Un développement chaotique, de multiples départs au sein de l’équipe, un budget colossal, une campagne marketing détonante et des trailers à la pelle : voilà quelques éléments qui caractérisent le très attendu Bioshock Infinite, suite spirituelle des deux premiers Bioshock. Spirituelle et non suite directe : il ne s’agit pas là d’une préquelle, ni d’une suite ; ni bien même de Bioshock 3 … Simplement d’un conte, d’ une histoire qu’Irrational Games souhaiterait nous faire entendre après s’être enfermé pendant 3 longues années, à triturer, à modeler et transformer l’univers de la saga. Adieu Rapture, cité post-utopique sous les océans, des salles crasseuses, malsaines et bondées d’êtres humains qui n’en sont plus. Bienvenue dans les nuages, bienvenue à Columbia, là où le soleil brille de ses plus beaux rayons, où les enfants crient leur joie de vivre, où la chaleur humaine réchauffe les rues. Un Éden sur Terre ? Pas vraiment …
Quand j’ai débarqué à Columbia, j’ai eu un choc : tout d’abord, qu’une ville entière puisse flotter juste au dessus de ma tête, sans que je le sache … Puis, j’ai découvert des rues paisibles, tranquilles et pourvues d’un certain cachet qui n’était pas sans me déplaire. Les boutiques étaient chaleureuses, accueillantes et les vendeurs toujours souriants, prêt à rendre service. D’un pas déroutant, je me rendais sous la statue du « Prophète », grand fondateur et dirigeant de la ville de Columbia. Une immense statue, érigée en son nom pour asseoir sa puissance et sa notoriété au sein de la cité. Une femme et son fils pique-niquaient tranquillement sur un petit coin d’herbe, près de la fameuse silhouette taillée dans la pierre et façonnée à la sueur des citoyens modèles de la ville. Certain bâtiment se déplaçait tout seul : un restaurant « partait » de son emplacement, pour laisser place une minute plus tard à une boutique de chaussures, où les mocassins et diverses modèles en exposition s’étalaient le long des vitrines reluisantes sous les rayons ensoleillés de cette chaude journée de l’an 1912. Les enfants jouent dans les rues, les passants discutent entre eux, le marché attirent du monde, et les démonstration attisent la curiosité des habitants. La ville parfaite au final …
Voilà comment Booker Dewitt, protagoniste principal du jeu (et accessoirement le personnage que nous dirigerons tout le long de l’aventure) aurait pu décrire la ville perchée dans les nuages, juste après avoir déboulé contre son gré dans cet endroit à la fois étrange mais extrêmement envoutant. Vous l’aurez compris : Bioshock a troqué son habit de sale gosse, crasseux et puant pour celui d’un autre bien plus « tape à l’œil ». Une fois passée la scène d’intro, vous passerez très certainement l’heure la plus enivrante qui vous aura été donné de vivre dans un jeu vidéo. Lorsque vous pénétrerez pour la première fois dans Columbia, vous ressentirez comme une impression d’écrasement, d’impuissance face à la beauté des décors et du level-design qui s’offre à vous. Et si il y a bien une chose sur laquelle on ne peut pas blâmer le jeu, c’est bien sur ce point. La ville fourmille de détails en tous genres : des affiches publicitaires, des boutiques ouvertes (ou fermées), des stands de marchandises, un groupe de musiciens qui vient « s’amarrer », puis commencer sa chorale et repartir aussitôt après avoir terminé, applaudit par les quelques curieux qui auraient entendus les douces mélodies s’échapper dans les airs. Columbia est remplie de vie, de gaieté et doté de décors tout simplement sublimes. On retrouve bien la pâte artistique des premiers Bioshock, même si l’ambiance d’Infinite est à l’opposée de ce que les 2 premiers volets nous avaient offerts.
Même si la ville semble accueillante à première vue, vous comprendrez vite que ce petit coin de paradis va vite se transformer en enfer pour Booker, qui se verra contraint de massacrer à tout va pour remplir sa mission. « Sauver la fille pour effacer la dette », voilà votre but premier dans Bioshock Infinite. Vos premiers pas dans la ville seront forcément déroutants, tant la richesse de l’univers et les couleurs pastelles vous en mettront plein les mirettes. Premier défaut que l’on pourra évoquer : les PNJ sont de véritables automates ! Même si chacun vit sa petit vie, gentiment scripté par les développeurs d’Irrational Games, aucune interaction ne sera possible avec eux. Ils se contenteront simplement de vous regarder, sans dire un mot. Pire : ces derniers se contenteront de lire leurs dialogues, puis de la fermer tout simplement. Ce premier accroc peut « casser » l’ambiance si l’on est pointilleux à ce niveau là, mais encore, ce n’est pas non plus le plus choquant. Non, les animations des PNJ demeurent assez « violentes » et certains personnages sont de véritables robots quand il s’agit de faire le moindre mouvement (vous n’aurez qu’à observer les personnes qui applaudissent, avec des animations assez indignes pour un jeu sorti en 2013).
