Selon le nouveau rapport de l’Anses Evaluation des risques du bisphénol A (BPA) pour la santé humaine rendu public le 9 avril 2013, les principales sources de contamination de la population au bisphénol A sont les boîtes de conserve, les papiers thermiques et les bonbonnes d’eau en polycarbonates. Toutefois, même en évitant ces produits, le rapport montre que vous serez exposés à une pollution diffuse inévitable dans les aliments et dans l’air ambiant !
Aucun effet avéré n’ayant été identifié chez l’Homme en l’état actuel des études disponibles, les experts ont choisi de retenir les effets jugés avérés chez l’animal et/ou suspectés chez l’Homme pour l’évaluation des risques. Celle-ci n’a pu être conduite que pour l’enfant à naître de la femme enceinte, étant donné le manque d’études de bonne qualité permettant de définir des repères toxicologiques pour les autres populations ou groupes d’âge d’intérêt que sont les nourrissons, les enfants en bas âge et les adolescents et les adultes. Et pourtant, bien d’autres périodes critiques existent, notamment l’exposition néonatale et pré-pubertaire !
Il faut protéger les femmes enceintes !
Selon cette étude, les expositions de la femme enceinte au bisphénol A se font en moyenne à 84 % par l’alimentation, 12 % par l’air et 4 % par les poussières. Cette exposition totale engendre des effets potentiels sur une modification de la structure de la glande mammaire chez l’enfant à naître, quel que soit son sexe. Cette modification pourrait favoriser un développement tumoral ultérieur. Le niveau d’incertitude étant assez important, le niveau de confiance est qualifié de « modéré » par la majorité des experts. Concernant les effets sur le cerveau et le comportement, les effets sur le métabolisme et l’obésité et l’effet sur le système reproducteur féminin, également examinés dans le cadre de cette étude d’évaluation des risques, le risque apparait « négligeable », selon les hypothèses considérées.
À elle seule, l’ingestion d’eau contenue dans des bonbonnes en polycarbonate par les femmes enceintes ne constituerait pas un scenario d’exposition à risque pour l’enfant. Toutefois, ajoutée aux autres expositions, elle pourrait entraîner un risque supplémentaire pour l’enfant.
Au poste de garde : l'alimentation !
Environ 300 types d’aliments ont été analysés et mettent en évidence une grande variabilité de la contamination. Les résultats de l’étude montrent que l’alimentation contribue à plus de 80 % de l’exposition de la population. Les principales sources d’exposition alimentaire et quelles que soient les populations concernées sont les produits conditionnés en boîtes de conserve qui représentent environ 50 % de l’exposition alimentaire totale et se décomposant comme suit 35 à 45 % pour les légumes; 10 à 15 % pour les plats composés et produits à base de viande et de poisson. Certains aliments d’origine animale sont également des sources d’exposition : autour de 17 % pour les viandes, abats et charcuterie, entre 1 et 3 % pour les produits de la mer.
Une contamination diffuse dont l’origine n’est pas clairement identifiée représente entre 25 et 30 % de l’exposition alimentaire totale. Ainsi, même si l’on réduit considérablement son exposition en supprimant les boîtes de conserve de ses achats, il n’est pas possible de la supprimer totalement.
Attentions aux tickets de caisse pour tout le monde !
Par ailleurs, les travaux se sont intéressés à la manipulation de papiers thermiques, en particulier dans un cadre professionnel. La manipulation de ces tickets thermiques conduit à des situations présumées à risque pour les 4 types d’effets considérés, tant pour les caissières enceintes que, plus globalement, pour l’ensemble des femmes enceintes manipulant des tickets thermiques. Le niveau de confiance associé à cette étude de risque sanitaire est toutefois qualifié de « limité » par la majorité des experts à cause des nombreuses incertitudes, notamment concernant l’absence de facteur de biodisponibilité par voie cutanée.
L’étude s’est également intéressée aux tuyaux de canalisation d’adduction d’eau dans différentes conditions (rénovation, haut débit, vulnérabilités particulières, etc.). La bonne nouvelle est qu’elle n’a pas mis en évidence de niveaux de contaminations particulièrement élevés !
Que penser des alternatives au Bisphénol A ?
Au total, 73 alternatives au bisphénol A ont été recensées : 21 pour les polycarbonates, 18 pour les résines époxydes, 34 pour les papiers thermiques et 33 pour l’alimentaire hors canalisations d’eau potable. Ce tour d’horizon n’est sûrement pas exhaustif, puisque si les industriels se mobilisent pour trouver des alternatives, il est difficile d’obtenir des informations sur les solutions trouvées, note l’Agence.
Le principal résultat à noter est qu’il n’y a pas aujourd’hui un produit universel pouvant se substituer à l’ensemble des usages du bisphénol A, mais il existe des alternatives pour plusieurs usages. Cependant, certaines interrogations demeurent concernant l’innocuité en termes de santé public ou d’impact environnemental, en termes de faisabilité et d’efficacité, ou encore concernant la faisabilité technique de ces alternatives sur le plan industriel.
L’agence s’est également intéressée aux dangers liés à 7 composés de la famille des bisphénols : les bisphénols S, F, M, B, AP, AF, et BADGE (bisphénol A diglycidyléther). Ces composés partagent une structure chimique semblable qui leur confère des propriétés ostrogéniques, c’est-à-dire similaire aux œstrogènes. Certaines applications pourraient donc s’avérer néfaste pour le consommateur. Si les bisphénols S, F et AP pourraient être utilisés comme substituts au bisphénol A, les données toxicologiques ne permettent pas de conclure leur éventuelle toxicité. L’Anses recommande donc de ne pas les utiliser comme solution de substitution au bisphénol A. Pourtant, le bisphénol S est déjà assez largement utilisé en tant que substitut. Par exemple, « Le bisphénol S est déjà employé comme alternative dans les papiers thermiques tandis que plusieurs marques de biberons ont adopté le polyéthersulfone (PES) qui est à base de BPS » s’inquiète Yannick Vicaire, chargé de mission au Réseau Environnement Santé.
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Auteur : Matthieu Combe