Le ravin

Par Ephe
Elle est au sommet d'un ravin. Équilibre précaire. Envie de tout. Envie de rien. Envie de magnificence. Elle est au sommet du ravin, contemplant l'immensité du vide sans apercevoir la couleur de celui-ci.  Le vent balaye ses cheveux et les larmes dans ses yeux d'un gris lumineux. La vie y brillent, mais y est ombrée par le spectre de la mort.  Tous autour d'elle, se rassemblent, se relèvent et s'unissent. Elle est la seule qui n'arrive pas à le faire. Elle ne trouve plus les réponses. Elle n'a plus la flamme.  Les bras en croix, le cœur battant, le froid l'enveloppant, elle voudrait se laisser tomber. Mais pour ce faire, il faudrait qu'elle fasse confiance au vide. Qu'elle accepte qu'il la rattrape. Qu'il l'engloutisse. Mais elle ne fait pas confiance. Ont lui a volé depuis longtemps ce précieux sentiment.  Elle inspire. Tout devient noir. L'espoir n'était qu'une fantaisie qu'elle s'est fait croire. Sa vie qu'un cauchemar. Elle espérais se réveiller un matin et se dire que c'était fini. Que plus jamais elle côtoierait l'image dans le miroir.   Elle a tout appris. Elle a tout vu. Il ne lui reste que des miettes de ses rêves qui ont été pulvérisés les un après les autres. Meurtrie par la parole, meurtrie par les mains, meurtrie par la chair, meurtrie par la stupidité et l'ignorance.  Dans son âme elle connaît toutes les réponses. Elle n'a pas besoin qu'on lui explique. Elle n'a pas besoin qu'on essaye. Les blessures à vives, cicatrices brûlantes de ses échecs, sont la preuve qu'elle a échouée. Elle n'appartient pas à ce monde. Elle n'est pas comme eux. Elle ne mérite pas.  Toutes ses années, ils ont voulu la briser. Comme une enfant, elle s'est racontée une histoire. Celle qu'un jour, elle pourrait être la femme que sa mère disait qu'elle serait. Que ce n'était pas important. Que chaque paroles, chaque marques, chaque gestes déplacés, elle les relèguerait au plus profond d'elle et les oublieraient. Elle serait plus forte que leur haine. Plus forte que leur faiblesses.  Et pourtant, aujourd'hui, au bord du ravin, se tenant en équilibre entre la fin tant désirée, elle hésite. Elle rêve de mort violente, de mort grandiose. Une fin à la hauteur de la vie qu'elle n'a pas. Un souvenir marquant qui laissera sa marque. Une trace d'un rouge plus rouge que le sang.  On lui a inscrit au fer rouge sur la peau : Rejet. On lui a dessinée sa vie. Le chemin, ils lui ont tracés à coup de ricanement, d'attouchement et de désir sombre. Ils l'ont rendu aveugle à l'amour sincère et à la vérité.  Aujourd'hui elle suit  les traces de la vie, aveugle de sa beauté. Craintive de se faire rejeter encore elle ne voie plus les couleur qui pare ceux qui sont bon. Elle n'a plus confiance depuis longtemps. Elle ne croit pas leur paroles. Elle entend autre chose.  Un démon s'est logé dans son cœur et son âme. Il lui susurre depuis des années une vérité qu'elle ne peut faire autrement de croire. Car les gestes démontrent la vérité. La vérité qu'elle n'est rien dans  ce monde. Un grain de sable. Une poussière. Une insignifiance face à l'immensité.  Elle s'est battu tout ce temps par défi de démontrer qu'ils avaient tord. Mais elle n'y croit plus. N'y a jamais réellement cru.  Le vent l'enveloppe, lui glace le sang. La vie est un don. La mort une solution. Mais l'ironie, c'est qu'elle pourra toujours aller jusqu'au bout du chemin qui oscille entre le don et la solution. Elle ne pourra jamais embrasser la solution. Malgré son désir ardent de le faire, malgré l'inconnu et la noirceur, elle sait qu'elle le pourrait. Elle sait qu'elle en a la force et la volonté.  Mais dans tout ce qu'on lui a apprit, il y a une chose importante qu'on lui a dite : La mort sera la fin. Et elle ne veut pas la fin. Elle souhaite seulement un recommencement...
 - Fin -