Trust Me // 2 300 000 tlsp.
Par Ronan.
Puisque nous sommes face à une série célébrant la folie, n'hésitons pas à faire référence à une timbrée mémorable du septième art (et de la littérature), en l'occurrence l'immonde Annie Wilkes de l'excellentissime film Misery. Au cours d'une envolée tétanisante, celle-ci décrit son dégout pour les feuilletons terminant leurs épisodes sur une scène extrêmement dramatique puis rejouant cette fameuse scène dramatique de manière différente dans l'épisode suivant ! Et bien, au regard des premières minutes de ce quatrième épisode de Bates Motel, je me sens l'âme d'une Annie Wilkes et je ne comprends pas comment les scénaristes ont osé rejouer le final de l'épisode précédent - certes pour y associer le regard d'un nouveau protagoniste - en modifiant légèrement sa chronologie. C'est le genre de procédé que je trouve absolument incorrect. Heureusement, hormis ce faux pas, l'épisode est dense, très dense, non pas en histoires parallèles rocambolesques, mais en relations humaines riches, complexes, touchantes même, dévoilant nos anti-héros sous des jours nouveaux. Tous les masques ne tombent pas pour autant car, au jeu du "Trust me", qui croire ?
Norma est-elle responsable de la folie de son fils ou le surprotège-t-elle parce qu'elle a constaté qu'il avait des petits problèmes de connexions neuronales ? Cette surprotection alimente-t-elle la folie de Norman et leur relation salement fusionnelle ? Que croire ? Sans répondre à la question, leurs scènes de jalousie respective se renvoient la balle avec un bel écho. Il en est de même pour les deux scènes où ils "s'accusent", soit d'être "malade" pour l'un, soit d'être responsable de tout le bourbier dans lequel ils se trouvent pour l'autre. Mais, comme dans les poupées russes, une question en cache une autre : Norma est-elle la propre source de ses ennuis ou est-elle un malheureux paratonnerre à emmerdes ? Notons que Vera Farmiga nous montre l'étendue de son talent tout au long de l'épisode, entre larmes, colère, panique et sang froid. Elle est définitivement une Norma Bates déstabilisante ! Shelby est-il bienveillant avec Norman ou cherche-t-il à le piéger ? Ce n'est pas le ton doucereux du gentil flic qui permet de distinguer la vérité, puisque le "doucereux" peut être la signature d'un acte attentionné comme d'un acte piégeant ! Que croire ? En revanche, il y a un point que l'on croit sans hésitation : Mike Vogel a une très belle gueule mais le charisme d'une moule au fond d'une cassolette ! L'esclave sexuelle enfermée dans la cave existe-telle ou est-elle le fruit du cerveau malade de Norman ? Que croire ? Tout - dans la mise en scène, dans les regards, dans les intentions des personnages - laisse le spectateur spéculer. Et c'est ça qui est bon. La relation entre Shelby et Norma renforce cette notion de malaise car, selon le point de vue auquel on se rattache, on a la sensation que Shelby se comporte soit comme un dangereux prédateur, soit comme un fou de la choupinette (soit comme un flic cherchant à piéger la coupable d'un meurtre) !
Bradley est-elle définitivement une blonde insipide ou les scénaristes lui réservent-ils un lourd pathos pour la fin de saison ? Que croire ? La scène d'amour entre "BIP" et "BIP" (vous avez vu, j'évite le spoiler) est-elle affreusement kitsch ou ce kitsch se veut-il le reflet de l'innocence et de la touchante maladresse des personnages ? Que croire ? Si c'est la réponse une, bonjour la faute de goût saveur guimauve. Le père d'Emma met-il Norman en garde afin de protéger sa fille ou pour l'éloigner volontairement de celle-ci ? Que croire ? Terminons sur la scène démonstrative par excellence : Norman dévoile absolument tout des derniers évènements à Dylan. C'est un peu laborieux comme une longue explication de texte pour tous les neuneus qui n'auraient rien compris, mais cela débouche sur une connivence, une tendresse salutaire entre les deux frères. Un peu de douceur dans un monde trop brutal. Dylan serait-il le personnage le plus (ou plutôt le moins mal) équilibré de la famille ? Aime-t-il vraiment son frère ou cherche-t-il à se faire aimer de sa mère ?
// Bilan // Malgré quelques supposées maladresses et un début indigne, Bates Motel joue la carte de la proximité et de l'intimité dans ce quatrième épisode pour mieux le pervertir sous une épaisse couche de faux-semblants. Si je ne me modérais pas, j'oserais dire que c'est assez propre aux univers Lynchiens ! Mais ne nous emballons pas et savourons cet épisode quantitativement positif. Trust me !