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John Grisham conduit parfois au bout de l’ennui. Sa connaissance des dossiers juridiques impressionne, mais nous n’éprouvons pas à chaque fois le besoin d’en lire tous les paragraphes, comme l’auteur nous y contraint. Pourtant, on le suit jusque dans les détails de procédure les plus complexes. Signe de son talent, ou au moins de son savoir-faire – les avis sont partagés, jusque chez le même lecteur qui balance parfois entre les deux. Mais quand, dans Les partenaires, il fait passer l’humain avant tout le reste, les dernières réticences tombent.
Ce jour-là, David Zinc pète les plombs. Il ne se sent plus capable de rester ne serait-ce qu’une minute dans les bureaux du grand cabinet d’avocats où il travaille. Un travail profondément ennuyeux et bien payé. Tant pis pour le salaire, il s’enfuit et atterrit dans un bar où il entreprend d’avaler un copieux petit déjeuner à base de Bloody Mary, cessant rapidement de compter les verres, poursuivant avec d’autres boissons aussi traîtresses et échouant, en fin de journée, presque par hasard, dans un minuscule cabinet que font tourner, tant bien que mal, deux avocats.
L’endroit est aussi minable que Wally et Oscar. Mais, grâce à son ivresse, David soutient ceux-ci dans leur combat pour accrocher comme clients les victimes d’un accident de la route et il est aussitôt adopté par le duo. Pas de quoi espérer faire fortune, à moins de tomber sur une très grosse affaire. C’est peut-être le cas : un médicament semble avoir provoqué la mort de plusieurs patients. Monter le dossier, recruter des experts, attaquer une entreprise disposant d’une armée d’avocats et de fonds quasi illimités : l’entreprise est si foireuse qu’elle prête à rire. Et on rit de bon cœur des déboires de ces partenaires aux moyens limités…
John Grisham est excellent dans son utilisation de l’ironie douce, et meilleur encore dès qu’il s’agit de tirer son roman vers des épisodes plus glorieux, où David devient brillant en même temps qu’attentif aux autres. Une belle réussite.