C’est une évidence, mais ne faut jamais cesser de la répéter: la crise n’est pas pour tout le monde. Pour s’en rendre compte, il suffit de se pencher autant que faire se peut sur les rémunérations des dirigeants du Cac40 et des banques, les dividendes distribués aux actionnaires qui se portent on ne peut mieux et dont nous nous sommes fait l’écho ici à maintes reprises.
Paul Jorion, fin observateur du fonctionnement du Monde,vient d’accorder un entretien au JDD dans lequel il revient sur l’affaire Cahuzac, qui a pris soit-disant tout le monde au dépourvu, Chypre, …
Que vous inspirent les réactions à l’affaire Cahuzac?
Il y a un certain nombre de choses que l’on savait déjà dans la façon dont le politique fonctionne. Dans ses grandes lignes, l’affaire Cahuzac ne nous apprend rien. Mais comme on est dans une période de crise, que l’on demande aux citoyens ordinaires de plus en plus d’efforts, le niveau de tolérance a baissé. Pour moi, le tournant, c’est Chypre. La troïka qui nous gouverne, la Banque centrale, le FMI et la Commission européenne, a préparé un plan dans lequel il est prévu d’aller chercher de l’argent là où il en reste, c’est-à-dire sur les comptes bancaires des simples citoyens ! Aujourd’hui, l’affaire Cahuzac ne peut pas passer. Cette situation me fait penser aux années trente en France.
C’est-à-dire?
C’est le même genre de période de crise, où l’on demande davantage de contributions aux gens et où on découvre que ceux qui pourraient contribuer le plus à l’effort collectif non seulement ne le font pas, mais parviennent à y échapper. En 1934, il y a eu l’affaire Stavisky, un scandale qui a montré les collusions entre les milieux financiers peu recommandables et les milieux politiques. Cahuzac, c’est la même chose… la collusion des milieux financiers offshore, de leurs montages dans des paradis fiscaux, avec le super-gendarme du fisc chargé de les contrôler.
La réponse de François Hollande est celle de la transparence. La trouvez-vous adaptée?
La transparence est une notion tout droit venue de la théorie économique. En économie, on est persuadé que si les acteurs sont transparents, la fixation des prix sur les marchés sera optimale. La transparence, c’est le vocabulaire de l’économie adapté à la politique. En politique, je ne suis pas sûr que le concept soit adapté. On n’a pas besoin de transparence, mais tout simplement d’honnêteté. Ce n’est pas davantage de transparence que réclament les gens. D’ailleurs personne n’aimerait vivre dans une maison de verre, tout le monde aspire à avoir une vie privée à l’abri des regards, et on ne demande pas cela aux politiques. On leur demande tout simplement de faire primer l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Comme on a l’impression que ce n’est pas le cas, le divorce est profond. Il ne se voit pas seulement dans les courbes des sondages de popularité, mais surtout dans les taux d’abstention aux élections.
Quelle devrait être la réponse?
Il y aurait des mesures lourdes, de grandes réformes institutionnelles, à prendre simultanément. De façon générale, il faut pouvoir réinjecter dans l’économie réelle non seulement l’argent qui échappe à l’impôt via la fraude fiscale, mais aussi les 80 % de l’activité financière consacrés à la pure spéculation. Ce sont ces énormes masses de capitaux flottants, qui bougent d’un pays à un autre, simplement dans le but de spéculer sur les prix, qui dérèglent les économies. Simplement en France, seulement 25 à 30% des crédits bancaires sont tournés vers l’économie réelle, et le reste ce sont des crédits spéculatifs… Cela fait des masses gigantesques d’argent qui échappent au monde réel.
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