La publication des patrimoines sauvera-t-elle l’image des politiques ?

Publié le 17 avril 2013 par Delits

La séquence Cahuzac devrait retomber dans les semaines qui viennent. Retour sur une affaire qui a sensiblement détérioré une image des responsables politiques, déjà bien fragile.

La présomption de culpabilité

Autrefois adoubés, les hommes et femmes de pouvoir suscitent aujourd’hui méfiance et critiques lorsqu’est évoqué leur rapport à l’argent, le fameux « tous pourris ». Le 14 mars, dans un sondage Harris Interactive, moins d’un quart des Français déclarait faire confiance aux responsables politiques. Interrogés sur leur sentiment premier à l’égard de la politique dans le Baromètre Confiance du Cevipof réalisé par OpinionWay en décembre dernier, 38% évoquaient la méfiance et 26% le dégoût contre seulement 13% des Français qui ressentent de l’intérêt et 6% de l’espoir. Pire encore, en octobre 2011, ce baromètre révélait que 69% des Français considéraient les hommes politiques plutôt corrompus, 22%  seulement les jugeant plutôt honnêtes.

Nul besoin de tirer davantage sur l’ambulance, le constat est accablant, les hommes politiques souffrent d’une image désolante. François Hollande l’avait compris lorsqu’il évoquait l’exemplarité et l’irréprochabilité de son futur gouvernement au cours de sa fameuse anaphore « Moi, président ». Oui, mais voilà, l’affaire Cahuzac arriva…

La goutte d’eau Cahuzac

Il n’aura fallu attendre que sept mois et les révélations de Mediapart pour que la probité du gouvernement soit saccagée. Après avoir démissionné, Jérôme Cahuzac avoue. Selon Harris Interactive, 86% des Français jugent cette affaire très grave. François Hollande et son gouvernement sont assaillis et doivent riposter. La communication choisie consiste à conférer à Jérôme Cahuzac l’entière responsabilité de son mensonge et tous les responsables socialistes s’y associent. Puisqu’il les a trahis, l’ancien ministre du budget doit payer, et au prix fort.  La virulence dont ont fait preuve les journalistes et ses anciens amis lui a même permis de se placer en victime dans un entretien accordé au JDD. Et pourtant, selon un sondage BVA du 5 avril, une minorité de Français (45%) est satisfaite de la gestion de l’affaire par le gouvernement et 57% jugent que c’est une affaire qui dépasse le cas d’un homme et qui détériore l’image qu’ils ont du gouvernement. OpinionWay et le Cevipof publient au même moment le Baromètre Confiance et ce n’est plus la méfiance (32% ; -6 points) qui est le premier sentiment des Français lorsqu’ils pensent à la politique mais le dégoût (36% ; +10 points en 4 mois). En somme, accabler Jérôme Cahuzac n’a pas fonctionné dans l’opinion pour dégager le reste de la classe politique, et plus particulièrement le gouvernement, de toute présomption de culpabilité.

Un incendie bien difficile à éteindre

Le 10 avril dernier, François Hollande annonce plusieurs mesures visant notamment à faire avancer la transparence des élus et à lutter contre la délinquance économique et financière. Une fois de plus, l’initiative de l’exécutif est un échec. Interrogés par BVA, les Français restent perplexes quant à l’efficacité de ces mesures. Ainsi, 33% estiment qu’elles permettront de réduire la fraude, 34% d’empêcher de nouvelles affaires comme celle  de Jérôme Cahuzac et 42% jugent qu’elles permettront d’assurer la transparence. Aussitôt, des élus et des ministres s’empressent de publier spontanément leur patrimoine, une démarche louée ou critiquée par la classe politique sans distinction partisane. Si les Français y sont majoritairement favorables (61% selon BVA), ils restent partagés sur l’objectif du gouvernement. En effet, une courte majorité l’accuse d’avant tout chercher à détourner l’attention de l’affaire Cahuzac, 46% jugeant qu’il cherche à empêcher qu’une affaire du même type puisse arriver.

Les déclarations de patrimoine sont désormais publiées. Puisque celui de Laurent Fabius était connu et que Michèle Delaunay avait pris les devants et qu’il s’agissait des deux susceptibles d’heurter l’opinion, les commentaires sur les déclarations ont été assez mesurés. Les Français sont d’ailleurs plutôt distants par rapport à la chose. Interrogés par l’Ifop, 70% déclaraient qu’ils seraient indifférents s’ils apprenaient que le patrimoine d’un ministre ou d’un député était très élevé. Le paradoxe et la réalité sont donc là. Méfiants et suspicieux à l’égard de leur classe politique, les Français attendent une transparence et un contrôle du patrimoine de leurs élus quand ils sont en fonction, l’argent gagné ou hérité dans une fonction antérieure les important peu. Ils relativisent même l’image du politique lorsqu’on l’oppose à son action. En effet, selon BVA, la première des qualités d’un politique pour les Français est la compétence (46%), loin devant l’honnêteté (23%).