Une histoire de Juan Carlos, interdite aux personnes sensibles et aux moins de dix huit ans. Nous lui en remercions!
« Non, désolé mais je ne te montrerai pas ma mouche. Ne le prends pas mal, il n’y a rien de personnel je ne montre jamais mes mouches, à personne. Mes mouches sont le fruit d’années d’observation et d’essais, elles sont ma propriété et je me suis fixé comme règle de ne jamais les montrer à personne. D’ailleurs tous les vrais pêcheurs expérimentés font de même. »
Sa réponse me laissa pantois. Je ne lui avais même pas demandé de me la montrer « sa » mouche, je lui avais seulement demandé avec quoi il pêchait… D’ailleurs s’il y a quelque chose que je prends bien comme une grosse blague pour débutants, c’est cette histoire de mouche secrète. Après tout si ça pouvez lui faire plaisir à mon vieux Pablo de penser qu’ajouter trois plumes ici ou un peu de brillant là allait lui permettre de trouver l’arme ultime. Je me disais que chacun trouve son plaisir là où il le veut et que c’est très bien ainsi. Néanmoins, je trouvais sa réponse désobligeante et contraire à ce qui fait l’un des attraits pour moi de la pêche à la mouche, le partage, le partage de ces tous petits riens qui sont aussi bien une anecdote qu’une petite nuance dans une mouche.
Quelque temps plus tard j’eus l’occasion de pêcher en compagnie de Pedro, un fameux spécialiste de la nymphe à vue. Je pris une terrible déculottée pour ce qui est du nombre de poissons pris mais ce fut surtout un moment merveilleux tant ce pêcheur était prêt à transmettre on immense science des rivières et des poissons. Sa boite à mouches étaient d’une étonnante simplicité, des modèles connus et archi-connus. Je ne pus m’empêcher d’évoquer Pablo et ses modèles secrets. Cela fit sourire Pedro, il connaisait Pablo et savait que ce dernier avait beaucoup travaillé sur des modèles spéciaux de nymphe, sur des manières de lester la nymphe pour obtenir une descente saccadée, il savait même qu’il utilisait deux modèles spéciaux, un lourd et brillant et l’autre dans une matière « souple ».
Je n’étais que moyennement intéressé par ces nymphes à la nage saccadée mais j’avais quand même en tête la réponse désagréable de mon ami aux mouches secrètes et quand un jour l’occasion se présenta de lui jouer un mauvais tour, je ne la laissai pas passer. Je connaissais la petite vanité de Pablo et je savais que le jour où je lui parlais d’une grande star du américaine, qui voulait pêcher à la mouche lors d’un déplacement en France et qui avait besoin de quelqu’un capable de le guider. comme il y aurait même une caméra pour un petit reportage, je pensais que mieux valait ne pas chercher un guide professionnel et que c’était lui qui me semblait le plus indiqué. C’est avec empressement que Pablo accepta.
Le jour J, les caméras de la chaine hunting fishing et son présentateur vedette Robert Brendecouye débarquent, mon Pablo est déjà en grande tenue prêt à partir, son sourire en dit long sur la « dérouillée » qu’il pense infliger à ma grande star américaine qui se fait encore attendre quelques instants. Ce qu’il ne sait pas c’est que ma star américaine l’est aussi par la taille, du haut de ces 2m13 Glenn Jacobs, est bien plus connu dans le milieu du Catch américain sous le nom de « Kanes » et que si c’est un homme délicieux dans la vraie vie, il vaut quand même mieux ne pas trop le contrarier.
un homme délicieux à qui vous prêterez spontanément votre boite à mouche
D’ailleurs voilà Glenn qui débarque, je l’ai bien brieffé, il est parfaitement équipé pour la partie de pêche, hormis les mouches. Il lui suffit de les demander à Pablo. C’est ainsi que devant les caméras de hunting fishing et les yeux du monde entier, la plus singulière des boites à mouches fut dévoilée. Elle est composée de seulement deux modèles, ils sont faits pour descendre en nage saccadée, l’un est lourd et très brillant, l’autre est plus léger en plastique, tous les deux ont une forme singulière qui s’inspire de la nature.
Epilogue: Glenn me remercia pour l’excellent moment qu’il avait passer au bord de l’eau. Il fit une excellente pêche. Je n’ai plus guère de nouvelles de Pablo. En vérité je me sens un peu coupable, je comprends maintenant que ce n’est pas uniquement par avarice qu’il tenait tant au secret de ses mouches.