Ce n'est pas la fin du monde mais sans doute la fin d'un monde. Yin est parti trop tôt, trop jeune .Beaucoup de monde était venu ce matin frais d'avril au crématorium du Père Lachaise pour saluer l'ami généreux, le poète...Peu ont pris la parole pour dire leur tristesse... trop d'émotion. Une rare émotion. A sa façon, Yin avait réinventé la "bohême" à Montmartre, la vraie . Son restau n'était pas un piège à touristes mais un pièges à poètes. On aurait pu y croiser Antoine Doisnel. Tout y paraissait possible, on y réinventait la vie , on voyageait au son de Janis Joplin ou de Jim Morrison. Tout était toujours possible - comme d'arriver à n'importe quelle heure ou de boire un verre au-delà de la fermeture. Tout était toujours possible chez Yin, maître de l'écoute, drôle , confident ou espiègle... On y croisait non des people mais des artistes. Nombre de comédiens y avaient des soupes à leur nom. Un plafond placardé d'emballages d'oeufs insonorisait l'espace dans lequel circulaient Bimbo son chien fidèle et sa dernière portée, des chats (au moins deux). Parfois il sortait sa pipe de philosophe et toute la bêtise du monde s'envolait. Pareille capacité d'ouverture est bien rare. Pareille chaleur, bien rare. On remontait sans peine la longue rue Lamarck pour aller manger chez Yin. D'abord pour voir Yin, accessoirement pour souper. Aujourd'hui où il s'en va , on a le sentiment qu'il a accompli sa tache : rendre heureux tant de gens, perpétuer un esprit de liberté et d'un peu de démesure dans un monde bouffé par l'égoïsme, le culte du marché et du marketing. Yin était notre ami, un beatnilk chinois égaré au pied de la Butte et qui a rendu des tas de gens heureux.