La presse nous apprend que le Ministère du tourisme aurait lancé le chantier de la distribution du voyage lors d’une récente rencontre avec la Fédération Nationale du Tourisme, réunion qui entre dans le cadre de la démarche du partenariat public/privé. Outre le fait que la grande absente à ce débat fut la Fédération Nationale des Agences de Voyages, les sujets abordés ont été l’intégration verticale, la désintermédiation et l’utilisation d’internet, termes très tendance dans une économie libérale et qui s’appliquent à la grande distribution.
Concernant l’intégration verticale, elle est pratiquée dans le tourisme depuis quelques années déjà par les grands TO qui ne se contentent plus de produire du voyage, mais également de le distribuer à travers un réseau d’agences dont ils sont propriétaires en amont et en aval, créer leur propre réceptif pour assurer l’accueil, les transferts, les excursions, les circuits et gérer les contingents de chambres dans des hôtels sous contrats ou en location.
Ce modèle qui a prévalu dans les années 80/90 est aujourd’hui en déclin, tout du moins sur notre destination. La libéralisation du ciel et l’arrivée des low cost ont sonné sa fin. La force des TO se trouvant dans la négociation de l’aérien par l’affrètement de charters en série programmant des vols en back to back sur une saison ou à l’année. Durant des années, les TO détenaient le monopole du ciel aidés en cela par la compagnie nationale qui leur accordait des tarifs préférentiels, allant vers la fin, jusqu’à concéder 80% de son offre charter à un seul TO en plus d’avantages sérieux sur les lignes régulières desservant les villes de province. Cela n’a servit à rien, et l’on comprend aujourd’hui pourquoi la RAM se désintéresse du segment tourisme….
Cette intégration verticale en amont et en aval, doublée d’un monopole au niveau de l’aérien a finit par détruire tout un pan de l’industrie du tourisme aussi bien dans les pays émetteurs que chez nous, car les premiers à en payer frais ont été les agences réceptives, puis en second lieu les hôteliers et j’ai bien peur qu’aujourd’hui nous ne soyons qu’au début d’un grand déséquilibre de notre industrie touristique.
Le charter, qui représentait 32% des fréquences hebdomadaires en 2007, année 1 de l’open Sky, a perdu 18% en l’espace de cinq ans face aux low cost qui ont gagné 40% de part de marché en grignotant sur les vols réguliers et les charters.
La tendance va s’accentuer avec la mise en place des deux appareils de la base Ryan Air à Marrakech et du 3eme appareil à Fez. La question qui se pose aujourd’hui est : le low cost va t il ramener de nouveau clients ou continuer d’éroder le charter et les vols réguliers?
Dans le même temps, on constate une stagnation du nombre d’arrivées surtout à Marrakech avec un envol du nombre de lits et une chute du taux d’occupation, des indicateurs qui nous incitent à réfléchir sérieusement sur la stratégie marketing de notre destination, car lorsque le vaisseau amiral va mal, que dire de la flottille qui le suit?
Concernant la désintermédiation, on a bien vu que l’intégration verticale s’est employée à supprimer des intermédiaires dans le circuit de distribution, et cette suppression s’est accentuée par le canal internet et l’émergence des OTA (Online Travel Agencies) dont certaines ne commercialisent que des nuits d’hôtels, pas de services, pas de circuits, pas d’assistance juste le gite et parfois le couvert en prenant au passage des commissions substantielles!
Dans l’industrie du tourisme, la qualité de service est primordiale et je ne pense pas que la désintermédiation consiste à éliminer l’agent de voyage réceptif, celui qui crée de la valeur ajoutée à un voyage, en sélectionnant les meilleurs produits qui répondent à l’attente des clients. Il ne s’agit nullement d’un intermédiaire, mais d’un véritable producteur qui confectionne le package en l’optimisant et qui en définitif prend toute la responsabilité dans la réussite du séjour.
De plus, c’est lui qui va à la conquête des nouveaux marchés pour proposer les nouveaux produits, démarcher les agences de voyages, les TO en fournissant toute la documentation nécessaire à la programmation. C’est malheureusement le maillon de la chaine qui a été le plus marginalisé durant la dernière décennie mais qui doit endosser toute la responsabilité pour avoir passé la main par frilosité faute de moyens et par manque d’encadrement et d’accompagnement.
La dernière étude de l’observatoire du Tourisme concernant le suivi de la demande touristique, consacre tout un chapitre au tourisme récepteur. Il en ressort, que les agences de voyages réceptives continuent à générer 50% de la clientèle touristique des hôtels classés, avec 72% de nouveaux clients, 95% de taux de satisfaction et 50% du chiffre d’affaire en devises. Tout cela par à peine une centaine d’opérateurs qui continuent de se battre sur des niches spécifiques: circuits, trekking, MICE, séjours à thèmes qui nécessitent une certaine expertise et une bonne connaissance du produit.
Il y a un véritable savoir faire et le problème réside dans sa distribution vers la clientèle en direct ou via des agences de voyages spécialisées. Dans tous les cas de figure, l’outil internet est incontournable pour achalander nos offres et on revient à ce fameux portail national qui doit être mis à la disposition des réceptifs pour présenter leurs offres packagées adossées aux offres des low cost au départ des bassins émetteurs. Ce n’est pas une utopie, c’est la solution pour se défaire de la dépendance aux centrales de réservations et autres comparatifs qui agissent en véritables prédateurs.
L’étude présentée à la FNT mériterait d’être partagée avec un focus group composé de réceptifs aguerris aux marchés traditionnels et émergents pour ensemble déterminer les leviers à même de nous permettre d’envisager un avenir meilleur et une reprise en main de la commercialisation du produit touristique national.
Si désintermédiation il doit y avoir, ce n’est certainement pas au détriment des agences réceptives qui se doivent aujourd’hui de réfléchir ensemble aux opportunités offertes par internet en matière de distribution et affiner leurs offres en fonction de la demande et du positionnement de chaque territoire touristique en concertation avec l’ONMT.
Les 3ème JPT seraient l’occasion idoine pour ce genre d’exercice…..