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Babx en interview : « Les mots sont des instruments comme les autres »

Publié le 13 avril 2013 par Swann

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Drônes Personnels fait partie des albums que j’écoute le plus en ce moment et pour tout avouer, cela faisait un moment que j’avais envie de rencontrer Babx.
Fin 2010, j’avais pris une claque comme j’en ai rarement pris en découvrant ce garçon. Un concert privé dans un cadre particulier : le studio Pigalle. Je me souviens avoir laissé échapper quelques larmes d’ailleurs. Deux ans plus tard, il sort un troisième album, moins intimiste que les précédents, plus électrique, voire électronique. Barré, touchant et truffé d’expérimentations sonores. Pas de changement radical toutefois, on retrouve le BabX qu’on connait : les chansons qui semblent bricolées, une plume toujours aussi poétique, les femmes sont toujours aussi présentes. Et comme toujours, il nous fait voyager, pleurer, planer, tripper.
On l’a rencontré dans les loges de l’EMB Sannois pour une interview en deux parties. Une très jolie rencontre !

L’EMB est l’une des premières salles à t’avoir fait confiance, qu’est ce que ça te fait de revenir ici ?

Je viens dans cette salle pour chaque album, j’ai comme l’impression d’aller voir une grand-mère où la sage-femme qui m’a accouché. J’ai envie de lui dire « merci madame d’avoir été là« ! Ca fait super plaisir, c’est une super salle qui t’accueille avec des M&M’s, comme la grand-mère qui prend soin de toi.

L’accueil est différent que dans une salle parisienne ?

Pour moi, le public parisien est un public qui est là depuis le début et qui ne cesse de grandir. Quand une date parisienne arrive, on pourrait croire que c’est la date la plus importante, mais en fait c’est le concert le plus détendu de la tournée à chaque fois ! Pas forcément le meilleur. En province ou sur une date comme aujourd’hui, c’est différent, parce qu’une partie ne vient pas pour toi, là les gens viennent pour voir Fauve, donc c’est un public à conquérir. Ce n’est pas la même chose, mais j’adore ce genre de concert, dans ce genre de salles, un peu club. C’est même le genre d’endroit où l’on préfère jouer.

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Tu as joué à la Gaité Lyrique, comment ça s’est passé ?

J’étais super ému par les gens, le public, l’accueil. Je ne trouve pas que ce soit le meilleur concert qu’on ait fait. C’était le premier de la tournée, on n’était musicalement pas en place encore, mais les sensations étaient surtout dirigées vers les gens, et il y a eu un super retour. C’était mortel. Quelque part, j’ai hâte d’être à la prochaine, maintenant qu’on a réussi à bien roder tout ça.

Tu présentes Drônes Personnels, ton nouvel album, dans lequel on note une place plus importante pour l’électronique, les machines… pourquoi un tel changement ?

Je voulais prendre le contre-pied de mes précédents albums où de ceux sur que j’ai réalisé qui étaient plus acoustiques avec des cordes, des cuivres. J’étais allé au bout de ce son, je voulais le yang de ces sonorités-là, travailler sur et avec de l’électrique, de l’électronique sans être électro parce que je n’ai pas une grosse culture électro  Je voulais des sons plus synthétiques, faire évoluer les sons sans perdre mon identité. Un changement sans me brusquer !

Tu as une façon d’écrire assez particulière, on a l’impression que les mots chantent tout seuls, l’écriture te vient facilement ?

C’est cool, c’est ce que j’essaie de faire. Ecrire ne prend pas forcément du temps. En fait, il n’y a pas de règles, et c’est bien ce qui m’emmerde ! Il y a des trucs qui viennent assez rapidement, qui s’écrivent en dix minutes, d’autres chansons, pas forcément les plus longues qui peuvent prendre un an, parce qu’il y a un truc qui t’emmerde, tu l’abandonnes et puis tu y reviens. Y’a pas vraiment de règles, mais souvent c’est le texte qui guide la musique. Le texte, les mots, l’imaginaire ça m’amènent des idées d’arrangements et ouvrent les fenêtres pour la musique. J’essaie de faire en sorte que ce soit comme une hydre à deux têtes et qu’ils aient le même corps… Les mots sont des instruments comme les autres.

