Et l'abstinence non choisie des handicapés ?

Publié le 13 avril 2013 par Idealmag @idealmag2

Après le débat sur le mariage pour tous, les citoyens ont-ils été entendus sur une autre question sociale; la sexualité des handicapés ? Car le CCNE (Comité consultatif national d’éthique) a rendu public son avis défavorable aux services "d'accompagnement sexuel" des handicapés. Bien sûr, on ne peut statuer sur tout et à tout bout de champs, mais en terme de souffrance sociale, celle des handicapés ne compte-t-elle si peu qu'aucun média ne lui accorde de juste tribune ?


Les « aidants sexuels », qu’en pensez-vous ?

Les « aidants sexuels », qu’en pensez-vous ?
Doit-on autoriser ou interdir le service qui consiste à "offrir des aidants sexuels" aux handicapés qui ne peuvent s'épanouir sexuellement ?

J'aimerai poser très franchement une question. Accepteriez-vous une vie d'abstinence sexuelle, alors que vous en avez le désir,  de ne pas connaître votre corps dans ce qu’il a de plus intime, et de ne pas connaître celui de l’autre ? Aujourd’hui, des hommes et des femmes se trouvent privés de toute vie sexuelle parce que leur handicap les empêche d’accomplir ne serait-ce que des gestes indispensables. De même façon que l'on débat sur les droits au mariage pour tous, donc pour une sexualité homosexuelle sans "pré-jugés", peut-on encore être considéré comme un être asexué, désincarné, sans désir, ni besoins, sous prétexte de notre handicap ? Les parents d’adolescent(s) et de jeune(s) adulte(s) en situation de handicap sont confrontés à de telles situations dans leur quotidien, au sein de leur propre famille, sachant que l’épanouissement de leur enfant devenu adulte, passe par le respect de son intimité et de son corps.

Chaque être humain doit avoir accès librement à une vie affective et sexuelle, sans l'accord ou l'autorisation de qui que ce soit, si ce n'est un(e) partenaire. N'est-ce pas une liberté fondamentale et un droit inaliénable pour tous ?

Certaines personnes lourdement handicapées  font une demande à notre société, celle d'une mise en place de services d’accompagnement sexuel. Ces services seraient à la fois des lieux d’information, d’aide à la formulation de leur demande et de mise en relation avec un assistant sexuel.

Les professionnels qui accompagnent les personnes en situation de handicap se retrouvent, eux aussi, dans des situations difficiles et parfois même limites moralement et légalement : demande d’aide pour des gestes sexuels, de mise en relation avec un tiers, etc.

Il s'agit d'un assistant, homme ou femme, dont le rôle serait de répondre à un besoin d’apprentissage et de découverte de l’intimité, mais aussi de prodiguer, dans le respect, une attention sensuelle, érotique et/ou sexuelle. Il pourrait aussi permettre l’acte sexuel entre deux personnes qui ne peuvent l’accomplir sans aide.

Le recours à un(e) assistant(e) sexuel(le) n’est peut-être pas le seul recours possible, mais   ont-ils le droit de faire ce choix , librement consenti dans une relation humaine et/ou professionnelle ?

Or, l’assistance sexuelle est aujourd’hui assimilée à de la prostitution et ceux qui mettent en relation assistant(e) sexuel(le) et personne en situation de handicap à des proxénètes. Qu'est-ce qui les différencie ? Une rigoureuse procédure de recrutement et une formation à l’accompagnement sensuel et érotique, l'animation d'ateliers de séduction, d’estime de soi par l’estime de son corps, l’évaluation et l’analyse des pratiques professionnelles, un suivi psychologique individualisé pour ces praticiens.

Témoignage de Pascal, aidant sexuel

Même Auteur ou Sujet Kinésithérapeute et psychologue de formation, offre un ou deux jours par mois, un moment de tendresse, de caresse à des personnes handicapées. Pascal, seul aidant sexuel en France, se confie. "J’ai une vie de couple riche et épanouie, une femme que j’aime, des enfants. Et c’est là, justement, que je trouve cette force de partager un peu de mon bonheur avec des personnes lourdement handicapées, en grande souffrance."

Pascal a 50 ans, un vrai métier de formateur hospitalier. Mais il est aussi, un ou deux jours par mois, assistant sexuel auprès de personnes handicapées en mal de tendresse, de caresses, d’humanité tout simplement, exerce discrètement cette activité «presque militante » dont il est fier. "Je suis le seul aidant sexuel certifié en France", explique celui qui a suivi, en 2008-2009, une formation à l’aide sexuelle en Suisse romande, où cette activité est tout à fait légale.

