Le Cnes veut profiter du passage d’Apophis au-dessus de la Terre en 2029 pour y envoyer une sonde. Au moment où l'astéroïde frôlera notre planète, il pourrait donc être accompagné... L'enjeu est moins scientifique que sécuritaire : il s'agit avant tout de préparer une future mission qui éviterait un impact.
L’intérêt pour les astéroïdes ne cesse de grandir. Pour les chercheurs, la connaissance de ces objets est nécessaire pour comprendre la formation duSystème solaire grâce à leur composition. Des missions humaines et de retour d’échantillons sont en développement, et la Nasa envisage même decapturer un astéroïde. Ces objets, résidus de la formation des planètes, suscitent également l’intérêt d’entrepreneurs privés qui voient dans leur exploitation une source de profits significatifs, pour peu que l’on réussisse à le faire.
Cela dit, ils sont aussi un sujet d'inquiétude, renforcé par les récents passages surprises d’astéroïdes entre la Terre et la Lune, ainsi que l’explosion d’une météorite au-dessus de la Russie en février. À ce jour, plus de 5.000 astéroïdes nous menacent, dont 1.387 sont classés potentiellement dangereux, car leurs orbites coupent celle de la Terre. Pour éviter le destin des dinosaures ou de revenir à l’âge de pierre, les agences spatiales réfléchissent à la meilleure façon d’éviter l’impact d’un objet filant droit vers la Terre.
L'orbite d'Apophis avant avril 2019 (en vert) et après (en rouge). L'astéroïde évolue entre Vénus et la Terre, dont il croisera l'orbite ce mois-là, ce qui déviera sa trajectoire. © Cnes
Plusieurs concepts de missions sont à l’étude, et si chaque scénario a ses avantages et ses inconvénients, tous ont en commun le besoin de connaître la structure interne de la cible ainsi que ses propriétés mécaniques. En effet, qu’il s’agisse d’un bloc compact ou d’un agrégat de matériaux, la surface de l’astéroïde ne réagira pas de la même façon selon l’action envisagée pour s’en protéger (destruction, déviation ou accélération). Sans ces informations, il n’est pas possible de définir et dimensionner une future mission de mitigation (c'est-à-dire conçue pour réduire les risques).
Profiter du passage de l’astéroïde Apophis au plus près de la Terre
Dans ce contexte, le Cnes propose une mission à destination d’Apophis, un de ces astéroïdes potentiellement dangereux qui doit survoler la Terre en avril 2029. D’une taille de 325 mètres, il est représentatif de ce qui peut arriver. Sa trajectoire coupe celle de la Terre, et il est impossible de la prédire au-delà de 50 à 100 ans. Le risque de collision en avril 2029 est nul, mais les calculs indiquent qu’il passera à seulement 32.000 kilomètres de nous. Pour l’un des passages suivants, en 2068, la distance est incertaine.
L’idée du Cnes est d’envoyer une sonde voler en formation avec Apophis pendant une année, six mois avant et après son passage au plus près de la Terre. Pour cette aventure, la science ne sera pas prioritaire. La mission sera avant tout sécuritaire, l'intérêt scientifique étant faible. En clair, l’objectif est de connaître très précisément sa structure interne pour permettre une action future de destruction ou de déviation.
Un financement européen ?
Cette mission n’est pas complexe en soi, mais elle pourrait s'avérer difficile à réaliser. Le plus dur sera d’amener la sonde à voler en formation avec l’astéroïde pendant plusieurs mois. Compte tenu de l’imprécision des paramètres orbitaux d'Apophis, la sonde devra stationner à plusieurs centaines de kilomètres du point de rendez-vous théorique avant de s'en approcher. Quant au vol en formation, il s’annonce assez chaotique. Le très faible champ de gravité d’Apophis, sans doute très inhomogène, rend instable l'orbite d'un satellite.
Ce projet sera réalisé en coopération avec d’autres pays, voire au sein de l’Agence spatiale européenne, car à lui seul, le Cnes ne pourra pas le financer. La Russie, qui planifie également une mission en 2029, pourrait être intéressée.
Comme le soulignait à juste titre Arthur C. Clarke, « les dinosaures ont disparu parce qu’ils n’avaient pas de programme spatial ». Autrement dit, puisque l’on peut calculer le risque d’impact d’un astéroïde, c’est le seul type de catastrophe naturelle que l’on peut empêcher.