Drônes personnels est sensuel mais aborde des thèmes assez graves et sombres… les chansons sombres sont-elles plus faciles à écrire ?

Dans mon cas il s’avère que oui… Mes chansons légères et joyeuses doivent se compter sur les doigts d’un moignon. En fait je me suis demandé pourquoi je n’écrivais jamais de chansons gaies et guillerettes et j’ai trouvé deux raisons : je n’écoute rien de gai et guilleret, genre Charles Trenet ça m’emmerde pourtant je trouve ça cool les chansons guillerettes mais j’en n’écoute pas, j’ai besoin de retrouver une espèce de recueillement dans la musique. L’autre raison c’est que quand je suis gai c’est que je suis généralement avec mes potes, que je profite de la vie et j’ai pas envie d’écrire une chanson. Quand j’écris, en général, c’est pour parler de ce que je cache sous le tapis, c’est laisser parler mon côté obscur que tu n’exploites pas au quotidien avec tes potes. Certains ont besoin de marcher, entrer en communion avec les éléments, moi c’est écrire des chansons.

Camelia Jordana chante sur « Je n’ai jamais aimé ». Chanter avec elle était évident pour toi ?

Il y a un truc super fort quand on chante ensemble, comme les deux rails d’un même chemin de fer, et c’est assez rare. Il y a un tas de chanteurs et chanteuses que j’adore, mais ce n’est pas dit qu’il se passe un truc quand on chante ensemble. Avec Camelia Jordana, à chaque fois qu’on le fait, ça le fait. Donc oui, ça me paraissait évident.

On a beaucoup évoqué Bashung au sujet de « Tchador Woman »… Tu as pensé à lui pour composer ce titre ?

J’essaie de ne pas penser à lui justement ! (rires) Déjà quand j’y pense pas ça y ressemble alors si je pense à lui, ce serait encore pire. Quand on lit le texte séparément on ne pense pas à lui d’ailleurs à part qu’il y a « rêve » et « madame » dedans ! C’est un peu chiant maintenant tu ne peux plus associer les deux sans qu’on y voit une référence, tant pis ! En fait, je voulais des guitares un peu à la Sonic Youth, un peu crados, mécaniques, rouillées. Et pour la voix, je vous livre tous mes secrets, j’avais envie d’un truc qui sonnait comme le chanteur de LCD Soundsystem, une voix pêchue  sans trop de reverb, un peu funky et en fait tout ça mis ensemble a fait que ça ressemblait à un truc de Bashung et ça fait chier ! Mais en fait il n’y a aucun problème, c’est un mec qui a tellement marqué la musique. On est tous un peu héritier de ce qu’il a fait, qu’on le veuille ou pas! Et je m’en cache pas du tout.

J’ai lu dans un article que « Babx est une belle anomalie pop », es-tu vraiment une anomalie pop?

(rires) Je pense que ce serait pire si on me disait que j’étais pop. Le contraire d’anomalie c’est la nomalie ? Quelqu’un de normal… ça fait trop François Hollande  ça ! Quelque part je préfère être une anomalie, et puis pop c’est cool moi qui n’aime pas ça en général. Ça pourrait être un nouveau truc dans les bacs à disques : les anomalies pop ! Je veux bien ça ne me dérange pas !

Passons à l’interview « Ma première fois ».

Ouh, mémorable. C’était pas une anomalie!

Ton premier souvenir musical?

Et ben je n’ai pas de souvenir sans musique, vu qu’on est tous musiciens dans ma famille… Je devrais plutôt essayer de me rappeler de mon premier souvenir sans musique… J’étais aux toilettes je crois ! (rires)

La première chanson que tu as écrite ?

