoup d’entre eux marièrent des Amérindiennes.Les Autochtones ne se préoccupaient pas de pureté raciale. À partir du moment où vous étiez accepté dans la communauté, par mariage, adoption ou autrement, c’est comme si vous y étiez né.
Aux 17e et 18e siècles, le métissage ne causait aucun problème, ni chez les Indiens, ni chez les Blancs. Il était même nécessaire à la collaboration et au commerce entre les deux groupes. Les Français s’adaptaient aux conditions des lieux en adoptant les moyens de transports autochtones : canots d’écorce, traîneaux à chiens, raquettes ; les vêtements de cuir et de fourrure, dont les mocassins ; le mode de vie en plein air, la nourriture sauvage abondante, les herbes médicinales. Les Canadiens français apprenaient les langues amérindiennes et faisaient la guerre comme eux. La popularité de ce mode de vie fut si populaire que les autorités tentèrent d’ailleurs de s’y opposer.
Mais ce n’est qu’au 19e siècle, et particulièrement à l’époque victorienne, qu’on voulut affirmer la supériorité européenne, en même temps que les populations indiennes déclinaient, à cause des territoires qui se rétrécissaient et des maladies apportées d’Europe.
Selon l’auteur, nous faisons fausse route en prenant des modèles européens ou états-uniens, à mesure que nous nous éduquons ; les mythes américains et parisiens ne correspondent pas à notre réalité canadienne.