Tuerie visuelle ?
Tout le monde ne s’appelle Crysis ou Battlefield. Bioshock Infinite est faiblard côté technique : tournant sous l’Unreal Engine 3, le moteur graphique se fait vieillissant et propose un rendu toujours trop « flashy » à l’écran. Mais ne soyons pas pessimiste pour autant : le level-design, les couleurs très bien choisies et certaines textures (comme la peau, les tissus ou le sang) demeurent sublimes ! Les effets de lumières sont aussi très bons (quoiqu’un peu trop accentué à cause du moteur …). Certains pourraient lui reprocher de ne pas faire dans le photo-réalisme, mais au final, cela se révèle payant grâce à des bâtiments bien modélisés et quelques panoramas à en faire frémir les photographes. Tout comme au cinéma, vous ferez une petite pause et admirerez le paysage ensoleillé. Tout comme au cinéma, le jeu propose une photographie assez exceptionnelle et quelques chose d’assez inédit visuellement. Vous ne ressortirez pas indemne de l’expérience, et c’est cela qu’il faudra retenir !
Cela dit, ne vous attendez pas à trouver ce genre de bâtiments tout le long du jeu : vous visiterez également d’autres parties de Columbia, bien plus pauvres et malfamées. Le level-design changera radicalement pour proposer quelque chose de plus sombre, plus « malsain ». Rien à signaler, même dans les tréfonds de Columbia. Une fois de plus, vous admirerez le paysage, les yeux ébahis.
Elizabeth, un boulet ?
Assez rapidement, vous « sauverez la fille pour effacer la dette ». Cette fille : Elizabeth, drôle de personnage aux pouvoirs tout aussi étranges. Piégée entre les griffes de Songbird, son oiseau-protecteur géant qui rôde autour de sa « prison ». Infinite proposera quelque chose d’assez inédit dans un jeu vidéo : un PNJ utile ! Oui, Elizabeth ne sera pas un boulet qui fera semblant de vous aider dans votre quête. Très vite, les gunfights débouleront dans la paisible cité et vous devrez jouer du flingue pour vous sortir de situations délicates. Lors des nombreuses rixes qui vous attendront tout le long de l’aventure, votre très jolie « prisonnière » fouillera le champs de bataille, les cadavres à la recherche de ressources : santé, munitions, argent et Toniques (j’y reviendrai plus tard) seront là pour vous épauler lors des fusillades.
L’idée est vraiment très bonne et Elizabeth aide vraiment. Mais comme tout système, ce dernier possède ses défauts : en mode de difficulté « normal », vous n’aurez même plus besoin de looter les corps inanimés de vos adversaires : il suffira simplement de tirer, puis d’attendre qu’Elizabeth vous envoie des munitions ou diverses ressources. Cela dit, augmenter le niveau de difficulté pourra « effacer » ce soucis, les ressources se feront bien plus rares sur le champs de batailles. Autre atout de la jeune femme, bien pensé et très bien intégré au gameplay : les failles. Dotée de pouvoirs surnaturels, Elizabeth pourra ouvrir de multiples failles dans les arènes qui vous seront proposées. Ces failles peuvent vous permettre de faire apparaitre santé, armes mais aussi « perchoir », pour vous permettre de vous y accrocher et sauter sur l’ennemi par surprise, abri, et même Patriote motorisé ! (qui viendra gonfler vos rangs)
Un atout de poids contre des adversaires toujours plus nombreux. Adversaires qui d’ailleurs, demeurent très « basiques », à la limite d’êtres décervelés. L’IA n’est clairement pas l’un des points forts du jeu : certains adversaires vous fonceront dessus, sans réfléchir. D’autres camperont derrière les caisses : vous prendrez donc un malin plaisir à attendre que leur crâne dépasse de derrière leur abri, pour le leur exploser à coup de balle de sniper. Pas très fute-fute les habitants …
Gameplay : un FPS « CallOfDutyesque »
Si vous êtes un habitué des FPS couloirs, Bioshock Infinite ne devrait pas vous déplaire : Columbia a beau être magnifique, cela n’empêche en rien le cruel manque de liberté dans les cieux. Nous touchons le gros point faible du titre : son gameplay. Si par le passé, la série nous avait habitué à de l’action, correctement dosé grâce à des phases d’exploration et de stratégie en parallèle, ici, il n’en est rien. Votre seul but sera de bourriner, de rentrer dans le tas et c’est tout. Les amateurs d’action apprécieront, certes, mais le manque de finesse et de liberté d’action du joueur est fort décevant, surtout pour un titre aussi accrocheur qu’Infinite. Les décors demeurent somptueux, le level-design très bon mais cela n’est pas suffisant pour rattraper un gameplay assez avare et feignant. Les failles permettent de casser cette monotonie mais au final, cela ne permet en aucun cas d’échapper à ces multiples combats, certains interminables (notamment la dernière mission avant le bouquet final …).
