Le bilan calorique d’une chasse aux œufs étant on ne peut plus douteux, disons qu’outre un tour de rein que vous affrontez stoïquement, il vous reste l’envie d’éliminer le chocolat restant par une bonne lecture au coin de la cheminée que vous n’avez pas. Pas grave, il se passe des éléments bien plus fantastiques qu’un lundi de Pâques sous la pluie : de la science fiction française en tête de gondole par exemple, vraiment. Du space opera comparé à Pierre Bordage et Frank Herbert, rien que cela. Petite musique d’attente. Je viens de perdre la moitié des milliers de lecteurs qui se sont jetés sur cette critique, en jargonnant SF. Si je peux rassurer la foule restante en précisant que « Loar » ne raconte pas l’histoire d’un animal dormeur ayant des vues sur la construction d’un empire galactique, je le fais néanmoins volontiers. L’auteur, me précise le quatrième de couverture, aurait « travaillé deux ans au cœur d’un Hong Kong encore britannique », si cela peut également rameuter quelques lecteurs nostalgiques. Les « Il a quitté la Bretagne » et « Bercé par l’océan pendant son enfance » ravira également les amoureux des plages des sables fins et des après-midis ensoleillées. Vous l’aurez compris, si vous êtes un amateur de space opéra sans préjugé géographique, il est plus que temps de cliquer religieusement sur « Lire la suite ».
L’avis de JB
Courageux et appliqué
Si vous croisez un scientifique des années 50 en bas de chez vous, il est temps de le prendre entre deux yeux avec tendresse. Je ne vois pas de tables volantes ou de chats bioniques dans mon appartement, et à défaut d’hôtesses mécanisées proposant des repas de la taille d’un mentos, on a plutôt droit, dans le métro, à de vaillants joueurs d’accordéon à la dentition chamarrée. Mais, je m’égare, comme (trop) souvent. Cette digression pour vous dire que le récit de « Loar » se passe dans un futur très lointain. Melen a déclaré la guerre aux neuf royaumes. Il ne reste plus que quelques jours avant la fin de l’ultimatum. Emrodes, souverain de Loar, cherche l’hypothétique solution qui leur permettra de gagner une bataille perdue d’avance. D’autant que les prêtres de la planète Sainte, les mystérieux Mondes périphériques, les mercenaires de Latar et les mystérieux conseillers Spols sont tous entrés dans la danse.
Pas de doute, c’est bien du space opéra, bravo. On retrouve les principaux grands thèmes et éléments clichés (j’insiste pour que vous le lisiez avec un accent de l’Arkansas) du genre, grands empires intergalactiques, complots entre X factions, sectarisme religieux, etc. L’ensemble tient plutôt bien debout, porté notamment par un monde bien ficelé et quelques bonnes trouvailles comme les Latars, les Spols ou les Daofineds. J’aime également le simple vernis scientifique, eu égard aux voyages dans l’espace, manipulations génétiques ou armes de-la-mort-qui-font-décéder, trop de livres s’embourbent dans les explications, comme Artax dans le marécage.
Deus ex machina
Il y a néanmoins deux choses qui ne vont pas. La première est tellement désagréable qu’elle pourrait même vous dissuader d’acheter le livre. Petite exemple, la reine des Mondes périphériques discutant avec un personnage dont je ne me souviens pas :
"- Certaines autorités pensent peut être que tu n’es plus la personne la plus appropriée pour…
- Je suis l’autorité !
- Tu pourrais abdiquer
Abdiquer ?...Non, j’aime trop le pouvoir. C’est même l’une des caractéristiques communes des régentes."
Auteur, le lecteur n’a pas besoin que tu nous écrives en italique ce que pense ton personnage entre chacune de ses phrases. L’amoureux de la page n’aime pas qu’on lui fourre une grille de lecture dans les mains, ou qu’on lui prémâche le travail. A part si l’on souhaite annihiler (j’aime bien ce mot) toute imagination, ce qui me semble un but louable mais non souhaité lorsqu’on écrit un ouvrage de SF. Honnêtement, c’est à la limite du supportable, chaque page est truffée de passages en italiques qui racontent ce que pense le personnage X ou Y. On pourra également questionner la qualité de ces interventions, quand on lit l’exemple ci-dessus, ou encore ce nouvel exemple croustillant ci-dessous :
« Plus de cinq minutes d’avance sur mes poursuivants, ils ne me rattraperont pas. Mais cette nuit m’a transformé. Pour toujours. Je suis devenu un assassin, un tueur avec une mélopée mnémonique (rien à voir avec Johny) enfouie dans le cerveau ». Oh boy….
Deuxième défaut, la lenteur du récit ou plutôt le suicide de l’intrigue primaire. Rappelons que nos deux royaumes sont en guerre avec ultimatum et tout. On attend sur des dizaines de pages la fin de l’ultimatum qui s’avère finalement être une boule puante dans un égout. Le récit met vraiment du temps à se lancer, et les 600 pages de l’ouvrage ne seront jamais une excuse. Le style est parfois un peu enfantin et l’on aurait aimé un peu plus de profondeur dans certains personnages. C’est un peu lisse et fade parfois, il faut aller plus loin, du secret, des meurtres, des complots horribles, de l’épisme ! L’idée et le squelette sont là, les finitions n’en ont pas été à la hauteur.
A lire ou pas ?
On sent que l’auteur est un amateur du genre dont il connait les codes. Il a essayé de faire son cycle de SF sur la base de cette culture, et c’est une très bonne initiative. «Loar » est encourageant, malgré un gros raté (les fameux passages en italique), et qu’il y a du potentiel pour en faire une suite. Beaucoup de chantiers ont été ouverts et pas assez approfondis à mon gout, le tome 2, s’il sort un jour, devra être celui des choix, asseyant l’ambiance, affinant les complots et épaississant les personnages.
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