Justement, je suis tombé récemment sur une émission de France Culture consacrée à la figure d'un personnage d'actualité : Henri Chopin.
Cela m'a beaucoup impressionné et j'y ai repensé, je ne sais pourquoi, quand j'ai entendu sur France Inter les enregistrements d'Antonin Artaud au dernier stade de la folie, qui datent de 1947. Antonin Artaud se parle à lui-même dans un délire schizophrénique, avec une voix très aiguë de prophète déchu entre deux mondes. De son propos inintelligible mon oreille s'est détachée pour finir par ne plus entendre que les consonnes, les halètements et les râles. Finalement la grande tirade prophétique a tourné à la poésie sonore.
Il est probable que sans l'écoute préalable d'Henri Chopin, peut-être n'aurais-je entendu là que les injonctions effroyables d'un fou à lier. Il est des artistes qui modifient votre perception du monde.
Certes, Henri Chopin ne me fera pas oublier "Le théâtre et son double", mais enfin, la marge a-t-elle vocation à remplacer le milieu? La Mélancolie de Dürer me fascine, et sa puissance est sans limite, mais dois-je pour cela me priver de la jubilation que provoquent les illustrations d'un Félicien Rops ou les dessins d'un Alfred Kubin? Non, pour rien au monde, et je déclare que mon adoration pour Wagner et Strauss n'aurait peut-être pas tant d'intensité si un Bernard Lubat ou un Rabi Abou Khalil ne venaient de temps en temps y passer un coup de balai!