L'Ensemble vocal Les Métaboles à l'issue du concert des Billettes, © Jacques Duffourg
Baptiste-Florian Marle-Ouvrard, © Concours de Chartres
En apéritif, l'atypique O salutaris hostia - à l'obsédante péroraison centrale, proche de l'onomatopée - Vyautas Miskinis (né en 1954), vient nous rappeler que ces artistes intègrent toujours à leurs programmes des compositeurs vivants (Dimitri Tchesnokov l'an dernier, Arvo Pärt en 2010, par exemple). Toutefois, en terme de durée du moins, ce sont les Psaumes de l'opus 96 de Mendelssohn ainsi que le célébrissime Requiem de Fauré qui occupent la majeure partie de la soirée. Comme le suggère le titre du récital, "Voix et Orgue", le Mühleisen à vingt-neuf jeux de 1983 des Billettes, confié à Baptiste-Florian Marle-Ouvrard (ci-contre), a aussi son mot à dire - et il le dit merveilleusement, tant avec les choristes qu'en solitaire (dans le très luthérien Prélude et Fugue de Mendelssohn et les deux admirables Chorals-préludes de Brahms).du compositeur lituanien
Léo Warynski, © d'après son site
Brahms ! Intrigante, une Messe (Missa Canonica) de sa main, quasi inconnue et d'ailleurs incomplète si ce n'est inachevée, vient prende place après le Miskinis. Privée de Gloria et de Credo, cette pièce sidérante égrène ainsi quatre sections (Kyrie-Sanctus-Benedictus-Agnus Dei) d'une concision aussi impressionnante, que de redoutable difficulté technique, l'Agnus en particulier mettant à rude épreuve les ambitus des parties (1).Sa force spirituelle, littéralement extra-ordinaire, provient tant du dépouillement austère de ses longues lignes, que de son caractère composite, synthétisant en un survol radical des siècles et des styles d'écriture sacrée "germanique". C'est l'art de Schütz qui nous revient, bien sûr, dans le Kyrie si polyphonique ; cependant, très vite, la combinaison Sanctus-Benedictus (avec reprise de l'Hosanna) récapitule toute la science viennoise (Haydn, Mozart, Schubert). Enfin, l'Agnus déjà cité déploie toutes grandes les ailes de prospectives inattendues - y compris sur le plan harmonique -, depuis les contemporains Motets de Bruckner ou Psaumes de Mendelssohn... jusqu'au XX° siècle (certaines trouvailles des Vêpres de Rachmaninov, que les mêmes Métaboles chantèrent ; qui sait, jusqu'à la Grande Messe Solennelle de Thierry Escaich).
Guilhem Terrail, © d'après son site
Mendelssohn, justement, ne pâtit pas du voisinage d'une telle déflagration, les Psaumes de l'opus 96 apportant en contrepoint un apaisement délicieux, ceci dit indemne de toute mièvrerie. Le niveau d'équilibre des volumes (et de grâce) atteint par Warynski (ci-dessus) et les siens (2), entre sa phalange homogène et les registrations subtiles de Marle-Ouvrard, trouve sa clef de voûte dans le matériau d'alto (solo) de Guilhem Terrail (ci-contre) : humilité, piété et aplomb impeccables n'ayant d'égaux que le velouté d'un timbre doux et hypnotique, idéalement prédisposé à une oraison pastorale.Plus particulier encore - puisque Léo Warynski a procédé à une réduction pour orgue, d'après la partie d'orchestre dévolue à "l'instrument roi" - s'avère le Requiem de Fauré. Non seulement, sa lecture, très lente et recueillie n'en pâtit pas, mais elle semble comme y gagner encore de la piété, tant le toucher aussi délicat qu'enveloppant de Marle-Ouvrard semble avoir été conçu pour l'illustre chef d'œuvre ! Les choristes, de tous les pupitres, ne sont pas en reste : leur homogénéité, leur respiration calme et aérée, ainsi que la pointe d'ésotérisme conférée au texte latin (davantage que chez Brahms) offrent un écrin sur mesure aux solistes des Libera me et Pie Jesu (3), qui ne le déparent en aucune façon.
L'ensemble, disposé en forme de "M", © Les Métaboles
Le chef prévient après l'ovation : derrière un tel monument, offrir un bis relève de la gageure. Il en a trouvé un, pourtant, le plus élevé, le plus approprié qui soit pour exalter, et l'orgue, et la voix. De Fauré toujours - d'une brièveté qui fait les vraies grandeurs - le Cantique de Jean Racine tire la révérence, à fleur de doigt et de lèvre.La prochaine démonstration (peut-il en être autrement ?) de ce chœur juvénile, à géométrie variable et à talent constant - est prévue ce 20 avril prochain au Conservatoire de Région de la Rue de Madrid, avec la (re)création des Paraboles de Noël Lee.
(2) Avec un ténor manquant lors de la soirée du 2 février, voilà qui est d'autant plus méritant !...
(3) Respectivement : Pierre Mervant, baryton et assistant de Léo Warynski ; puis Cécile Pierrot (le 29/1) et Lorraine Tisserant (le 2/2).
‣ Le site de l'Ensemble les Métaboles ‣ Le site personnel de Guilhem Terrail
‣ Le site personnel de Léo Warynski ▸ Jacques Duffourg
L'affiche du concert
‣ Paris, Église des Billettes, 02/02/2013 : "Voix et Orgue", un programme sacré de l'Ensemble Choral Les Métaboles.Orgue : Baptiste-Florian Marle-Ouvrard. Direction : Léo Warynski.
‣ Vyautas Miskinis : O salutaris hostia - Johannes Brahms : Herzliebster Jesu (Chorals-Préludes op. 122 n°2), orgue - Brahms : Messe. - Felix Mendelssohn : Prélude & Fugue n°2 de l'op. 37, orgue - Mendelssohn : Trois chants sacrés (psaumes) pour alto, chœur et orgue, op. 96 - Brahms : Herzlich tut mich verlangen (Chorals-Préludes op. 122 n°2), orgue - Gabriel Fauré : Requiem, Cantique de Jean Racine (bis).
‣ Les Métaboles offriront le 20 avril prochain à 17 heures au Grand Auditorium du Conservatoire de Région de la Rue de Madrid, à Paris, Paraboles, une crétion de Noël Lee.