Il y a une expression dans ce lacis de rues et de références littéraires qui m'a sauté aux yeux: le narrateur parle de, je crois, Rilke, et d'écriture et de jeunesse, et il dit qu'il ressentait en tant que jeune écrivain une sorte de "nostalgie des livres à venir".
Oxymore total, évidemment, puisque la nostalgie c'est, étymologiquement, la fameuse 'douleur du retour', le regret de n'être plus où on était avant - donc comment peut-on avoir la nostalgie de quelque chose qui n'est pas encore arrivé? Et pourtant je comprends tout à fait ce qu'il veut dire. Pour moi aussi, c'est comme si j'avais déjà en tête mes 'livres à venir' - livres pour enfants, livres universitaires, livres pour adultes... Ils paraissent tellement réels qu'ils sont presque palpables, je les 'vois' sur mon étagère de Mes Livres à Moi, ils existent déjà, c'est certain - même si je serais bien incapable de vous dire ce qu'ils racontent. Ils sont simplement en attente, alors je les guette avec confiance.
Donc quand on me parle de mon dernier bouquin en date, j'ai toujours envie de dire: 'Non, non, attendez le prochain, il sera mieux!'. Mais bien sûr qu'il ne sera pas parfait non plus et sera donc faux, une erreur, une imposture, il ira décorer la fausse étagère en attendant les vrais livres à venir.
Oui ok, il y a du Clément Rosset et du Nicolas Grimaldi à fond les ballons dans ce que je raconte, au cas où vous vous demanderiez ce que je bouquine en ce moment. Mais rassurez-moi, les potes auteur/es, vous aussi, ça vous fait ça?...
Allez, à plus. Je vous promets que le prochain billet de blog sera mieux. Et après j'ouvrirai un vrai blog. Celui-là, c'est juste en attendant.
U PDATE: coïncidence ou sérendipité, cette petite phrase retrouvée dans Pyrrhus et Cinéas, de Simone de Beauvoir, ce matin... ‘L’écrivain est impatient d’avoir fini ce livre pour en écrire un autre: alors, je pourrai mourir tranquille, dit-il, mon oeuvre sera achevée’ (p.254)