On a beaucoup glosé ici ou là sur la politique économique choisie par le gouvernement pour lutter contre le gouvernement. François Hollande serait un digne héritier de Gerhard Schröder, ce chancelier allemand social-démocrate qui à l'aube des années 2000 décida de flexibiliser le travail pour mieux soutenir l'offre aux détriments de la demande.
Les comparaisons transnationales ont cette vertu pédagogique: elles raccourcissent la pensée à des exemples. Et cachent nos complexités.
En France, l'attention portée par l'équipe Hollande au redressement des comptes publics et au soutien des entreprises fait donc jaser. Pour le premier sujet, Hollande a-t-il le choix quand la dette publique dépasse (enfin) les 94% du PIB national ? Pour le second - l'efficacité de la boite à outils présidentielle - le débat est plus sérieux, plus profond, moins évident.
1. Le "sérieux budgétaire" revendiqué par l'équipe en charge attire des critiques connues. Laissons de côté celles et ceux qui voit en France la même austérité qu'en Grèce ou Espagne. Nous n'y sommes pas au centième. Mais la réduction des dépenses publiques et l'atonie de la consommation, sur lesquels repose traditionnellement notre maigre croissance économique, est une politique qui interroge quand la conjoncture internationale est encore autant dégradée: "il est aujourd’hui limpide que la baisse de la consommation et des
dépenses publiques entraînent forcément une baisse de l’investissement
des entreprises" résume un professeur de finances dans les colonnes de Marianne.net. Et l'auteur d'évoquer une récession auto-entretenue.
Au passage, dans cette critique, certains tels Jean-Louis Borloo (UDI), glissent comme exemple fameux du trop maigre soutien au pouvoir d'achat, la suppression de l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Décidée l'an dernier, cette mesure fait effectivement mal au bulletin de salaire des millions de Français - évalué, paraît-il, à 9 millions - qui en bénéficiaient jusqu'à lors. Et pourtant, comment ne pas louer - d'un point de vue macro-économique et social - la profonde justesse de la décision: comment oser défiscaliser le travail de ceux qui en ont quand bientôt 6 millions de demandeurs d'emploi réclament à travailler partiellement ou complètement ?
Dans une interview en janvier dernier, Pierre Larrouturou clamait avec raison: "Aujourd’hui, ce qui est fou, c’est d’accepter le partage du travail
actuel. Il y a, d’un côté, cinq millions de personnes inscrites à Pôle
emploi, dont la plupart font 0h par semaine et de l’autre côté, il y a
des salariés qui font plutôt 40h par semaine".
2. La boite à outils de François Hollande dont il vanta la complétude lors de son passage télévisuel déjà oublié du 28 mars dernier comprend des mesures classiques d'emplois aidés. Et un volet d'aides aux entreprises. Le triste accord récent devenu loi sur la flexibilisation de l'émploi, s'il est loin d'être la fin du code du travail et la porte ouverte à toutes les fenêtres du grand n'importe quoi libéral, n'en reste pas moins une "avancée" pour les employeurs, c'est-à-dire un franc recul pour les salariés.
Le Crédit d'Impôt Emploi Compétitivité est l'autre morceau de choix de ce "socialisme de l'offre". Annoncé en septembre, voté en novembre, il entre en effet dès cette année. Les entreprises pourront se faire rembourser ou avancer un crédit d'impôt sur leurs bénéfices 2014 dès 2013, sous certaines conditions. L'ensemble coûte 20 milliards d'euros, dont un gros tiers (6 milliards) doit être financé par le relèvement de la TVA à taux réduit à compter du 1er janvier 2014.
On a critiqué que ces 20 milliards soient accordés "sans contrepartie". Certains jouent sur les mots. Ces 20 milliards d'euros sont attribués en fonction de critères qu'il faut respecter et qui déterminent aussi l'ampleur du crédit d'impôt auquel certaines entreprises ont droit. Certes, il n'y a pas de contrat. Mais des critères existent. L'un d'entre eux est d'ailleurs particulièrement important: le CIC est assis sur la masse salariale (jusqu'à 2,5 SMIC) de l'année en encours, ce qui devrait inciter les entreprises à ne pas licencier dès le 1er janvier 2013.
A fin mars, quelque 1.300 entreprises auraient réclamé une avance de crédit d'impôt à la BPI, pour 310 millions d'euros.
Dans une tribune publié dans le Monde du 15 avril 2013, un économiste du CNRS, Philippe Askenazy, soulignait déjà ce qu'il qualifiait de "failles" dans ce dispositif. Sans attendre son entrée en vigueur, cet économiste lance plusieurs critiques: (1) l'attentisme du gouvernement sur l'efficacité de la mesure (ce qui sous-entend que le CIC ne devrait pas générer tant d'effet d'aubaine que cela, contrairement aux critiques évoquées plus haut); (2) la concurrence déloyale qu'il créé entre entreprises privés et établissements publics dans le secteur concurrentiel (puisque seules les premiers bénéficient du CIC); la baisse de la participation pour les salariés qui y ont droit depuis qu'un jugement du Conseil d'Etat a retiré l'intégration de ce crédit dans son calcul.
Est-ce tout ?