Les cerveaux des personnes différentes qui écoutent le même morceau de musique réagissent-il de la même manière? La réponse est oui, selon cette étude d’imagerie de la Stanford University. Ces conclusions, publiées dans l’European Journal of Neuroscience contribuent non seulement à expliquer le rôle primordial de la musique dans notre communication et coordination sociale mais peuvent aussi fournir des pistes thérapeutiques pour les troubles de la communication interpersonnelle, comme l’autisme, par exemple.
Les chercheurs ont utilisé l’IRM pour identifier un réseau reliant plusieurs structures cérébrales qui s’active sur un modèle remarquablement identique chez plusieurs participants à l’écoute de musique classique. Le Pr Vinod Menon, professeur de psychiatrie et de sciences comportementales et auteur principal de l’étude explique, qu’en dépit de nos différences individuelles, nos expériences musicales différentes et nos préférences, la musique classique suscite une activité cérébrale quasi-uniforme dans plusieurs structures cérébrales, dont des zones impliquées dans le contrôle moteur, la mémoire et l’attention. L’idée que des sujets en parfaite santé et d’autres atteints de troubles du langage et de la communication puissent répondre à des sons complexes de la même manière, pouvait apporter un éclairage nouveau sur ces troubles de la communication.
L’équipe a demandé à 17 participants droitiers âgés de 19 et 27, n’ayant jamais écouté la musique choisie pour l’expérience, de l’écouter avec des écouteurs, alors que leurs cerveaux étaient évalués par IRMf durant 9 minutes. Au cours de cette séance, les participants ont également entendu deux autres stimuli sonores, issus de la même musique, dans l’un, le rythme avait été effacé, dans l’autre, la mélodie avait été entièrement modifiée en transformant chaque tonalité par algorithme.
L’équipe a ainsi identifié à l’IRMf un réseau cérébral partant des relais auditifs situés dans le mésencéphale et allant jusqu’à la mémoire de travail et d’attention située dans le cortex. Lorsque stimulées musicalement, ces régions s’activent pendant des périodes de plusieurs secondes. Cette activation dans plusieurs zones successives du cerveau est retrouvée de manière identique dans le cerveau de tous les participants, ce qui n’est pas le cas lorsque la musique d’origine a été transformée en stimulus sonore. L’étude montre ainsi que le niveau d’activation de ces zones répond, de préférence, à la « vraie » musique plutôt qu’aux stimuli, ce qui suggère, pour les auteurs, que le cortex dirige les relais auditifs pour mieux tenir compte des sons « naturellement » musicaux. Ainsi, le cortex fronto-pariétal, qui gère les fonctions cognitives comme l’attention et la mémoire de travail, s’active de manière identique chez tous les participants, mais seulement avec la « vraie » musique. Chaque individu écoutant de la musique, a, pour chaque zone sensible du cerveau, son échelle de temps propre comme si le temps nécessaire à donner un sens au morceau de musique était spécifique à chacun. Enfin, ces chercheurs identifient des structures et des circuits cérébraux qui, dans leur activation, suivent l’évolution de la musique. Ils suggèrent que l’activation de ces zones, préférentielle avec l’écoute de « vraie » musique, plutôt que de stimuli sonores, laisse penser que notre cerveau répond naturellement à la stimulation musicale et précède les mouvements qui peuvent accompagner l’écoute de la musique, comme taper dans ses mains, danser, marcher, chanter…Et les modèles d’activation similaires chez les individus normaux participent à favoriser la coordination sociale de nos mouvements.
Quelles applications ? Les auteurs souhaitent étendre ces données à un certain nombre de domaines de recherche qui impliquent la communication interpersonnelle, comme le langage et la communication sociale dans l’autisme. « Les enfants atteints d’autisme écoutent-ils de la même façon que les enfants à développement « normal »? Si non, quelles différences de traitement de l’information? Quelles régions du cerveau sont désynchronisées? ». L’écoute de la musique pourrait ainsi apporter des réponses sur les différences de traitement de l’information chez les personnes atteintes de troubles de la communication.
Source: European Journal of Neuroscience 11 APR 2013 DOI: 10.1111/ejn.12173 Inter-subject synchronization of brain responses during natural music listening