Heureusement, quelques événements viennent pimenter ces gunfigts lourdingues au possible : les Handyman par exemple. Ces protecteurs, moitié humain moitié machine vous donneront une raison d’utiliser à bon escient les Sky-Line, rails suspendues dans les airs. Vous pourrez alors vous échappez de quelques situation mal engagées, pour surgir par derrière et créer un effet de surprise. D’autres adversaires « spéciaux » sont également présents, mais passent vite aux oubliettes du fait de leur manque de « charisme » et leur design assez plat.
N’oublions pas les Toniques, nouveau nom pour les Plasmides de Bioshock 1 et 2. Vous trouverez de nombreuses bouteilles, qu’il vous faudra boire : une fois l’instant passé, vous serez doté de pouvoir assez incroyable. Les Toniques permettront de diversifier les combats, et de pouvoir « casser » les combats trop rébarbatifs. Pêle-mêle : des boules de feux, une super-charge, de la foudre électrique et bien d’autres vous attendent pour quelques combats endiablés. Le nombre de Toniques est assez conséquents, mais au final, très peu vous seront utiles. Vous pourrez également améliorer leur puissance, leur portée etc … dans les diverses automates qui serviront d’armurerie. L’argent que vous ramasserez servira essentiellement à cela : améliorer armes, santé et pouvoirs. Vous pourrez également faire tout le jeu sans rien améliorer, cela ne changera pas forcément la donne lors des combats …
La progression étant très linéaire, il vous sera difficile d’explorer les environs. Ce qui faisait autrefois la force des anciens Bioshock (le coté exploration, survie et recherche de ressources) est laissé de coté. Hors combats, vous n’aurez rien d’autres à faire que de looter sur les cadavres, « explorer » le peu de bâtiments entre-ouverts. Vous passerez votre temps à marteler la touche F/Carré/X (selon votre support) pour ramasser munitions, santé et pièces dorées. Lassant, très lassant à la longue … Le nombre d’armes est aussi limité : vous pourrez n’en porter que deux seulement. Non que cela soit gênant mais il faudra sans cesse venir récupérer son ancienne arme si on l’avait échangé contre un lance-roquette, peu pratique lors de combats à moyenne distance. Les fans de la première heure criseront devant ce choix assez peu compréhensible : les habitués, eux, ne s’en rendront même pas compte (c’est aujourd’hui la norme pour tout bon FPS qui se respecte).
Le soucis avec ce Bioshock, c’est qu’Irrational Games a peut-être trop voulu « guider » le joueur, lui montrer ce qu’il avait à lui montrer. Au final : il en ressort un gameplay plat, et même si certaines idées sont louables, elles sont biens trop sous-exploitées pour en faire quelque chose de potable. Dommage : les joueurs ne jouent pas à un jeu vidéo pour ses graphismes ou son scénario, mais bien parce que ce dernier est fun et procure de bonnes sensations. Les joueurs veulent un vrai gameplay, tout simplement. Infinite loupe le coche …
Un scénar’ tout droit sorti du cinéma …
Avouons-le, le scénario d’un jeu vidéo se rapproche bien plus du cliché que d’un véritable bon film. Pourtant, Bioshock Infinite met une grosse claque côté histoire, et nous propose une intrigue assez captivante. « Sauver la fille pour effacer la dette » : toutes les réponses se trouveront dans les 20 dernières minutes du jeu, qui serviront en quelque sorte de gros « déballage » scénaristique. Il faudra vous accrocher, vous préparez mentalement : le soft vous jettera littéralement à la figure une plâtré de révélations en tous genres. Toutes les questions que vous vous posiez au cours de l’aventure trouveront une réponse.
Sans rien dévoiler bien évidemment, vous vous retrouverez plonger dans une tourmente scénaristique rarement atteinte dans un jeu vidéo : autant les cut-scenes du jeu sont sublimes (notamment celles en présence de Songbird), autant le finish de Bioshock Infinite vous scotchera à votre siège, tout simplement. Et une fois les révélations faites, vous finirez par retrouver tous les embranchements qui s’en suivront, que vous avez aperçus tout le long de l’histoire. Une fin rarement atteinte dans un jeu vidéo, et certainement rarement atteinte dans tous médias confondus (PS : restez jusqu’à la fin du générique …)
Pour qui Bioshock Infinite est-il destiné ? Les fans de la saga ne se priveront pas d’un épisode supplémentaire. Les fans de jeux d’action non plus. Ceux qui souhaiteraient une aventure ouverte, ne vous tournez pas vers ce jeu : aucune liberté, autant dans le gameplay que dans l’action. Les amateurs de belle histoire et de révélations à tout va devraientt-être conquis cela dit. Un level-design impressionnant, des couleurs sublimes, une ville vivante, un jeu d’acteur convaincant, une histoire captivante, une fin impressionnante Un gameplay trop fermé et trop scripté, des animations qui font peine à voir, des gunfights très lourds et répétitifs, des idées sous-exploitées