Tour de forage à Saint-Barnabé (Québec – Canada)
Source photo : mapresse.ca / François Roy
Les députés d’Europe Écologie Les Verts (EELV) ont déposé, mardi 11 décembre, une proposition de loi interdisant l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels en France. La loi du 13 juillet 2011 n’interdit pas d’explorer, ni d’exploiter les gaz et huiles de schiste sur le territoire français, mais interdit uniquement la fracturation hydraulique. Denis Baupin, député EELV de Paris, explique qu’ils ne veulent pas « de gaz de schiste, avec ou sans fracturation hydraulique (…) Plutôt que de faire miroiter l’idée qu’on aurait un eldorado sous nos pieds, investissons dans ce qui est durable, les économies d’énergie et les énergies renouvelables»
En effet, d’après les estimations papiers basées sur des présomptions géologiques et non des analyses de terrain du département américain de l’Énergie (pays où le gaz de schiste est déjà exploité), la France disposerait d’environ 5000 milliards m3 en gaz de schiste dans le Sud-est et le bassin Parisien. « La France est bénie des dieux. Pour l’Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole » selon Michel Rocard. Dans les faits, personne ne sait réellement dans ce qu’il y a dans le sous-sol français, pour le savoir il faut explorer les sols. À ce jour, la fracturation hydraulique (fracking) est la seule technique connue qui permette d’explorer et exploiter les gaz et huiles de schiste. Mais cette méthode reste très controversée pour ses conséquences environnementales et humaines.
L’agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a publié un rapport en juin 2011 faisant état de plusieurs cas de contaminations des eaux souterraines dues à l’exploitation de gaz non conventionnels : contamination de l’eau potable aux hydrocarbures, chute de la quantité d’eau disponible dans les points de prélèvement, augmentation de la salinité de l’eau, épandage de boues de forage, fuites du liquide de fracturation, etc. Le fracking a par ailleurs entraîné des cas de séisme dans des lieux non sismiques à l’origine. Des conséquences difficiles à estimer si cela se produit en France. La superficie de la métropole est de 552 000 km2 contre 9 629 048 km2 pour les États-Unis. Toutefois, les grandes compagnies comme Total estiment que ces accidents sont des cas isolés dus à de « petits opérateurs, financièrement fragiles et peu regardants sur la sécurité de leurs installations. Par ailleurs, les eaux contaminées peuvent être « traité et recyclé, pour être réutilisées ou remises dans le circuit des eaux de surface ».
Risque de douche froide pour les écolos
En dépit des risques que présente l’exploitation des gaz non conventionnels, les Verts risquent d’avoir une douche froide. Le gouvernement ne compte pas fermer les yeux sur le potentiel en gaz de schiste du pays. C’est ce qu’a laissé entendre le chef de l’État, lors de la conférence de presse du 13 novembre 2012 : « Tant qu’il n’y a pas de nouvelles techniques, j’ai dit que durant mon quinquennat il n’y aurait pas d’autorisation de permis de fracturation hydraulique (…) Par ailleurs la recherche continue, on ne va pas empêcher la recherche sur d’autres techniques de se faire ».
Propos similaires pour le ministre du redressement productif au colloque de l’Union française de l’électricité, organisation patronale du secteur électrique, le 28 novembre dernier : « Nous n’acceptons pas la fracturation hydraulique, mais nous travaillons à imaginer une nouvelle génération de technologies propres qui permettraient d’extraire sans abîmer, franchement quel bon sens ! ». Ceci la veille de l’ouverture du débat national sur la transition énergétique, visant à trouver les moyens de réduire la dépendance de l’économie française au nucléaire et aux énergies fossiles. Un débat prévu jusqu’en été 2013, initié par le gouvernement pour emmener la France vers plus de sobriété énergétique. Toutefois, les avis divergent entre le PS et les Verts sur la question énergétique, nourrissant un nouveau quiproquo entre les deux partis.
En 2011, la France a importé plus de 61 milliards d’euros de gaz et de pétrole. « (…) Mieux vaut le produire ici plutôt que [de] l’importer» précise Arnaud Montebourg. Une position partagée par l’ancienne ministre de l’Environnement Nathalie Kosciusko-Morizet et une grande partie des partisans à l’exploitation des sols français. Mais, l’hyper optimisme des pro-gaz non conventionnels devrait se faire plus mesuré au risque d’être déçu. La Pologne vient de faire l’amère expérience. Suite aux estimations trop optimistes de l’administration américaine de l’énergie (EIA), publiées en avril 2011, la Pologne a creusé deux puits qui ont donné des résultats très décevants. En avril 2012, L’Institut national de géologie polonais publie une étude expliquant que son potentiel en gaz de schiste est dix fois inférieur à celui avancé par l’EIA. « Le recul manque encore pour évaluer la durée et le potentiel total des gisements ».
Source schéma : AFP