Sous l’impulsion de son nouveau directeur général, Tony Tyler, l’IATA cherche ŕ se moderniser, ŕ mieux servir les intéręts de ses 240 membres, lesquels assurent 84% du trafic aérien mondial. D’oů une restructuration qui vise, affirme le discours officiel, ŕ Ťdélivrer davantage de valeurť, une expression typiquement anglo-saxonne. Il s’agit, en clair, de gagner en efficacité.
Le fait est que le ton général utilisé par l‘IATA depuis que Tony Tyler a succédé ŕ Giovanni Bisignani, n’est plus tout ŕ fait le męme. Le discours est en quelque sorte apaisé, moins revendicatif, męme s’il s’agit toujours de faire passer les męmes messages, de marteler que le transport aérien est entravé par des circonstances hostiles dont il n’est en rien responsable. Du coup, les occasions ne manquent pas de constater que l’IATA se veut avant tout groupe de pression qui, notamment, s’en prend réguličrement aux autorités, ŕ toutes les autorités, pour clamer que les compagnies aériennes ne veulent en aucun cas ętre considérées comme des vaches ŕ lait. D’oů des critiques incessantes adressées aux différentes formes de taxation qui pčsent sur les coűts.
De la męme maničre, sans citer de noms, et tout en faisant preuve d’une forme subtile de suprématie, l’IATA ne cesse de dénoncer les prix excessifs du pétrole. Il est vrai qu’on est aujourd’hui bien loin de la situation qui s’était installée du jour au lendemain en 1973 et qui avait conduit au quadruplement soudain du prix du kérosčne. Le carburant représente actuellement 35% environ des coűts directs d’exploitation des compagnies, voire prčs de 40% pour les low cost. C’est évidemment difficile ŕ vivre męme si rien ni personne n’interdit de répercuter la grille des prix de l’OPEP dans les tarifs aériens.
En y regardant de prčs, les réformes que dévoile l’IATA sont moins radicales qu’elles n’en ont l’air ŕ premičre vue. Son organigramme est tout au plus simplifié et construit sur base de cinq grandes régions, et non plus sept. L’Europe reste une zone ŕ part entičre, gérée depuis Madrid. Quatre Ťdivisionsť se consacreront aux finances et ŕ la distribution, aux relations extérieures, ŕ la sécurité et ŕ l’ensemble des services relatifs aux passagers, au fret et aux aéroports. Il n’y a lŕ rien de révolutionnaire et il s’agit tout au plus d’un toilettage.
Longtemps considérée comme un mal nécessaire, l’IATA est largement cantonnée dans un rôle technique. Elle s’est adaptée au cours des décennies ŕ un environnement sans cesse en profonde mutation mais elle l’a souvent fait ŕ reculons. Les années ayant passé, la génération actuellement en place ne connaît peut-ętre plus suffisamment bien ses classiques. L’IATA est née, en effet, d’une exigence portée par le Royaume-Uni, en 1944, quand il s’est agi pour les uns et les autres de se prémunir contre une suprématie américaine trčs redoutée. Et cela bien que la Convention du Chicago, qui organisait le transport aérien de l’avenir, ne soit pas parvenue ŕ imposer un modčle de ciel ouvert ŕ tous, un Ťopen skiesť absolu. Ce fut la raison d’ętre la plus solide de la mise en place de l’IATA, avec 57 Etats membres, en un premier temps.
Les Etats-Unis, qui n’avaient pas encore imaginé la déréglementation de leurs voies aériennes, ont écarté toute idée de création d’une agence internationale de répartition des droits de trafic. D’oů l’instauration d’un bilatéralisme intergouvernemental et l’apparition des accords bilatéraux. A la fin des années soixante-dix, l’Airline Deregulation Act des sénateurs Kennedy et Cannon a profondément changé la donne, avec les conséquences en cascade que chacun connaît.
L’IATA a freiné des quatre roues, en vain. Les Américains considéraient l’association comme un cartel. On l’a vérifié quand une entente secrčte et illicite a torpillé le Skytrain de Freddie Laker, lancé en 1977, abattu en plein essor en 1982 : il n’était pas question de tolérer un nouveau venu qui avait l’audace de casser les prix, qui plus est sur la Voie Royale que constituait l’Atlantique Nord. L’IATA était ŕ l’oeuvre, dans la coulisse, mais est ensuite restée impuissante devant le déferlement low cost, une réalité économique désormais incontournable. Mais qui heurte profondément la maničre de faire de l’IATA. Un résumé brutal revient ŕ dire que rien n’a changé depuis les années quarante : l‘IATA a de la suite dans les idées.
Pierre Sparaco - AeroMorning