Au milieu du XVIè siècle, en pleine conquête des Amériques, Inès Suarez une humble couturière condamnée à une vie de labeur, quitte l’Espagne pour tenter de retrouver Juan, son mari parti chercher l’aventure dans le Nouveau Monde. Arrivée au Pérou après un long périple, Inès découvre que celui-ci est décédé. Elle croise alors le chemin de Pedro de Valdivia, héros de guerre et maréchal de Francisco Pizarro, conquistador dont l’épouse est restée au pays. Entre ces deux êtres passionnés débute alors une liaison incendiaire. Ensemble, ils montent une expédition et partent à la conquête du Chili. Tout en luttant contre les populations indiennes autochtones peu enclines à se laisser envahir, ils bâtissent le premier bastion espagnol chilien, Santiago. Les luttes sanglantes et cruelles les changeront à tout jamais. Le souffle de l’histoire et les manigances politiques finiront par les séparer.
La contrainte de la reconstitution historique semble avoir bridé l’imagination d’Isabel Allende. Il manque à ce roman la chaleur et l’inventivité qui avait fait le succès de ses œuvres précédentes. L'auteur se contente de rassembler des faits, des noms, des lieux, des dates, amoncellement trop scolaire pour donner vie au récit. Le lecteur traverse les événements sans appréhender les enjeux personnels des protagonistes. Le côté historique l’emporte sur la dimension humaine. Au-delà des faits établis, il ne se passe pas grand-chose. La profondeur psychologique absente, aucune leçon n’est tirée de ces événements tragiques.
Inès Suarez, figure féminine forte, utilise ses dons naturels, son physique, sa sensualité et son intelligence pour prendre le pouvoir dans une société patriarcale et transcender sa condition de femme. Mais le personnage sans aucune introspection, ne s’incarne pas. Elle semble n'être qu'un prétexte narratif permettant à l'auteur de développer une série d’événements. Le récit est présenté comme les mémoires qu’elle rédigerait à l’approche de la mort mais il apparaît difficile de déterminer ce qu’elle ressent, quelles sont ses motivations profondes, ce que représente la conquête du Chili, la fondation de Santiago. Les trois histoires d’amour que vit Inès Suarez, tout d’abord avec son premier mari Juan, ivrogne et séducteur puis Pedro de Valdivia le héros conquérant pas aussi irréprochable que cela et enfin son second mari, Rodrigo de Quiroga, monsieur parfait en carton-pâte, sont prétextes à des scènes à l’eau de rose particulièrement tartes, à la limite du ridicule, bourrés de clichés pseudo-romantiques.
Ce que l’on retient de ce récit assez plat : les combats, la violence, quelques scènes vivaces du quotidien, les soupes maigres que les colons affamés agrémentent de souris, de lézards, d’insectes, le rituel du mariage Mapuche qui consiste à kidnapper la future épousée, les exactions envers les indiens comme lorsque les conquistadors décident de couper le nez et la main droite de leurs prisonniers avant de les libérer, les scènes de torture de part et d’autre.
Inès de mon âme est une fiction historique à laquelle le souffle romanesque fait défaut, un texte peuplé de personnages auxquels manque un certain volume humain. Ce livre assez indigeste au final, ne parvient pas à dépasser le stade du pastiche et ne convainc pas.
Inès de mon âme - Isabel Allende - Traduction Alex Lhermillier - Edition de poche Le Livre de Poche