La première chanson ? Aïe aïe aïe… Elle est enterrée… Qu’est ce que c’était ? Je ne sais même plus son titre mais c’était horrible. J’écoutais beaucoup Mano Solo à l’époque, je devais hurler des obscénités. Je m’en rappelle pas, mais je me rappelle que j’ai vite décidé de ne plus la chanter !

Ton premier concert ?

C’était sur une péniche qui s’appelle « La balle au bond ». Je devais avoir 18 ans, il y avait déjà mon bassiste à l’époque. C’était bien n’importe quoi, on était quinze sur scène alors qu’on pouvait être quatre. On a failli annuler le truc à cause de la crue de la Seine… le point de départ de ce genre de signe qui nous arrive tous le temps… On pourrait être les Pierre Richard de la musique !

Ta première pensée qui te traverse l’esprit quand tu montes sur scène ?

Trouver le micro dans le noir ! Ne pas tomber !

La première chose que tu fais en descendant de scène ?

J’allume une cigarette. Je ne fais rien avant d’avoir tiré quelques taffes de cigarette. Et pas de rappel tant que je n’ai pas fumé !

Le premier album que tu as acheté ?

Je crois que c’était Rap Attitude ! J’hésite je sais plus si c’était Rap Attitude ou la BO de la Haine…

Ta première désillusion musicale ?

Oh non je vais être méchant ! Je ne vais pas te citer de nom parce que c’est pas gentil, mais quand j’ai commencé à écrire des chansons, je ne suivais pas du tout ce qu’il se faisait en chanson française. J’étais persuadé que dans ce pays dès que tu secouais un arbre t’avais trois Brel, deux Ferré et que les Brassens sortaient de partout. Je pensais qu’il y avait cette tradition qui faisait des chansons trop belles. Et en fait c’était au début du renouveau de la chanson française… Il y a douze ans, je suis allé voir l’un de ces dignes représentants de ce courant-là. Je m’attendais à voir un de ces monstres et je suis ressorti de là totalement terrifié. Je comprenais pas ce qu’il venait de m’arriver. C’était le début d’une longue série de désillusion !

Ta première mauvaise critique ?

Mais je n’en ai jamais eu ! (Rires) Le premier truc qui me vient à l’esprit c’était pour le premier disque, on avait fait une série de concert à l’Européen et on était tombé sur un blog qui relatait une soirée, un double plateau avec Ariane Moffatt. On se fait défoncer mais c’était monstrueux! Il n’y avait pas un truc qui lui avait plus. On a adoré cet article parce qu’on sentait que le mec avait trippé à nous défoncer. D’une part ça faisait plaisir parce qu’il avait mis du temps et du coeur à l’ouvrage ! C’était sympa.

Ta dernière grosse folie ?

Faire des concerts ! Enfin c’est n’importe quoi cette histoire. C’est ce que je me dis quelques fois avant de rentrer sur scène. C’est complètement absurde de demander à des gens de venir me voir. C’est fou de chanter des chansons le soir, faire des balances… C’est n’importe quoi, ça me fait penser aux castors qui passent leur temps à taper sur de l’eau et ils pensent que c’est ça la vie

Dernière grosse claque musicale ?

Genre grosse claque ? Jeanne Added. Elle déchire.  Faut la voir en solo ou en duo dans un petit lieu, un concert bien à elle. C’est une claque absolue. Quand je suis ressorti de son premier concert, j’ai eu la sensation de voir l’incarnation de PJ Harvey et d’Edith Piaf. Elle a une émotion qui est franco-française, très terrestre et un truc très rock à la PJ Harvey, ou à la Breeders. C’est ma pote !  Je suis trop fier !

Un dernier mot pour conclure cette interview ?

Vous êtes formidable ! Un moment superbe. Merci !

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Merci à l’EMB et à Ninon B.


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