Festival Jazz et Cinémas
Paris. MK2 Grand Palais.
Vendredi 12 avril 2013. 22h.
" Modern Jazz au Studio 4 "
Jean-Christophe Averty. 1963.
RTF/INA
Le problème avec le Swing, c'est que c'est une drogue dure. Une fois accroché, difficile de décrocher. L'avantage, c'est que c'est légal et sans danger pour la santé. C'est pourquoi avoir vu " Le festival de Jazz de Cannes. 1958 ", je suis resté dans la salle du MK2 Grand Palais pour apprécier le travail en studio de Jean-Christophe Averty, le réalisateur le plus fantasque de l'histoire de la télévision française.
Cette soirée studio commençait le Modern Jazz Quartet, émission diffusée le 11 avril 1958 à la RTF. Le MJQ était composé de John Lewis (piano), Milt Jackson (vibraphone), Percy Heath (contrebasse) et Connie Kay (batterie). Ce groupe illustre parfaitement le propos de Jean Cocteau: " Le Jazz, c'est le concert de chambre parfait avec des solistes incomparables ". Un concert du MJQ de 35mn filmé, sans aucun commentaire, sans public, en studio où Jean-Christophe Averty se fond dans le groupe usant des gros plans, des fondus enchaînés, des plans rapprochés, montrant l'écoute, la fusion entre les quatre membres du groupe. Je n'ai identifié que le premier morceau " I love You Porgy " (Georges Gerswhin). J'ai retrouvé pendant 35 mn le mélange unique du MJQ entre le raffinement harmonique issu du classique (John Lewis a poussé son amour de la musique classique jusqu'à épouser une claveciniste croate!) et le Blues, le Swing, le Groove propres à la musique noire américaine. De bout en bout, c'est prodigieux d'entente, de précision, d'élégance, de respiration. Le Modern Jazz Quartet dans toute sa splendeur.
Suivit " Modern Jazz au Studio 4 " , émission diffusée le 17 novembre 1960. Un portrait du Jazz français de l'époque avec 4 groupes en 15mn: le trio HUM (Humair, Urtreger, Michelot), le trio de Lou Bennett (orgue Hammond), le quartette de Guy Laffitte (sax ténor), le quintette d'André Persiany (piano) avec l'aristocrate du saxophone baryton, Michel de Villers de Montaugé. Le trio HUM se détache du lot pour ses qualités musicales même si je continue de préférer Martial Solal à René Urtreger; En noir et blanc, Averty s'amuse à pousser les contrastes, à jouer des ombres chinoises, à filmer d'en haut, d'en bas, de côté. Ses improvisations visuelles font corps avec celles des musiciens.
Pour finir, la " Blue Note Parade " diffusée le 6 avril 1963 avec Cat Anderson (trompette), Johnny Griffin (sax ténor), Kenny Drew (piano), Gilbert Rovère (contrebasse), Larry Ritchie (batterie). Casting de rêve, musique de feu. Ils jouent aussi bien un vieux classique comme " Saint Louis Blues " de WC Handy que " Rhythm A Ning " de Thelonious Sphere Monk. Je continue d'ailleurs de penser que Johnny Griffin fut le meilleur saxophoniste ténor de TS Monk. Si vous n'êtes pas d'accord, écoutez leur version de " Misterioso " en concert au Five Spot puis reparlons en, lectrices exigeantes, lecteurs pointilleux. La rythmique est d'une précision de métronome, pétrie de swing et de Blues évidemment. Cat Anderson a un jeu plus classique que Johnny Griffin (il vient de l'orchestre de Duke Ellington) mais cette différence de style crée une tension, une dynamique dans leur jeu. Sur Monk, Griffin prend les devants. Sur " Saint Louis Blues " c'est le Cat. Là encore, JC Averty est inspiré par la musique, se permettant de faire apparaître caméra et cameraman à l'écran comme s'ils faisaient partie du groupe.
Il est 23h30. Je viens de savourer plus de 3h de Swing concentré. Whaouah! Cela me rendra plus exigeant pour écouter les Jazz(wo)men actuels, c'est certain.
N'ayant pas trouvé de vidéo de ces émissions, repartons en vacances sur la Croisette à Cannes, en juillet 1958, avec Stan Getz accompagné par Martial Solal. Il y a pire comme séjour balnéaire et estival, avouez le, lectrices exigeantes, lecteurs pointilleux.