Pascal explique pourquoi il a choisi d’aider des handicapés moteurs à réveiller une sexualité endormie, anesthésiée par des années de déni de leur corps. Ils voient défiler des dizaines de soignants qui viennent leur prodiguer des soins d’hygiène. Alors ils ont appris à abandonner toute pudeur pour se mettre nus devant ces gens qu’ils connaissent à peine.

Pascal raconte : "Une femme de 35 ans m’a confié que, pendant des années, elle s’était comme désincarnée pour supporter ces soins. Et puis, avec moi, elle a eu envie de redécouvrir un corps qui ne soit pas juste source de souffrance, mais de plaisir." Je ne propose pas de rapport sexuel complet, ni pénétration ni fellation. Mais j’offre des caresses pouvant aller jusqu’à l’orgasme et des corps-à-corps dans la nudité.

L’autre jour, une femme m’a dit : "J’ai 54 ans et je n’ai jamais été prise dans les bras d’une personne de l’autre sexe. J’aimerais connaître ça avant de mourir…Ça m’a ému."

Pascal n’est pas rémunéré. "Je demande juste le remboursement des frais de déplacement." Un choix qu’il a fait pour ne pas qu’on l’accuse de se prostituer,  "mais je trouverais plus sain d’être payé, comme dans les autres pays"

L’intimité qu’il offre est gratuite, mais «très enrichissante. Chaque rencontre est une aventure. L’émotion est là, et on se rend compte que la beauté peut se réveiller même dans un corps blessé, meurtri, abîmé.

En France, la mise en place de ce service soulève des questions juridiques, car il nécessiterait la modification du code pénal concernant deux aspects : la prostitution et le proxénétisme (articles 225-5 à 225-12 du code pénal).

Source : http://handiblog.over-blog.fr/article-temoignage-de-pascal-aidant-sexuel-61986696.html  

Les arguments de ceux qui sont contre

Pour ses détracteurs, ce service, en proposant des prestations "sexuelles" tarifées, s’apparente à de la prostitution, et est contraire aux principes de la dignité humaine.

Par ailleurs, ils déplorent une vision réductrice et discriminante de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées. Selon eux, cette mesure n’est pas représentative des demandes, mais émanerait d’une minorité, principalement masculine, dans le but de satisfaire des besoins sexuels. La majorité des personnes concernées ne réclameraient pas un service sexuel, mais la possibilité de vivre une vraie relation affective et sexuelle.

Ils s’inquiètent également d’une ghettoïsation et d’un maintien dans l’assistanat des personnes handicapées, qu’ils considèrent dégradants.
Enfin, ils s’interrogent sur les risques et effets négatifs de ce service: la difficulté à apprécier le consentement de la personne concernée dans certains cas; le choix d’un assistant sexuel à sa convenance; la gestion délicate des liens affectifs qui pourraient se créer et les éventuels abus qui pourraient avoir lieu.

http://www.liberation.fr/societe/01012360799-les-aidants-sexuels-ou-perpetuer-la-ghettoisation

Appel aux principaux intéressé(e)s

Récemment, dans un communiqué commun avec le conseil général de l'Essonne, l'Association des paralysés de France (APF), a appelé "à ne pas fermer le débat sur l'assistance sexuelle pour les personnes en situation de handicap". Ce conseil général va engager une réflexion "sur la vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap" dont une des pistes serait la création d'un statut "d'assistant sexuel", a indiqué (21 mars) l’institution. "On s'occupe de l'accès aux transports, au droit au logement, mais cet accès à la sexualité est un impensé total", a indiqué à l'AFP, Jérôme Guedj, député et président (PS) du département.

Ce sujet de discussion échangé au sein de ma propre famille, pourtant pas confrontée au handicap, a soulevé la question de la prostituion, du au fait qu'on attache le plus souvent cet act aux prostituées "femmes", même si certains hommes se prostituent. Cette vision machiste et patriarcale n'est-elle pas un frein à l'évolution des consciences et pratiques, au point qu'elle nous empêche de regarder un act pour ce qu'il est, et non pour ce qu'il suscite  ?
J’ai bien mon propre avis sur la question, mais il me parait indispensable de recueillir l’opinion des principaux intéressé(e)s et leur donner une place et un espace de parole et d’argumentation.

Donc, si vous êtes une personne handicapée, un compagnon ou une compagne de personne handicapée, votre parole est  la bienvenue soit en laissant un commentaire sur cette page, soit en m’envoyant un mail à sylvain@idealmag.org